Claire Bové, rameuse émérite au club d’Aviron de Meulan-Les Mureaux-Hardricourt (AMMH)
Nous avons aujourd’hui la chance d’accueillir un jeune espoir de l’aviron français. Ecoutons-la nous parler de sa passion pour ce sport si exigeant et surtout de toutes les joies qu’il lui apporte, portrait d’une jeune fille bien dans sa peau et aussi bien occupée…
Bonjour Claire, merci de donner un peu de votre temps pour notre journal. Nos lecteurs vous connaissent un peu ; ils ont déjà pu suivre certains de vos « exploits » dans nos colonnes, ils aimeraient sans doute mieux vous connaître.
J’habite à Montalet-le-bois, j’ai 21 ans. Mon papa est professeur d’éducation physique. Après avoir longtemps enseigné au collège Henri IV de Meulan, il est maintenant dans un établissement de Mantes. Il est entraîneur d’aviron pour le club de cette ville. Ma Maman travaille chez Cacao Barry-Callebaut à Hardricourt ; elle a aussi pratiqué l’aviron à haut niveau, elle a même été vice-championne du monde. J’ai un frère, un peu plus âgé que moi ; il rame également à l’AMMH et obtient de belles performances. Il est aussi en équipe de France (5ème en quatre de couple au championnat du monde à Poznan en 2018). Nous avons d’ailleurs fait bateau commun aux derniers championnats de France mixtes en sprint à Gérardmer, nous avons terminé à la deuxième place.
On peut penser que vous étiez destinée à pratiquer l’aviron ; dans quelles conditions avez-vous commencé ce sport ?
Je crois me rappeler que c’était lorsque j’étais en classe de 5ème, au collège Mercier Saint- Paul à Meulan ; M. Dumas-Prunier animait des séances de ce sport le mercredi. A cette époque je préférais le triathlon, que je pratiquais aussi, mais il y avait ma meilleure amie, Carla Silvestre, qui voulait s’inscrire au club de l’AMMH pour que l’on essaye l’aviron ensemble ; c’est donc un peu l’amitié qui m’a fait me décider. Il faut dire qu’à cet âge-là, je faisais beaucoup de sports : l’équitation, la danse, le triathlon et bien sûr, l’aviron.
Depuis que je suis minime, Carla est restée ma meilleure amie et lorsque nous ramons pour le club, c’est entre autres avec elle que je partage le bateau ; ensemble, nous avons d’ailleurs obtenu de très beaux résultats. Après une année à Notre-Dame à Mantes, j’ai fini mes années lycée au pôle espoir de Fontainebleau.
Vous êtes maintenant étudiante, comment arrivez-vous à concilier sport de haut niveau et études ?
Je prépare effectivement le diplôme de kinésithérapeute à la faculté de Lyon depuis l’année dernière. Là-bas, j’ai retrouvé mon frère qui est en classe à l’INSA et nous avons quelquefois le bonheur de ramer ensemble. Pour ce qui est de concilier sport et études, ce n’est pas très simple mais on y arrive ; j’ai la chance de pouvoir disposer d’horaires aménagés, en fait je fais une année en deux ans, et d’avoir également d’un appartement à Lyon situé à 500 m du bassin sur lequel je m’entraîne et des infrastructures du pôle espoir d’aviron ; seul petit point noir : la fac qui est à 16 km… heureusement, j’ai investi dans un vélo électrique, il me fait gagner beaucoup de temps !
Nous sommes curieux, comment se passe une journée de championne ?
On peut dire qu’elles sont bien occupées, je n’ai pas beaucoup de temps pour flâner. Je me réveille vers 6 h 30, c’est fonction de l’horaire de mes cours : dans le cas où ils débutent vers 10 h, j’ai le temps de me rendre sur le bassin pour ramer, si c’est plus tôt, je file directement à la fac. En général je quitte l’université vers 17 h, je passe donc ma soirée, jusqu’à 21 h environ, soit sur le bassin si le temps le permet, soit en salle et après… un peu de travail pour les études et… dodo ! Je réalise entre dix et douze entraînements par semaine.
En effet, les journées doivent passer bien vite, mais il y a aussi l’éloignement. Comment faites-vous pour vous partager entre Lyon et Montalet, vous rentrez chaque semaine ?
Je dois bien admettre que ce n’est pas toujours facile ; heureusement il y a le TGV, deux heures pour faire Lyon-Paris, je rentre donc régulièrement en fin de semaine pour ramer avec le club. Environ dix jours par mois, je participe à des stages avec l’équipe de France, ils ont lieu sur le bassin de Vaires sur Marne, c’est celui qui a été choisi pour accueillir l’aviron aux jeux de Paris en 2024.
Parlons un peu de vos résultats, j’ai le sentiment que vous avez réalisé une très bonne année 2019 ?
Oui, heureusement cette année a été bien meilleure que la précédente. En 2018, j’ai ressenti une grande fatigue, je ne sais pas trop à quoi c’était dû ; en tous les cas, ce passage à vide m’a vraiment mis le moral à zéro. J’ai retrouvé la forme en fin d’année dernière et le travail effectué pendant l’hiver a payé ; vous savez, ce n’est pas toujours facile d’aller à l’entraînement lorsqu’il pleut ou lorsqu’il y a du vent, il faut vraiment être motivé. Mes résultats de 2019 m’ont récompensée de tous les efforts que j’ai fournis. J’ai remporté le championnat de France en skif, j’ai battu Laura Tarentola, la détentrice du titre (elle avait été championne du monde en skif l’an dernier), c’était une première pour moi ; d’ailleurs, je n’en reviens toujours pas !
C’est avec elle que je rame en équipe de France et nous avons obtenu ensemble, en deux de couple, de belles performances au niveau international (vice championne d’Europe à Lucerne et 5ème aux championnats du monde à Linz).
C’était votre premier podium international ?
Non, j’ai déjà eu une médaille de bronze en quatre de couple lorsque j’étais junior.
Racontez-nous cette course aux championnats du monde…
C’est un peu bizarre. Nous avons fini 3ème de la demi-finale ; nous devions donc avoir la ligne d’eau 6, mais compte-tenu du vent de travers cette ligne était avantagée, un nouveau tirage a donc eu lieu et nous avons hérité d’une ligne moins favorable, mais nous n’avons aucun regret, nous avons vraiment le sentiment d’avoir tout donné et d’un point de vue personnel, c’était vraiment une course « super », alors…
Et puis surtout, cette cinquième place vous donne le droit de participer aux prochains Jeux Olympiques, ce n’est pas rien.
Oui, oui, c’est extraordinaire, mais attention, c’est le bateau que nous avons qualifié et pas l’équipage. Nous sommes trois filles pour ce bateau ; pour l’instant, Laura et moi tenons la corde, mais il ne faut pas faiblir ! D’autant que des plus jeunes que nous peuvent réaliser de meilleures performances pendant la prochaine saison. Ceci dit Laura et moi avons tout de même de grandes chances de participer à cet extraordinaire évènement, j’en rêve !
Beaucoup de jeunes imaginent comme vous revêtir le maillot au coq, comment devient-on membre de l’équipe de France ?
Le chemin qui mène à la sélection en équipe de France est très long. Il faut déjà se faire remarquer au cours de l’épreuve de tête de rivière qui a lieu chaque année le 11 novembre. Il y a ensuite des tests ergométriques réalisés en salle, l’un en décembre, l’autre en février. Entre ces deux tests, il faut « performer » dans ce que l’on appelle « des piges » et si tout se passe bien, que l’on reste dans les meilleures, on accède au « graal » : la sélection en équipe de France !
C’est vrai que c’est une belle chance, beaucoup de voyages…
Oui, oui, beaucoup de voyages, mais peu de temps pour en profiter, ils se résument souvent à des trajets hôtel-bassin et bassin-hôtel ; on arrive tout de même à avoir l’occasion de faire un tour en ville mais ce qui est le plus formidable, c’est la rencontre avec les athlètes de tous les pays.
J’imagine que vous n’avez pas beaucoup de temps pour d’autres loisirs ?
Non pas vraiment et pourtant j’ai gardé une grande passion pour l’équitation. J’adore les moments passés à cheval le long des grandes plages en Bretagne ; j’oublie tout pendant ces grandes chevauchées sur le sable, malheureusement je n’ai plus beaucoup de temps. Je me rattraperai lorsque j’arrêterai l’aviron !
Parlez-nous un peu de vos projets ?
Oh c’est simple : à court terme, c’est bien sûr ma participation aux Jeux Olympiques de Tokyo, mais pas seulement, participer : Laura et moi nous irons… pour gagner ! Vous ne pouvez pas savoir comme j’ai hâte d’être là-bas, le défilé au milieu de tous les athlètes Français et étrangers, se retrouver au milieu de ce grand stade.
Je suppose que vous resterez jusqu’à la cérémonie de clôture ?
Oui bien sûr, je ne veux rien rater de ce grand évènement. La vie au village des athlètes doit être si intense. Enfin mon projet à plus long terme, c’est… Paris en 2024. Pour l’instant, je me fixe des objectifs à six ans : d’abord, comme je vous le disais, Paris en 2024, si tout va bien à ce moment-là, je finirai mes études de kiné et après je pense m’établir dans un cabinet et surtout acheter un cheval !
Eh bien merci Claire, c’est vraiment tout ce que l’on vous souhaite, c’est tellement bon de rencontrer des gens qui ont confiance dans la vie. Je peux vous assurer que toute l’équipe du journal et la communauté de nos lecteurs vont suivre avec une attention particulière les épreuves d’aviron au cours des prochains Jeux Olympiques, bonne chance !
Propos recueillis par Jannick Denouël
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