Fernand Kaboré, Hardricourtois, secrétaire général de l’association Solidarité Familiale (ASF)

Bonjour monsieur Kaboré, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs et leur confier ce qui vous a conduit à Hardricourt ?

Je suis Burkinabé, originaire plus précisément du plateau central du Burkina-Faso. Je suis arrivé en France, aux Mureaux, en 2006. J’ai alors trouvé un travail à la mairie d’Hardricourt comme assistant de direction à l’école puis comme gardien du parking de la gare pendant la période où il a été payant. Compte-tenu des horaires de travail, monsieur Cassagne, maire d’Hardricourt à l’époque, m’a suggéré de venir habiter à Hardricourt et je me suis donc installé avec ma famille boulevard Michelet en 2008. Lorsque le parking est redevenu gratuit, j’ai réintégré la mairie d’Hardricourt et, assez vite, j’ai été en charge de la distribution des repas, ce que j’ai fait pendant sept-huit ans. Cette tâche me conduisait tous les matins à rencontrer les personnes en incapacité temporaire ou définitive de se préparer leurs repas. Elle correspondait bien à ma vision de la vie qui me pousse à être à l’écoute des autres, à apporter une aide morale. Par exemple, j’organisais mes distributions en fonction du temps que les personnes servies voulaient que je leur accorde, en mettant celles qui demandaient le plus de présence en fin de tournée pour ne pas faire attendre les autres.

Les Hardricourtois connaissent donc bien votre visage ?

Oui, il y a des chances qu’ils m’aient repéré, qu’ils m’aient aperçu dans la cahutte d’entrée du parking à l’époque ou au volant de la fourgonnette grise de la mairie ces dernières années lorsque je livrais les repas, distribuais le courrier de la mairie, ouvrais le matin et fermais le soir les lieux publics de la commune : parcs, église… Ma présence est différente ces derniers mois car je suis en retraite depuis la fin du mois d’août 2019.

Pouvez-vous nous dire comment est née l’association ASF dont vous êtes secrétaire ?

L’association a été créée en juillet 2009. Son siège social est à la mairie d’Hardricourt. Sa création est partie d’un double constat :

  • d’un côté, dans les pays en voie de développement, nous rencontrons beaucoup de familles démunies qui ne maîtrisent pas forcément la gestion d’un environnement domestique sain,
  • de l’autre, en France, nous constatons beaucoup de gaspillage et observons aussi que beaucoup de personnes sont isolées.

L’association essaie de remédier à ces deux difficultés sociétales, tout en faisant des ponts entre ces deux cultures.

C’est peut-être ce que signifie le logo de votre association ?

Exactement, le logo de l’ASF est formé de quatre mains : deux mains de personnes noires et deux mains de personnes blanches se tenant par les poignets, indiquant ainsi la solidarité.

Concrètement, vous avez donc des activités dans des pays en voie de développement ?

Oui, nous sommes présents au Burkina-Faso. Avant notre arrivée en France, mon épouse intervenait déjà dans des familles pour les sensibiliser à l’hygiène afin de se prémunir contre les maladies diarrhéiques, le paludisme, … mais aussi pour leur apprendre comment faire des repas à moindre frais. Ce sont ces activités qui sont réalisées par des bénévoles, membres de notre association présents sur place.

Et en France, quelles sont vos activités ?

Dans un premier temps, nous avons participé à des brocantes lors de la fête du muguet à Hardricourt et aux Mureaux. Notre objectif était de faire du recyclage de meubles, d’appareils électroménagers que nous mettions à disposition de familles démunies en France mais aussi de vêtements pour les redistribuer en France ou au Burkina-Faso. Mais nous nous sommes heurtés à des problèmes de stockage : nos caves personnelles étaient pleines, le toit du lieu mis à notre disposition gracieusement par la mairie fuyait et nous a obligés à son évacuation en jetant beaucoup. D’autre part, le transport vers l’Afrique était onéreux.

Du coup, vous avez dû arrêter ces activités ?

Nous avons réduit ce côté de nos activités mais nous en avons aussi proposé d’autres à Hardricourt à l’attention des familles : atelier cuisine pour faire découvrir la cuisine africaine : cuisson des bananes plantains, préparation du mafé, plat de riz à la sauce cacahuètes, fabrication de bonbons. Nous avons aussi organisé une soirée ciné-club avec débat sur le film de Bryan Buckley « Les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus ». Et nous avons initié des visites de courtoisie et organisé les courses pour des personnes seules ou dans le besoin. Dans le même esprit, nous nous retrouvons avec des personnes lors d’un repas de l’ASF où nous proposons des ventes de produits Burkinabé comme du beurre de karité par exemple au profit de l’association.

Nous participons aussi aux opérations « Berges propres » menées par la ville d’Hardricourt et, plus récemment, nous avons participé au repas de Noël organisé par la paroisse de Meulan-Triel.

Nous avons aussi aidé récemment à préparer le terrain à l’école d’Hardricourt pour que les enfants puissent planter des bulbes.

Qu’entendez-vous par « visite de courtoisie » ?

Il s’agit, pour deux bénévoles, de venir régulièrement s’entretenir avec une personne seule pendant une petite demi-heure. Nous complétons cela par des appels téléphoniques de courtoisie, dans le même état d’esprit. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait pendant le confinement. Nous sortons aussi les personnes âgées qui, souvent, ne quittent plus leur domicile. Nous les emmenons en voiture sur les lieux qu’elles ont connus pour qu’elles voient leurs évolutions : les Mureaux des années 80, par exemple, ont bien changé ! Nous leur montrons aussi les dernières réalisations à Hardricourt, tout cela, en roulant doucement pour qu’elles aient le temps de regarder.

Vous avez parlé de « pont entre les cultures africaines et européennes ». Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?

Cela concerne les aspects pratiques comme les collectes de vêtements ou les ventes de produits locaux déjà évoqués, mais nous avons constaté qu’il y a beaucoup de blessures par incompréhension : un même mot ne veut pas dire la même chose dans les deux cultures. Il est important qu’il y ait des médiateurs pour effacer les rancœurs, voire désamorcer les conflits, ce que nous nous efforçons de faire.

Pouvez-vous donner un exemple ?

Au Burkina : « Je te mets à la porte » signifie : « Je t’accompagne jusqu’à la porte ». En France, « Je te mets à la porte » signifie : « Je te chasse ». Ou encore, au Burkina, si vous avez une visite, vous servez tout de suite un rafraichissement, même avant de dire bonjour. Si vous demandez à votre visiteur : « Veux-tu boire quelque chose ? », cela veut dire que vous n’avez pas du tout envie qu’il reste boire avec vous. En France, c’est normal de dire bonjour puis de demander à ses visiteurs ce qu’ils veulent boire.

Avez-vous des projets ?

Oui. Nous avons beaucoup d’idées : nous avons pensé à des conférences pour les femmes, un arbre de Noël pour les enfants. Nous souhaiterions aussi créer du lien entre les associations d’Hardricourt, les fédérer en quelque sorte, sans formalisation aucune, c’est-à-dire pas de bureau avec président… afin que les associations se connaissent et se soutiennent, car toutes, nous contribuons chacune à notre manière à la vie d’Hardricourt. Cela évite les jalousies et est souvent bénéfique même au nouveau des résultats lors de compétitions. Si nous disposions d’un local, nous pourrions aussi distribuer des colis alimentaires, œuvrer pour l’insertion sociale et, pourquoi pas, créer une blanchisserie solidaire avec des machines à laver/sécher à disposition et du matériel pour repasser…

Merci, monsieur Kaboré, de nous avoir accordé du temps, alors que votre emploi du temps semble bien rempli. Nous espérons que cette interview fera un peu mieux connaître vos activités à nos lecteurs et, qui sait, leur donnera peut-être l’envie de rejoindre l’ASF ?

Propos recueillis par Véronique Schweblin

Contact : fassocia@gmail.com

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