Une nouvelle jeunesse pour le Vieux pont de Limay … Mantes

Le plus vieux document faisant mention d’un pont entre Mantes et Limay est une charte de l’an 1050. Edifié en bois, la construction médiévale compte à son apogée trente-sept arches et se découpe en trois parties surplombant les deux bras de la Seine. Ces ponts ne sont pas dans un même alignement mais décalés. Le premier tronçon va de la rive gauche de Mantes à l’île aux Dames, le second traverse les zones marécageuses de cette île et le troisième doté d’une maison de passeur à l’entrée, rejoint la rive de Limay. Son accès est règlementé par un péage très lucratif dès le XIIIe siècle. Comme de nombreux anciens ponts enjambant la Seine de Poissy à Vernon, des maisons, pêcheries et moulins s’installent au-dessus de leur structure assurant l’animation du lieu comme en témoignent nombre de dessins et de gravures.

Les crues de la Seine et la fonte des neiges lors des rudes hivers occasionnent de graves dégâts ! Des arches emportées par les glaces et des parties de tabliers effondrées obligent de nombreux travaux de réfection. En 1613, à l’instigation de Sully, le pont médiéval est remplacé définitivement par un pont de pierre.

Trop vétuste, le premier tronçon fut démoli en 1765 après la mise en service d’un nouveau pont : le pont Perronet (du nom d’un des premiers ingénieurs des Ponts et Chaussées), à l’emplacement du pont actuel. Le deuxième est reconstruit en 1840 dans son prolongement. Côté Limay, des travaux de restauration sont projetés en 1837. Les ingénieurs proposent de l’élargir et d’ajouter un passage de halage, certains imaginent même de le remplacer par un pont suspendu, type d’édifice alors très en vogue. Mais heureusement, ces projets n’aboutissent pas. Jusqu’en 1855, le vieux pont, resté en l’état, est alors réservé aux passages piétons mais n’étant plus entretenu, il est interdit à toute circulation en 1867 par arrêté préfectoral.

Appelé Vieux pont de Limay mais aussi Vieux pont de Mantes-la-Jolie, la question de sa propriété a toujours été un litige entre les deux villes. En 1923, il est classé monument historique et décidé qu’il appartient à Mantes. Il a été partiellement détruit le 9 juin 1940 par le génie militaire français. Deux arches centrales sont dynamitées pour retarder l’avancée de l’armée allemande.

En 1967, un comité de sauvegarde est constitué pour œuvrer à la remise en état du vieux monument dont la pérennité n’est pas assurée. Des travaux limités de restauration sont alors réalisés. Considéré comme l’un des plus vieux ponts de France, sa restauration a été de nombreuses fois repoussée mais il va enfin retrouver une deuxième jeunesse dès cette année. Deux plongeurs scaphandriers, un expert balisticien, une agence intervenant au titre d’architectes du patrimoine, le tout supervisé par un archéologue de la direction régionale des affaires culturelles d’Ile-de-France ont commencé les travaux, sous la responsabilité de la communauté urbaine Grand Paris Seine & Oise (GPS&O) au début du mois de juillet. Les plus observateurs auront remarqué l’échafaudage posé sur la rive de l’île aux Dames. GPS&O informe que dans un premier temps, les plongeurs scaphandriers sont chargés d’aller chercher les pierres tombées au fond du fleuve afin qu’elles soient nettoyées et remises à leur place d’origine. Quant au balisticien, il tentera de déterminer l’époque et la provenance des éventuels impacts de balles.

A la fin du chantier prévue à la mi-2025, nous pourrons alors imaginer ce vieil édifice au temps où les habitations s’y dressaient. Le célèbre tableau « Le pont de Mantes » peint en 1868 par Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875) en atteste. Témoins du passé : la maison du passeur, un moulin… dernier moulin qui a sombré en 1870 pendant une crue, détruit par une péniche ayant heurté ses pilotis.

Plus tard, avec ce tableau retraçant un passé lointain, un autre évènement nous rappellera un passé plus récent. Les cinéphiles se souviendront avec émotion que c’est sur ce pont que Jeanne Moreau se donne la mort en voiture à la fin du film « Jules et Jim » de François Truffaut.

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