A la rencontre du père Ziad Hilal prêtre syrien
C’est le 20 mars dernier qu’une cinquantaine de personnes se sont retrouvées à la paroisse de Triel pour assister à la conférence du père jésuite Ziad Hilal qui vit dans le quartier d’al-Adawya/al-Nouzha, à Homs, où il dirige le « Centre éducatif Saint-Sauveur » et dix autres centres du même genre dans la métropole syrienne et la campagne environnante.
Ce n’est qu’après une présentation de l’Œuvre d’Orient (1), préparée par Antoine, paroissien à Triel et organisateur de la soirée, que le père Ziad Hilal a évoqué la situation des chrétiens en Syrie et les missions qu’ils accomplissent grâce au soutien de l’œuvre d’Orient et à une vingtaine d’associations réparties dans le monde.
Voici quelques éléments de son témoignage :
La Syrie un pays multi-ethnique et confessionnel. La population de 23 millions d’habitants (en 2010) est d’origine arabe, chaldéenne, kurde, tchéchène et comporte de nombreuses communautés à 90 % musulmanes (75% sunnites, et 15% chiites) et 10% chrétiennes, soit 2 millions de chrétiens, de différents rites : orthodoxe, protestant, copte, maronite, chaldéen, arménien et romain. Les chrétiens, qui représentaient plus de 20% de la population il y a quelques années, ont diminué pour n’atteindre que 10% en 2010 puis 7% et maintenant 5%. Effectivement, depuis quatre ans, beaucoup de chrétiens quittent la Syrie. Ils sont répartis partout sur le territoire et il est donc extrêmement difficile de créer une région pour les regrouper et les protéger.
La place des chrétiens en Syrie. Dans l’ensemble, cultivés, on trouve beaucoup de chrétiens dans l’enseignement, dans les écoles chrétiennes, dans les fonctions politiques (assistants, députés et ministres) et dans le commerce en particulier la bijouterie. Ils ont également très souvent un rôle de médiateur. C’est ainsi qu’à la demande de l’ONU, en accord avec les autorités et les rebelles, l’évacuation de la Vieille Ville d’Homs, berceau de l’insurrection, a débuté le 7 mai 2014, avec trois prêtres dont le père Ziad Hilal, pour accompagner les bus évacuant deux mille cent rebelles dans la région de Dar Al-Kabira, à une vingtaine de minutes du centre. Leur rôle était de faire le pont entre les rebelles et l’armée et se porter garants que tout allait bien se passer. C’est la peur au ventre que durant plusieurs jours, ils ont rempli cette mission ne sachant pas s’ils reviendraient de chacun des convoyages.
L’engagement de la communauté chrétienne d’Homs. Début 2011, dans le prolongement du printemps arabe en Tunisie, un conflit sanglant oppose deux partis armés au milieu de populations civiles en Syrie. A Homs, la moitié de la ville, dont trois églises et trois centres pour enfants, sont détruits. Depuis avril 2012, la communauté chrétienne a transformé le centre Al Mukhales pour en faire un centre éducatif et de support psychosocial. Depuis dix autres centres pour enfants fonctionnent sous l’autorité du père Ziad Hilal accueillant trois mille cinq cents enfants environ. Les motivations sont triples : prendre en charge les enfants déscolarisés, bâtir la paix et poursuivre la mission par fidélité à son ami le Père Frans van der Lugt, jésuite néerlandais qui, âgé de 75 ans, a été brutalement assassiné, le 7 avril 2014 dans le jardin de la Résidence des Jésuites de Bustan al-Diwan.
Par ailleurs le père Ziad Hilal préside « l’Eglise en détresse » qui prend en charge quatre-vingt six enfants handicapés entourés de quarante animateurs. Au total, tous centres confondus, ce sont près de cinq cents personnes qui sont rémunérées pour encadrer les enfants.
Le contexte politique. A Homs, la communauté chrétienne et la population civile restent sous la menace de milliers de rebelles situés à 17 km de la ville, avec comme seule protection l’armée régulière. Les négociations Genève 1 (30 juin 2012) et Genève 2 (14 février 2014) auxquelles le père Ziad Hilal a participé, n’ont pas donné les résultats escomptés et pourtant celui-ci estime que la voie des armes n’ayant apporté que mort et destruction, la seule sortie possible de cette profonde crise qui détruit le pays et sa population est la négociation. « Celle-ci doit reprendre et la communauté internationale doit encourager le dialogue. Nous sommes un seul peuple. Il n’y a pas d’autre chemin que la réconciliation ! »
La soirée s’est terminée par des remerciements chaleureux envers le père Ziad Hilal et par une invitation du père Matthieu Berger, curé de Triel, à soutenir financièrement l’Œuvre d’orient (thème de la campagne de carême) et à prier pour les chrétiens dans le monde et pour tous les peuples qui souffrent. Nous sommes repartis admiratifs et émus par le courage et la modestie du père Ziad Hilal et de tous ceux qui l’entourent, et avec la ferme intension d’en témoigner.