Architecture et lumières
Dans ce numéro consacré à la lumière nous avons pensé intéressant d’évoquer des lieux prestigieux, qui parmi l’immense patrimoine mondial, ont en commun d’avoir les phénomènes lumineux remarquables. Nous en avons retenu trois : Stonehenge, le Grand temple d’Abou Simbel et Vézelay.
Le site de Stonehenge se trouve dans la plaine de Salisbury, au sud de l’Angleterre. Son édification ne marque pas le début d’une ère nouvelle, mais la fin d’une ancienne. La construction de Stonehenge fut achevée à la fin du néolithique, il y a environ 4 000 ans et constitue l’aboutissement d’une société parvenue à son apogée.
Les fouilles archéologiques ont montré qu’il n’y a pas eu un Stonehenge, mais plusieurs, bâtis sur plus de 1 500 ans. Il en découle que le choix du site ne résultait pas du hasard et devait répondre à des critères en rapport avec le but de la construction et les observations du ciel à l’époque.
La dénomination de Stonehenge vient de stone et de henge ou hang qui fait référence aux pierres suspendues, c’est-à-dire aux linteaux surmontant deux piliers dressés verticalement.
Le chercheur William Stukeley découvre en 1740 une corrélation entre Stonehenge et les mouvements solaires. Sa découverte engage un débat fougueux ; certains ne sont pas d’accord. Les rituels autour du monument auraient eu lieu en hiver et non au moment du solstice d’été où le soleil passe au travers des pierres comme un couloir de lumière. Alors, coïncidence ? En 1965, l’astronome britannique Gerald Hawkins trouve par ordinateur treize corrélations solaires et onze lunaires avec le site de Stonehenge. Il le définit alors comme un « calculateur néolithique ».
Le Grand temple d’Abou Simbel construit par le pharaon Ramsès II (troisième pharaon de la XIXe dynastie (-1301 à -1236 avant J.-C.), pour son culte ainsi que celui de dieux égyptiens et de son épouse Néfertari. Il se situe au nord du lac Nasser sur le Nil, à environ 70 kms de la deuxième cataracte du Nil. C’est un hémispéos : terme employé en architecture pour désigner une forme de temples égyptiens à la fois creusés dans la roche pour la partie intime du temple et édifié en maçonnerie pour les parties d’accueil, tels le ou les pylônes et cours à ciel ouvert. Il est taillé dans le grès de la roche pour sa majeure partie, y compris la façade composée de quatre statues colossales de Ramsès II assis ainsi que d’autres statues, bas-reliefs et frises. Les parties non taillées dans la roche sont un péribole et un pylône en briques de limon du Nil. Au dessus de la porte du temple une statue en demi-ronde située dans une niche rectangulaire représente Rê-Horakhty reconnaissable au Disque solaire posé sur sa tête. La curiosité du temple d’Abou Simbel est sans conteste son exposition, en effet, dans la petite pièce de 4 sur 7 mètres, située à 65 mètres au fond du temple, se trouvent quatre statues représentant Ramsès II assis au coté des dieux Ptah, Amon-Rê, et Harmakhis. Dès le XIXème siècle, il fut constaté que la lumière du soleil pénétrait deux fois par an pour illuminer ces statues, précisément lors des équinoxes.
Enfin, seulement trois des statues étaient éclairées et étrangement la statue du dieu Ptah restait dans l’obscurité ; il fut découvert seulement plus tard que le dieu Ptah étant une divinité funèbre, il était normal pour les Egyptiens de le laisser dans l’obscurité qui est son élément. Le calcul qui a permis ce phénomène était tellement précis que les hommes qui ont sauvé le temple des eaux du lac Nasser n’ont pas pu réaliser la même prouesse technique, le résultat est que maintenant les statues sont éclairées avec un jour de décalage des équinoxes.
Dans la basilique de Sainte-Madeleine, à Vézelay, se produit, au solstice d’été, vers midi, un phénomène bien connu, maintes fois photographié et décrit : le long de la nef, bien dans son axe, se forme un chapelet de neuf grosses taches de lumière produites par le soleil au travers des fenêtres hautes de la basilique ; ces taches sont grossièrement circulaires ; elles se déplacent le long de la nef en progressant vers le chœur.
C’est en 1976 qu’après plus de huit siècles, Hugues Delautre (1922-2008), l’un des pères franciscains chargés depuis 1966 de la desserte du sanctuaire de Vézelay, découvre que non seulement l’axe d’orientation de La Madeleine, mais aussi sa structure interne, ont été déterminés en tenant compte de la position de la terre par rapport au soleil. Chaque année, la fête de Jean-Baptiste révèle les dimensions cosmiques de cette église : au plein midi du solstice d’été, quand le soleil est en culmination par rapport à la terre, la lumière venue des fenêtres sud projette des flaques lumineuses, appelées chemin de lumière, qui s’établissent dans le plein milieu de la nef avec une rigoureuse précision (voir photographie ci-contre). C’est en 1037, que l’abbé Geoffroy (1037-1052) remplace l’abbé Hermann et réforme l’abbaye. Il expose les reliques de Marie-Madeleine. Des miracles se produisent. Les pèlerins affluent et font de Vézelay le point de départ du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Bien sûr nous aurions pu allonger la liste des sites remarquables pour leurs caractéristiques « lumineuses », avec en particulier, les prestigieux temples incas et mayas, mais nous souhaitions vous éclairer, sans vous éblouir, si vous nous permettez ce jeu de mot, sur l’immense capacité des êtres humains qui n’ont pas attendu la puissance de calcul des ordinateurs pour maîtriser le positionnement des monuments dans l’espace par rapport à la lumière du soleil.
Yves Maretheu