Axel Leroy, champion d’Europe d’aviron
Nous vous proposons aujourd’hui de faire connaissance avec un champion d’Europe, Axel Leroy, tout récent bachelier, un jeune homme de 18 ans « bien, dans ses baskets », jeune rameur formé au club local l’AMMH.
Bonjour Axel, avant de commencer l’interview, je voudrais, au nom des Echos, vous féliciter pour ce beau titre. Ça doit tout de même faire quelque chose de devenir « champion d’Europe », non ?
Oui, c’est vrai on peut le dire. J’ai vécu en Belgique au moment de cette victoire des moments tellement intenses, vraiment inoubliables. Dès l’arrivée aux abords du bassin, j’ai ressenti quelque chose de différent des autres compétitions, un mélange d’inquiétude (on ne connaît pas trop les adversaires), de concentration et surtout une grande envie de réussir : pour les amis qui m’ont toujours accompagné pendant la préparation, la famille présente dans les tribunes et qui a fait de gros sacrifices pendant plusieurs années et pour moi-même. Et en prime il y a eu la victoire, une première Marseillaise, la marche la plus haute sur le podium, c’est magique. C’est vraiment tous ces moments intenses que j’ai envie de revivre et c’est pour cette raison que je continue !
Racontez-nous comment tout cela a commencé ?
J’ai commencé l’aviron, j’étais alors en classe de quatrième, il faut bien l’avouer un peu forcé par mon papa. Nous habitions déjà Hardricourt, il voulait que je fasse un sport, il y avait le choix et nous avons choisi l’aviron et l’AMMH. Mes premières expériences n’ont pas été très concluantes ; l’entraînement était très dur et j’y allais plutôt à reculons, j’ai même eu envie d’arrêter en cours d’année. Ce sont les copains rencontrés au club qui ont fait que je persiste et m’inscrive pour une deuxième saison et c’est durant celle-ci que j’ai eu le déclic. Il faut bien le dire, la très bonne ambiance qui règne au sein du club y est pour beaucoup, car les résultats n’étaient pas formidables, je ne sortais pas vraiment du lot.
Vous nous avez parlé de l’entraînement « très dur », comment cela se passait-t-il ?
D’abord il faut voir le bassin en hiver, le vent, le froid, parfois la pluie… : nous n’avons pas tous les jours un ciel bleu et un beau soleil. Ce sont les entraîneurs qui nous donnent l’envie de donner le meilleur de nous-mêmes ; ils nous inculquent dès le commencement ces valeurs essentielles pour le sport que sont l’humilité et l’entraide. Même si vous n’êtes pas le meilleur du club, les entraîneurs vous consacrent le même temps que les autres, ce sont eux qui nous donnent la confiance nécessaire pour réussir et dans tous les cas cette réussite ne peut être que collective. Pour revenir à l’entraînement, dès la deuxième année nous avions plusieurs séances par semaine et maintenant en seniors, c’est neuf à douze fois chaque semaine que je dois m’entraîner, pas seulement sur l’eau mais aussi en salle de musculation ou sur rameur.
A quel moment avez-vous senti que vous aviez des capacités supérieures à la moyenne ?
Jusqu’en troisième, cela faisait donc deux ans que je pratiquais l’aviron, mes résultats ont été bons mais pas extraordinaires ; c’est surtout à partir du moment où j’ai intégré le pôle espoirs à Fontainebleau que j’ai beaucoup progressé.
Parlez-nous un peu de cet établissement ?
Il s’agit de l’ancienne Ecole Interarmées des Sports (qui a remplacé le Bataillon de Joinville en 1967), il y a quelque temps elle accueillait tous les appelés sportifs de haut niveau. Elle s’appelle maintenant le Centre National des Sports de la Défense (CNSD) mais a conservé la même vocation et surtout est ouverte aux non militaires. Au milieu d’un domaine de plus de 50 ha, on peut trouver gymnases, stades, une piste d’athlétisme, des salles de toutes sortes, c’est idéal pour les sportifs, en plus à Fontainebleau il y a la Seine… : que demander de plus ? Pendant mes années lycée, j’ai donc suivi des cours dans un établissement scolaire classique et logeais et mangeais au CNSD où je disposais de tout ce dont j’avais besoin pour l’entraînement en compagnie de jeunes pratiquant l’athlétisme et la course d’orientation. Je revenais chaque week-end à Hardricourt où je retrouvais ma famille et mes amis de l’AMMH avec lesquels je participais aux compétitions interclubs.
Et c’est en 2014 que vous avez en quelque sorte « explosé » ?
Effectivement c’est ma meilleure année, mais vous savez c’est le résultat des années qui ont précédé, qui ont été des années de travail. L’aviron est un sport très technique et il faut du temps et du travail pour intégrer cadence, rythme et gestes parfaits et puis, comme je vous l’ai déjà dit, ces performances, je les dois aussi à ceux qui m’accompagnent : amis de l’aviron et entraîneurs. Sans leurs conseils, la confiance qu’ils m’ont accordée, les liens très forts d’amitié qui nous unissent, je ne serai sans doute pas arrivé à ce niveau.
Sur quelles distances ont lieu les régates en compétition ?
Toutes les courses se font sur 2000 m, c’est aussi la distance olympique, mais en hiver deux régates, appelées « Tête de rivière » sont organisées. Elles sont un chemin obligatoire pour les sélections.
Pour votre part, comment êtes vous arrivé en Equipe de France aux championnats d’Europe puis du Monde ?
Il existe d’abord des stages nationaux au cours desquels l’équipe de sélectionneurs fait un premier tri. Par la suite, des courses sont organisées entre les meilleurs, en deux sans barreur et en skiff, c’est-à-dire en solo. A partir de ces résultats, les entraîneurs nationaux font un choix, ils prennent en général les quatre premiers, j’ai eu la chance d’être parmi les premiers et ai donc pu participer d’abord en avril 2014 aux régates internationales à Munich en quatre sans barreur. A cette compétition, deux bateaux français étaient engagés, ils ont terminé 4ème et 5ème. C’est sans doute ce qui a décidé nos dirigeants à former un huit ; une bonne idée puisque aux championnats d’Europe qui ont eu lieu fin mai en Belgique nous avons fini premiers ! Pour finir, toujours avec les mêmes rameurs, nous avons participé en août 2014 aux championnats du Monde à Hambourg ; nous avons fini à la cinquième place, ce qui est très honorable car cette compétition est encore un cran au dessus des championnats d’Europe, c’est vraiment très impressionnant !
Racontez-nous un peu, comment se passe une course, est-ce tactique ?
Dans une course classique de 2000 m et à laquelle participent six bateaux, il y a au moins trois phases. Dès le départ, les équipages essayent de se placer en tête, surtout pour jauger et impressionner les adversaires, prendre une sorte d’ascendant psychologique. Après 500 m et jusqu’à 1000 ou 1500 m, on prend une sorte de rythme de croisière, on regarde un peu comment se comportent les adversaires et enfin pendant les derniers 500 m, on jette tout ce qui nous reste…
La saison 2014-2015 n’a pas été une très bonne année pour vous, que s’est-il passé ?
Effectivement et c’est le moins qu’on puisse dire. Sans doute à cause d’un entraînement trop intensif et de l’enchaînement des compétitions, j’ai eu une double tendinite aux deux genoux, ce n’est pas rien ! J’ai donc du arrêter complètement l’entraînement pendant trois mois, je ne pouvais entretenir que le haut du corps, c’était un moment crucial pour la préparation ce qui fait que lorsque la saison a débuté, je n’étais vraiment pas prêt et n’ai pas pu connaître à nouveau les joies de la sélection nationale. J’ai tout de même pu participer aux championnats de France en juin, avec Ivan Bové, Quentin Etienne et Richard Silvestre (mes copains de l’AMMH, nous nous sommes entraînés toute l’année ensemble) nous y avons fini 12ème, ce qui n’est tout de même pas mal.
Justement parlons un peu de l’avenir, vous êtes bachelier, il va sans doute y avoir une nouvelle orientation ?
Dès la rentrée prochaine, je vais rejoindre le pôle espoirs à Toulouse. Comme à Fontainebleau, je vais y trouver des installations idéales et des conseillers de haut niveau. Je n’y serai pas logé mais vais disposer d’une chambre à la cité universitaire. Parallèlement, je suis inscrit à la faculté de droit située à une dizaine de minutes en vélo du CREPS. Je vais retrouver là bas un rameur de Port-Marly que je connais bien et avec lequel j’ai déjà ramé pour la région Ile-de-France. Je reste bien sûr membre de l’AMMH, club avec lequel je participerai aux compétitions. Mon principal objectif reste bien sûr un retour en équipe de France, une fois qu’on a connu les joies et les émotions des grandes compétitions, c’est très dur de les oublier. J’ai tout de même conscience que ça va être difficile car je suis maintenant senior et la sélection sera plus ardue …
Merci beaucoup Axel pour ce temps accordé et pour votre simplicité. Nous vous souhaitons tout le meilleur pour la prochaine saison et les autres et surtout de vêtir à nouveau ce beau maillot bleu que vous aimez tant. Rio en 2016, c’est peut-être un peu tôt, mais rendez-vous pourquoi pas en 2020 à Tokyo ?
(Propos recueillis par Jannick Denouël)