La parole est à BABAR
« Célesteville est en fête car on célèbre mes quatre-vingts ans…Comme le temps passe ! On dit pourtant que je n’ai pas pris une ride, c’est un exploit pour un pachyderme.
Comme il se doit, j’ai une mémoire d’éléphant et je me rappelle tous les évènements de ma vie que Jean puis son fils Laurent de Brunhoff ont si bien racontés et illustrés s’inspirant des histoires que maman Brunhoff contait à ses trois garçons. Il leur a fallu soixante-quinze albums pour relater mes faits et gestes qui intéressent bien du monde si j’en juge par les treize millions d’exemplaires vendus à ce jour. Bien que né à Chessy en Seine et Marne, l’histoire de ma vie a rapidement gagné l’étranger et on compte aujourd’hui vingt-sept traductions de mes exploits sans oublier les dérivés : encyclopédie Babar, peluches et jeux.
Mais revenons à l’essentiel : je suis né dans la forêt équatoriale, d’une maman très affectueuse qui me berçait dans un hamac et me portait sur son dos. Ce bonheur fut de courte durée car un méchant chasseur l’a abattue, me laissant orphelin. De peur, je me suis enfui et suis arrivé finalement dans une ville où tout m’émerveillait. C’est là que j’ai rencontré une vieille dame très riche et très gentille qui aimait les éléphants. Elle a tout de suite compris que j’avais envie d’un bel habit pour être comme tout le monde ; afin de réaliser mon rêve, elle m’a donné son porte monnaie.
Me voilà parti dans un grand magasin où tout d’abord j’ai découvert avec ravissement les plaisirs de l’ascenseur ! Puis j’ai porté mon choix sur une tenue à laquelle je resterai fidèle : chemise avec col et nœud papillon rouge, costume d’une agréable couleur verte et chapeau melon, le tout complété de souliers avec des guêtres blanches. Ainsi vêtu, j’étais fier comme Artaban et posais devant un photographe. J’habitais alors chez la vieille dame qui m’offrit même une auto rouge pour nous promener. Elle n’oubliait pas pour autant mon développement intellectuel et me fit donner des leçons par un savant professeur.
Malgré tant de joies quelque chose me manquait …ma forêt. Après deux ans de cette vie, au détour d’une promenade, j’ai vu arriver deux petits éléphants : c’étaient mes cousins Arthur et Céleste, bientôt rejoints par leurs parents inquiets. Alors, j’ai décidé de repartir avec eux dans notre pays, bien que très triste d’abandonner la vieille dame. En route j’ai demandé la main de Céleste. Le retour fut triomphal et comme le roi des éléphants venait de mourir, à la demande du sage Cornélius je fus choisi comme roi. Croyez-moi, les éléphants comme tous les animaux de la forêt ne sont pas prêts d’oublier la fête de mon mariage avec Céleste et de mon couronnement. On dit que je fus un grand roi gouvernant avec sagesse. A Célesteville où chacun a bâti sa maison, face au lac et selon un même plan, j’ai fait édifier deux palais, celui du travail et celui des fêtes avec son théâtre ; ici la nature, les plaisirs et le travail sont au cœur de la vie de mes administrés, avec ses joies mais aussi ses épreuves. Je ne vous en dis pas plus car c’est sous la plume et le pinceau de la famille de Brunhoff que vous me connaîtrez ainsi que mes enfants : Pom, Flore, Alexandre et Isabelle, mes chers amis : le sage Cornélius, mon conseiller, Arthur mon jeune cousin qui, avec le singe Zéphir déborde d’imagination ! Enfin la vieille dame, ma seconde maman, fait heureusement de longs séjours à Célesteville.
C’est tout d’abord dans Les Echos de la Mode que je me suis fait connaître puis en 1939 Hachette « m’achète », mais en 2008 je suis tombé dans le domaine public. Venez me rendre visite aux Arts Décoratifs où une exposition m’est consacrée jusqu’au 2 septembre ».
Une contemporaine de Babar qui a été « babarisée » selon l’expression de Laurent de Brunhoff.