Charles Garnier et son Opéra

Difficile à croire mais l’Opéra Garnier, chef d’œuvre de l’architecture néobaroque, est né d’un attentat. Le 14 janvier 1858, le couple impérial se rend en soirée à l’Opéra Peletier, rue Le Peletier, petite rue étroite de la capitale dans le IXe arrondissement entre l’actuel boulevard des Italiens et l’hôtel Drouot. L’attentat mené par un groupe de républicains italiens fait plusieurs victimes mais Napoléon III et son épouse sont miraculeusement épargnés. Au lendemain même du drame, l’empereur décide la construction dans un lieu moins exposé et à l’accès sécurisé d’un bâtiment qui marquera son règne. Un concours international d’architecture est lancé à la fin de l’année 1860. Charles Garnier, jeune architecte de 35 ans, vainqueur en 1848 du prestigieux Grand Prix d’architecture de Rome est choisi parmi les cent-soixante et onze candidats.

Né à Paris en 1825 dans une famille de forgerons, Charles Garnier commence des études de dessin à 13 ans puis entre à l’école des Beaux-arts à 17 ans. Il voyage pendant cinq ans en Italie, à la Villa Médicis puis en Grèce pour mieux connaître l’architecture antique, classique et baroque. De retour à Paris, il travaille quelques temps dans l’atelier de Viollet-le-Duc.

Après sa nomination, Garnier fait de nombreux voyages pour visiter toutes les grandes salles d’Europe. Il fait des relevés sur l’espacement des sièges, le nombre de rangées, étudie l’acoustique et les lustres disposés au centre de chaque grande salle pour mettre en valeur ou altérer la qualité de l’architecture. Il se rend dans des carrières de pierre et de marbre pour choisir les textures et les couleurs qui peuvent entrer dans son projet. Charles Garnier avait un sens extraordinaire de la technique et de la modernité. Pour réaliser ce joyau architectural, il associe ses amis artistes, majoritairement rencontrés aux Beaux-arts et à la Villa Médicis.

Au Second empire, Paris est en pleine transformation sous l’égide du baron Haussmann, préfet de la Seine. Les vieux bâtiments, la plupart insalubres, sont démolis pour laisser place à de nouvelles artères. A la demande de Napoléon III, une avenue reliant le palais des Tuileries au bâtiment de Garnier est aménagée. Cette percée oblige la démolition de tout un quartier et l’arasement de la « butte des Moulins ».

Le chantier débute en août 1861. Le terrain est marécageux et les fondations sont difficiles. La situation oblige la mise en place d’un batardeau  (barrière anti-inondation) et de pompes à vapeur fonctionnant jour et nuit pendant huit mois. Mais l’édification est ralentie : les crédits indispensables sont parfois réaffectés à des projets jugés prioritaires. Pendant la guerre de 1870, la construction est complètement interrompue. Lors de la Commune de Paris, l’Opéra inachevé est réquisitionné pour entreposer de la nourriture et de la paille. Le chantier reprend en 1873, année du décès de Napoléon III qui ne verra pas son beau palais terminé. En octobre, l’incendie de l’Opéra Peletier donne un coup d’accélérateur à la construction ; on y travaille jour et nuit. Le 5 janvier 1875, quelques deux mille personnes sont conviées à l’inauguration en présence du maréchal de Mac Mahon, président de la République et de prestigieux invités venus de l’Europe entière. Seul oublié : Charles Garnier. La troisième République lui reproche son accointance avec le Second Empire et il doit payer cent-vingt francs pour sa loge du deuxième étage. Il fut néanmoins ovationné par la foule des spectateurs

Il aura fallu une quinzaine d’années pour que le nouvel Opéra voit le jour pour un budget total estimé à 36 millions de francs or, l’équivalent de 329 millions d’euros. Sa façade soulève un débat esthétique européen ; elle enthousiasme, charme, divise, provoque même des duels. A son ouverture, ce monstre de l’histoire de l’art, classé monument historique en 1923, est le plus grand opéra du monde avec 11 000 m2 de superficie, 173 m de long, 125 de large et 73 de haut. Il peut accueillir 2 130 spectateurs dans la salle rouge et or éclairée par un immense lustre en cristal de plus de 8 tonnes et la scène d’environ 1 200 m2 peut contenir 450 artistes.  Aujourd’hui, l’Opéra emploie près de 1 500 salariés. Un million de visiteurs environ déambulent chaque année sous ses plafonds dorés et se photographient dans le monumental escalier de marbre blanc de 30 m de haut.

Après la construction, Garnier se consacre à de nouveaux chantiers : villas méditerranéennes, église de Bordighera en Italie (1883-1902) puis les salles de jeu du casino de Monte-Carlo (1881), le casino de Vittel (1885), l’observatoire de Nice (1888). Il travaille aussi avec Gustave Eiffel à la construction de pavillons sur le Champs de Mars pour l’exposition universelle de 1889. Il est élu membre de l’Académie des Beaux-arts en 1874 et nommé Grand-Officier de la Légion d’honneur en 1895. Il décède d’un accident vasculaire cérébral en 1898 et repose au cimetière du Montparnasse.

Depuis 1875, l’Opéra Garnier a accueilli des productions les plus mémorables de l’histoire de   l’Opéra et de la danse. De la Russe Tamara Toumanova au Français Patrick Dupond, les plus grands danseurs se sont produits sur son immense scène sans oublier les grandes voix lyriques comme Fiodor Chaliapine ou Maria Callas. La « Divine » s’y produit en 1958 avec un récital unique retransmis à la télévision devant un parterre de célébrités. En février 1965, elle triomphe en interprétant La Tosca pour la première fois à l’Opéra. Sous les applaudissements crépitants et une pluie de bouquets s’abattant sur la scène, vingt-et-un rappels ont salué sa performance.

                                                                                                          Geneviève Forget

 

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *