Chrétiens d’Algérie
Fragments d’histoire des chrétiens d’Algérie
Le 6 mars 2010, une association des Pays de Loire invitait à une rencontre avec monseigneur Pierre BOZ, exarque patriarcal des Melkites catholiques(1), à l’occasion de la parution de son dernier livre : « Une fin des temps : fragments d’histoire des chrétiens en Algérie(2) ».
Monseigneur Pierre BOZ, spécialiste de la langue arabe et de l’islam, ancien Père Blanc(3) ayant exercé son ministère en Kabylie pendant les années terribles, juste avant l’indépendance, tente, dans ce livre, d’éclairer l’histoire des chrétiens d’Algérie à travers ses souvenirs personnels et sa connaissance de l’histoire du pays. Il rappelle, avec la figure emblématique de Saint Augustin, évèque d’Hippone-Annaba (354-430) et Père de l’Eglise, que les Berbères, population d’origine du Maghreb formaient une florissante communauté chrétienne dans les premiers siècles de l’Eglise. La prise de Kairouan par les troupes arabes en 670, et l’envahissement à la fois démographique, culturel et religieux qui s’ensuivit, provoqua la disparition totale de cette communauté chrétienne.
Peut-il y avoir coexistence entre islam et christianisme, sur les mêmes terres ? Le livre de Pierre Boz apporte une contribution intéressante à ce débat, par la qualité du témoin et le contexte de l’Algérie des années 60 qui en est le cadre. Conquise par l’armée française en 1830, sous régime militaire, puis colonial et devenue ensuite partie du territoire national, l’Algérie a vu s’installer une importante population venant de France, d’Espagne, d’Italie, de Malte. Plus d’un million de personnes se réclamaient de cette origine européenne à l’indépendance, en 1962. Elle était majoritairement chrétienne. Au cours du siècle de présence française, quelques milliers d’autochtones, principalement Kabyles (berbères) étaient devenus chrétiens, tolérés plutôt qu’acceptés dans leur environnement musulman.
Les problèmes posés aux dirigeants catholiques d’Algérie et principalement à Mgr. Duval, alors archevêque d’Alger (il prit ensuite la nationalité algérienne et devint cardinal), étaient terriblement difficiles. La confrontation violente entre les algériens de souche, berbères ou arabes et les « pieds-noirs », d’origine européenne, s’est soldée par le départ de ces derniers. Avec eux se sont aussi expatriés bon nombre des algériens autochtones chrétiens.
Etait-ce la fin de la présence chrétienne en Algérie ? Pas vraiment, mais d’autres faits douloureux viennent à la mémoire : le massacre d’européens, pendant la crise déclenchée par le fondamentalisme musulman à partir de 1993, tel celui des moines trappistes de Tibhirine en mai 1996 et deux mois plus tard l’attentat qui coûta la vie à Pierre Claverie, évêque d’Oran et à son chauffeur. Ces actions, nettement orientées contre la présence de chrétiens, ont encore affaibli le christianisme sur cette terre musulmane sourcilleuse. Depuis le 24 mai 2008, l’évêque d’Alger est arabe. Le père Ghaleb, Moussa, Abdallah Bader, prêtre jordanien, appartient au patriarcat latin de Jérusalem. Une façon d’éviter l’amalgame entre présence chrétienne et présence occidentale avec son ancienne connotation coloniale. Cela suffira-t-il à assurer la survie d’une petite communauté chrétienne ? Difficile de répondre.
1- Exarque : dans l’église catholique, l’exarque patriarchal a reçu juridiction sur les catholiques d’un rite oriental. Il représente le patriarche en charge de ce rite. Les Melkites sont les chrétiens de rite grec-catholique. Leur patriarche réside à Damas.
2- publié en septembre 2009 chez Desclée de Brouwer
3- La Société des Missionnaires d’Afrique – Pères Blancs : fondée au XIXè s. par le cardinal Lavigerie (1825-1892), premier archevêque d’Alger, pour la propagation du christianisme en Afrique (Maghreb et Afrique noire).