Conférence : « Chrétiens d’Orient : histoire et actualité »
Dans le cadre des Conférences de Carême, était proposée mardi 10 mars aux salles paroissiales de Meulan une présentation par Charbel Nassif, jeune séminariste libanais, de la situation historique et actuelle des chrétiens d’Orient. Notre conférencier de l’église melkite catholique à Beyrouth est actuellement étudiant boursier de l’Œuvre d’Orient à l’Institut Catholique de Paris. Avec lui, nous avons appris que l’expression « chrétiens d’Orient » recouvre une réalité très diversifiée, une mosaïque de multiples églises avec leurs différences théologiques et liturgiques.
Il est difficile de se livrer aujourd’hui à une évaluation chiffrée du nombre de fidèles dans chaque communauté tant les enjeux politico-religieux réduisent la fiabilité des données. Toutes les Eglises d’Orient, origine du christianisme, appartiennent à l’origine aux cinq patriarcats fondés au 1er siècle par un apôtre ou un évangéliste : patriarcat de Rome fondé par les apôtres Pierre et Paul, patriarcat de Constantinople fondé par l’apôtre André, patriarcat d’Alexandrie fondé par saint Marc, patriarcat d’Antioche fondé par l’apôtre Pierre où les disciples du Christ reçurent pour la première fois le nom de chrétiens, patriarcat de Jérusalem fondé par l’apôtre Jacques.
On distingue quatre principaux rites liturgiques : byzantin (liturgie de saint Jean Chrysostome) antiochien, alexandrin, byzantin et arménien. Certaines de ces églises sont rattachées à Rome et d’autres non. Groupées sous le vocable « orthodoxes », ces dernières se sont séparées le plus souvent à la suite de désaccords théologiques exprimés lors de conciles. Les deux premiers conciles, Nicée et Constantinople, font l’unanimité. Dès le 3ème, à Ephèse, où Marie fut nommée Mère de Dieu, certains chrétiens lui refusent ce titre, séparant les deux natures du Christ. Ils forment alors ce qu’on appelle aujourd’hui l’Eglise Assyrienne ou église des deux conciles, dont le patriarche est Mar Dinkha IV.
D’autres groupes vont faire sécession lors du concile de Chalcédoine en 451, où fut définie la double nature du Christ. On les appelle églises des trois conciles ou églises miaphysites du nom d’une doctrine de Cyrille d’Alexandrie. Pour elles, le Christ n’a qu’une nature, à la fois divine et humaine. Ce sont :
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l’église copte orthodoxe (église d’Egypte et église d’Ethiopie) de rite copte ou alexandrin,
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l’église apostolique arménienne de rite byzantin et syriaque occidental dirigée par deux catholicos,
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l’église syriaque orthodoxe de rite antiochien en araméen (d’où émanera l’église indienne syro-malankare orthodoxe).
Ces églises des deux et trois conciles sont dites non chalcédoniennes.
Après 451, les églises d’Orient non séparées vont constituer l’Eglise byzantine rattachée au patriarcat de Constantinople, d’autant plus qu’après 637, les patriarcats de Jérusalem, d’Alexandrie et d’Antioche sont sous la coupe des musulmans. Après 1054 et la rupture entre Rome et Constantinople, l’église latine prend le nom de catholique et l’église grecque celui d’orthodoxe.
Quant aux églises orientales catholiques rattachées à Rome, certaines l’ont toujours été et d’autres sont revenues entre les 16ème et 18ème siècles, époque où l’Eglise de Rome dépêcha un grand nombre de missionnaires jésuites, carmes et capucins pour essayer de rallier des églises d’Orient. Sans entrer dans le détail, voici les principales Eglises orientales catholiques :
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l’ église maronite ; liturgie de rite antiochien ou syriaque occidental,
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l’église chaldéenne fondée par l’apôtre Thomas, de rite chaldéen ou syriaque oriental, rattachée à Rome en 1551 ; patriarche : Louis Raphael 1er Sako,
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l’église latine de Jérusalem. Le patriarcat latin de Jérusalem fondé en 1099 par les croisés a juridiction sur les catholiques de rite latin de Palestine, d’Israël, de Jordanie et de Chypre,
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l’église syriaque catholique de rite antiochien en araméen, rattachée à Rome en 1662.
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l’église melkite ou grecque-catholique : les chrétiens des trois patriarcats d’Antioche, Alexandrie et Jérusalem ayant accepté le concile de Chalcédoine sont appelés “ melkites ” en raison de leur fidélité à l’Empereur de Constantinople ; liturgie de rite byzantin,
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l’église syro-malabare de rite chaldéen ou syriaque oriental,
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l’église indienne syro-malankare catholique de rite antiochien ou syriaque occidental,
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l’église copte catholique d’Egypte de rite copte ou alexandrin,
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l’église éthiopienne catholique,
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l’église arménienne catholique fondée par les apôtres Barthélemy et Thaddée de rite byzantin et syriaque occidental.
Ainsi que nous pouvons le constater, il n’est pas très facile de s’y retrouver !
Cependant depuis plusieurs décennies, de multiples efforts ont été faits de part et d’autre en faveur d’une réconciliation entre les Eglises d’Orient et d’Occident. En 1994, Jean-Paul II signa un accord avec le patriarche assyrien Mar Dinkha IV ce qui favorisa le rapprochement entre l’Eglise de Chaldée et l’Église assyrienne. Le voyage en Turquie du Pape François en 2014 avait pour objectif de manifester son amitié pour le patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée et son désir de travailler à la communion entre catholiques et orthodoxes.
Les récents événements font que la majorité des églises d’Orient ont entre elles un douloureux point commun : les persécutions acharnées dont elles font l’objet, principalement en Afrique et au Moyen Orient, de la part de groupes islamistes violents.
Remercions Charbel Nassif et l’Œuvre d’Orient pour nous avoir aidés à mieux comprendre la richesse et la diversité des églises chrétiennes orientales.
« Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance » (1 Co12, 26).
Dans son message de Carême 2015 le Pape François nous rappelle que « Le Carême est un temps propice pour montrer cet intérêt envers l’autre par un signe, même petit, mais concret, de notre participation à notre humanité commune. »
Comme le demande Mgr Aumonier, la prière pour nos frères d’Orient persécutés, à défaut d’un engagement plus concret peut constituer un de ces petits signes de notre intérêt pour eux.