Décédé à Meulan le 7 novembre 1937, le général Victor-Constant MICHEL a-t-il été un visionnaire ?
Aujourd’hui oublié dans la plupart des manuels d’histoire, le général Victor-Constant MICHEL a été un court moment, en 1911, général en chef de toutes les armées. Ses vues audacieuses sur la préparation de la guerre 14-18 n’ont pas été du goût du Conseil de guerre et du ministre de l’époque et il a été contraint à la démission. Et pourtant…
Né à Auteuil, d’un père gendarme, il entre en 1867 à Saint-Cyr, puis à l’école d’état-major mais la guerre de 1870 contre la Prusse, à laquelle il participe en tant que capitaine, l’oblige à interrompre sa formation. Il fait ensuite partie de l’armée des Versaillais qui réprime en mai 1871 l’insurrection de la Commune de Paris puis il achève sa formation. Il monte dans la hiérarchie pour devenir en 1902 général de division et général d’armée en 1906, il devient alors membre du Conseil de guerre. Le 11 janvier 1911, il en est nommé vice-président (c’est le ministre qui est alors président de droit) ; à ce titre, il est général en chef de toutes les armées. Cette fonction est d’une importance capitale ; nous vivons alors une période d’extrême tension : on se prépare, en effet, à une nouvelle guerre contre l’Allemagne qu’on juge à l’époque pratiquement inévitable.
Aussitôt nommé à son poste, le général MICHEL rencontre Henry-Hugues WILSON, directeur des opérations au War Office (office anglais de la guerre) ; les Anglais sont engagés depuis 1907 aux côtés des Français et des Russes dans la Triple-Entente. D’après les renseignements qu’ils ont pu recueillir, ils sont persuadés que les Allemands attaqueront par la Belgique, quitte à violer sa neutralité. Il faut en conséquence disposer d’une ligne de défense qui pourrait courir le long de la frontière belge. Le général MICHEL va plus loin et estime qu’il faut confier à l’armée de réserve, c’est-à-dire au contingent (les appelés, comme on les nomme), l’essentiel de cette opération.
Dans un ouvrage récent, l’historien Jean-Yves Le Naour indique que « dès le 11 février, le général MICHEL adresse un rapport prophétique » à Adolphe Messimy, le ministre de la Guerre. Il écrit notamment : « les Allemands chercheront une solution définitive au cœur même de la Belgique ».
Lors du Conseil de guerre du 19 juillet 1911, il expose son plan qui est unanimement rejeté, lui-même est taxé d’incapable si ce n’est de farfelu. On ne croit pas à ce moment à une offensive par la Belgique. De plus, les idées dominantes étaient alors d’une guerre éclair fondée sur l’attaque ; par ailleurs, on se méfiait de l’armée de réserve jugée comme potentiellement subversive.
Le général MICHEL est destitué ; on lui confie le poste de gouverneur militaire de Paris, poste qu’il perdra en août 1914 au profit du général GALLIENI. Dès lors le général MICHEL ne bénéficiera plus d’aucun commandement.
On sait ce qu’il advint, les Allemands violeront la neutralité de la Belgique ; quant à la stratégie fondée sur l’attaque à tout prix, elle se soldera en l’année 1914 par une véritable hécatombe et ce n’est qu’au terme de l’héroïque bataille de la Marne que Paris sera sauvé.
On retrouve le général MICHEL à Meulan en 1919 ; il habite alors une belle demeure qui est toujours debout au 21, boulevard Thiers. On ne sait à quoi il occupe sa retraite, mais il participe à l’inauguration par le général GOURAUD de la rue du maréchal-Foch en 1929.
Il décède à Meulan le 7 novembre 1937. Il ne sera jamais réhabilité même si des historiens, grands spécialistes de la guerre 14-18 comme Pierre Miquel ou Jean-Jacques Becker, saluent sa lucidité.
Après de nombreuses recherches, sa tombe a été retrouvée et sa mémoire honorée par le Conseil municipal et les associations d’anciens combattants le 11 novembre 2010.