Des molécules suspectes : les perturbateurs endocriniens
Vous en entendez parler quotidiennement, ils se sont même dernièrement invités dans la campagne présidentielle, mais qui sont-ils exactement ? Pourquoi certains spécialistes veulent en limiter l’utilisation, voire les supprimer ? Qui sont-ils ? Où les trouve-t-on ? Sont-ils vraiment dangereux ? Nous essaierons dans ce petit article d’être le plus objectif possible et ainsi de vous aider à mieux connaître ces substances suspectes…
Qu’est-ce qu’un perturbateur endocrinien ?
Ce sont des molécules très répandues et de structures très variées ; elles peuvent être naturelles ou synthétiques, qui interviennent dans l’action des hormones (substances libérées par les glandes endocriniennes, d’où le nom de perturbateur endocrinien – PE) de notre organisme. De cette façon, elles sont susceptibles d’altérer notre reproduction, de provoquer des troubles neurologiques ou même de favoriser certaines pathologies comme le diabète ou les troubles immunitaires. Parmi les plus connus des PE, on peut citer les parabènes, très utilisés en cosmétologie, les bisphénols, que l’on trouve dans certains plastiques ou les boites de conserve, les per fluorocarbures très présents dans les tissus imperméables et les revêtements antiadhésifs des poêles, les phtalates et bien sûr, les pesticides ; il en existe beaucoup d’autres mais ceux précités sont les plus fréquemment rencontrés.
Comment agissent-ils ?
Ils peuvent agir de différentes façons, par exemple en imitant une hormone naturelle secrétée normalement par notre organisme ou encore en se fixant sur un des récepteurs de cette hormone. Ils peuvent aussi gêner ou bloquer le mécanisme de production ou de régulation de nos hormones, ce qui a pour effet d’en modifier les quantités dans notre organisme. Certains de ces PE sont solubles dans les corps gras et peuvent donc se fixer sur les tissus de notre organisme, on peut aussi les retrouver dans les liquides corporels comme le sang, les urines, le lait maternel, etc.
Quels effets ont-ils sur notre santé ?
Les effets de ces PE sur notre santé sont sujets à controverse, tout bien sûr est une question de dose et c’est ce qui rend délicate l’évaluation de l’exposition aux PE. S’il y a dans certains cas des expositions à forte dose (accidents comme celui de Seveso) dans la plupart des cas cette exposition existe à très faibles doses, le danger alors réside dans la bioaccumulation des PE que l’on retrouve dans les graisses et dans les cocktails, mélanges de ces substances dont il est très difficile d’estimer les actions. Les PE sont présents dans les sols, dans l’eau, dans l’air ; notre organisme est donc fréquemment exposé à tous les moments de notre vie. C’est donc un effet sur le long terme qu’il faudrait estimer et ce n’est pas aisé.
Si certaines affections sont suspectées d’être la conséquence d’une exposition aux PE, la règlementation avance plus ou moins lentement suivant les pays. Par exemple, le bisphénol A est interdit dans les biberons depuis 2011 en Europe et en France dans tous les contenants alimentaires, mais la commission européenne tarde à définir une règlementation. Il y a peu de temps, le 28 février dernier, la commission s’est réunie pour donner une définition des PE, mais faute de soutien suffisant aux critères proposés, elle a dû y renoncer et remettre à plus tard ces débats…
Et la recherche ?
Partout dans le monde, l’évaluation des risques liés aux PE est devenue une priorité et de nombreux programmes de recherche s’intéressent à ces substances suspectes.
Aux Etats-Unis, l’agence américaine pour la protection de l’environnement a publié dès 2010 une liste de cent trente-quatre substances jugées prioritaires et pour lesquelles des recherches sont en cours. En ce qui concerne la France, un programme national de recherche sur les PE a été lancé en 2005. Il a pour but de soutenir la recherche favorisant la compréhension des effets sanitaires et d’évaluer les risques liés aux expositions de ces substances. Quelques années plus tard, en 2014, une stratégie nationale sur les PE a été publiée, elle vise à réduire l’exposition de la population aux PE, d’ores et déjà et ce depuis 2016, il a été décidé d’arrêter l’utilisation de certains produits phytosanitaires conventionnels dans les collectivités. En 2007, l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES) a publié une liste de cinquante substances potentiellement toxiques et, au niveau de l’Europe, un centre de recherche commun, le CREDO, est en fonction depuis 2003.
Il faut tout de même avouer que le lobbying des industries utilisant les PE est très fort et que toutes ces études traînent un peu en longueur, une bonne raison pour nous montrer vigilants…
Jannick Denoël