Dis-nous Thomas
On connaît tous Thomas. Beaucoup ne disent-ils pas : « je suis comme saint Thomas, je crois que ce que j’ai vu ? » On parle alors du doute de Thomas qui nous déculpabilise en quelque sorte dans notre difficulté de croire ou notre refus de croire.
Mais il vaut le coup de relire l’histoire racontée par saint Jean au chapitre XX, versets 19 à 31. Thomas, absent, ne croit pas les autres disciples qui ont vu Jésus ressuscité et dit : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! ». Est-ce du doute ? Ou est-ce une belle affirmation de foi ? Pour ma part, c’est la plus belle déclaration pour un chrétien. Et c’est le cœur du mystère du Christ.
En effet sur le plan humain, donc pour chacun de nous et sur le plan de la foi pour tous, la question centrale, la pierre sur laquelle on butte, c’est la question du mal. Et quand on parle du mal, on parle du péché, de ce péché dans le monde qui se déchaîne dans tant de violences, qui fait tant de victimes à commencer par des innocents : les pouvoirs qui écrasent les libertés, la corruption qui assèche les ventres et les dignités, les violences de toutes sortes y compris familiales, etc. Que fait Dieu ? Où est Dieu ?
Et c’est là où la demande de Thomas me rejoint. Je ne crois pas et je ne donne pas ma vie à Dieu si je n’ai pas l’assurance d’un Dieu qui a résolu cette question de l’homme libre capable du pire, comme à Auschwitz, comme au Rwanda, comme partout ailleurs dans l’histoire des peuples ! Un Jésus ressuscité sans la croix ne m’intéresse pas car il ne me sauve pas. Certains affirment qu’au dernier moment, c’est un autre que Jésus, un sosie qu’on a mis sur la croix.
Un Jésus qui meurt sur la croix, comme un innocent victime du déchaînement gratuit de la pire des violences et des accusations et qui ressuscite, alors ça commence à m’intéresser. Là, est le cœur unique au monde de la révélation chrétienne, celle de l’Amour de Dieu victorieux du mal. Dieu nous sauve parce qu’il a répondu à l’abîme du mal par un abîme d’amour.
Je suis comme saint Thomas : non je ne crois pas si le Ressuscité n’a pas la marque des violences du péché. Avec lui, je me prosterne devant Jésus, le Fils de Dieu, seul Sauveur de l’humanité: « Mon Seigneur et mon Dieu ».
J’aime pour finir cette affirmation de François Mauriac : « Le drame humain n’a pas de sens pour l’athée ; aucune clef ne tourne dans la serrure. Le Christ apporte cette clef qui ouvre ».
Baudoin, prêtre.