Eclairer et donner saveur à la terre
C’est avec ces mots que le Concile Vatican II achève le décret sur les moyens de communications sociales (i). Le concile invite là les chrétiens et les hommes de bonne volonté à réfléchir quelques instants au sens de nos médias.
En le relisant pour fêter ces cinquante années de communication des Echos de Meulan, nous y trouvons quatre axes que je livre aujourd’hui à notre méditation pour enraciner et développer ce que nous vivons dans ce journal.
Tout d’abord une chance à saisir. Le titre du décret le dit de manière claire : « parmi les merveilleuses découvertes techniques du genre humain ». Les médias sont d’emblée présentés comme une réussite de l’intelligence humaine qui les crée pour communiquer et atteindre les individus et les groupes. Ce n’est pas là de la démagogie conciliaire ; il y a un double enjeu qui est immédiatement relevé et qui rend compte de la raison pour laquelle l’Eglise les range dans les merveilles des réalisations humaines. Le premier enjeu est l’annonce de la foi. Jésus est venu dire l’amour de Dieu pour les hommes, annoncer le salut. Les médias sont vus comme une caisse de résonance formidable pour porter cette bonne nouvelle au bout de la terre, comme le porte-voix des apôtres qui annonce le Christ ressuscité. Le second enjeu est le service du bien commun. Puisque par les médias on influence les consciences, alors on a là un bon moyen d’orienter les mentalités pour leur apprendre à vivre ensemble. Cet enjeu n’est pas naïf, oubliant les excès de manipulation possible, nous y reviendrons. Mais cela pointe un vrai service de l’homme. En communiquant, on a un bon moyen d’influencer pour le bien.
Là où un tel regard n’est pas naïf, c’est lorsque le concile pose un critère de jugement des médias. « Le bon exercice de ce droit (à l’information) requiert que la communication soit, quant à l’objet, toujours véridique et – dans le respect des exigences de la justice et de la charité – complète. » (§5). Il y a là un critère de vérité qui est mis en place. La mesure des médias, c’est le vrai et la charité. On voit bien comment nous avons toujours à faire des efforts pour ne pas caricaturer les situations, pour ne pas abîmer les vies privées. Au plan humain, un bon média sera cadré par cette limite : est-ce vrai ? Est-ce respectueux du bien des personnes ? On est loin des paparazzis indiscrets, des caricatures des positions de l’Eglise, des jugements trop rapides sur tel personnage politique ou de la surenchère sur tel événement. La mesure c’est bien : le vrai dans la charité.
Un autre appel est lancé, celui d’en faire un usage intelligent pour se former un jugement droit (§10). Le concile précise : il faut savoir en faire un usage modéré et s’exercer à une certaine discipline. La raison est simple : demeurer libre et non moutons d’une pensée unique. Dans les cinquante années qui viennent de passer, nous voyons ce risque de dépendance et d’aveuglement par les lumières des médias toujours présent en arrière-fond. Télévision, téléphone portable, internet … autant de merveilles du génie humain qui demandent de la responsabilité sinon on en devient prisonnier. Le sens est simple : l’intérêt d’un média ce n’est pas qu’il existe mais qu’il ouvre nos intelligences à l’autre, au vrai, au bien. Cela demande de savoir cultiver un bon usage !
Les chrétiens là-dedans ont un rôle particulier. Le concile ne cesse de le rappeler. Les évêques ont à promouvoir intelligemment les médias chrétiens, bien sûr (§20). Mais c’est aux laïcs qu’ « il revient principalement d’animer de valeurs chrétiennes et humaines ces moyens, afin qu’ils répondent pleinement à la grande attente de l’humanité et au dessein de Dieu » (§3). Nous en revenons aux mots de l’exhortation finale du décret : « tels le sel et la lumière, ils donneront saveur à la terre et éclaireront le monde » (§24).
Belle vocation pour nos médias, non ?
(i) Décret « Inter mirifica » sur les Moyens de communications sociales – 4 décembre 1963