Anne Traband, responsable technique et Jean-François Tassin, président de SIVaTRU
Dans le numéro de septembre, nous vous avions présenté le centre de tri sis à Triel, le Sivatru, nous vous proposons aujourd’hui d’aller un peu plus loin en rencontrant son président et son responsable technique…
Bonjour M. Tassin, bonjour Mme Traband, merci de recevoir les Echos de Meulan. Vous êtes en charge du centre de tri de Triel, pouvez-vous nous le présenter ?
Jean-François Tassin : Bienvenue au SIVaTRU, centre de tri des déchets de dix communes de la région dont trois sont sur votre secteur, Evecquemont, Meulan et Vaux. Il faut d’abord préciser que le Sivatru (Syndicat Intercommunal pour la Valorisation et le Traitement des Résidus Urbains) est comme son nom l’indique un syndicat dont la principale mission est, le traitement et la valorisation des déchets ménagers d’un bassin de population d’environ soixante quinze mille habitants. Il gère aussi le traitement de la collecte sélective de plusieurs communes du SIDRU (syndicat intercommunal pour la destruction des résidus urbains) qui est composé de quinze communes représentant plus de deux cent mille habitants.
Pour accomplir sa mission le SIVaTRU dispose d’un outil performant, situé dans la zone Ecopole- Seine Aval à Triel, c’est dans cet espace, appelé Cyrene (Centre Yvelinois de Retraitement pour l’Environnement et l’Ecologie), que nous vous recevons.
Le syndicat est propriétaire de ce site dont l’exploitation est confiée à un prestataire privé qui est actuellement et pour encore six ans , Veolia-propreté.
Pouvez-vous nous raconter la genèse de ce centre de tri ?
JFT : Il a été créé au début des années 90, en parallèle avec le SIDRU, plus ancien et qui est spécialisé dans l’incinération des déchets. Les deux centres ont des doctrines différentes ; dès le départ la mission du SIVaTRU a été de valoriser les déchets par le compostage. A un moment donné et pour bénéficier des subventions de leur part, les pouvoirs publics ont contraint les deux syndicats à collaborer, le SIVaTRU a donc envoyé à l’incinération les résidus de compost, tandis que le SIDRU devait confier au SIVaTRU le tri de sa collecte sélective à l’époque en plein démarrage. Mais à partir des 2007 le compost devenait moins intéressant pour les communes dont les habitants ne supportaient plus la présence de bouts de plastique et de verre dans les champs.. Nous avons alors essayé d’améliorer la qualité du compost mais le coût devenant prohibitif, nous avons abandonné et nous sommes tournés vers l’incinération.
Depuis sa création, la vie du centre n’a pas été un long fleuve tranquille, il y a dans ce domaine beaucoup de difficultés ; ainsi entre 2000 et 2003, le marché avait été attribué à la société SITA, et les déchets triés à …Gennevilliers, vous vous rendez compte ? Heureusement le SIVaTRU a gagné le procès qu’il avait intenté et il y a maintenant une jurisprudence qui précise que la proximité du traitement par rapport à la collecte peut l’emporter sur la concurrence, ce qui semble assez logique (si cette concurrence existe dans la zone concernée).
Vous travaillez donc en collaboration avec le SIDRU?
JFT : Oui, il y a maintenant un arrêté, appelé «Hambourg » qui permet à deux collectivités territoriales d’établir entre elles une convention à condition qu’elles travaillent « à prix coûtant ». Nous trions donc pour certaines communes du SIDRU et en échange nous obtenons un prix compétitif pour l’incinération de nos refus, c’est dans l’intérêt de tous que de mutualiser les outils lorsqu’ils sont performants. Actuellement notre centre trie environ 16 000 t de déchets par an, 3000 proviennent du SIVaTRU, 9 000 de la SIDRU, nous travaillons aussi pour des communes de l’ex CAMY (Communauté d’Agglomération de Mantes en Yvelines) pour laquelle nous trions 4000 t de déchets.
Quels sont vos rapports avec la nouvelle communauté urbaine GPS&O ?
Lorsque les communautés d’agglomération puis les communautés urbaines ont été créées, les syndicats ont disparu…mais on a tout de suite mesuré leur importance et ils ont été rapidement recréés. D’un autre côté il est prévu que GPS&O fasse un appel d’offre fin 2018 (pour les tonnages de l’ex CAMY), compte-tenu de notre expertise et de notre situation géographique, nous pensons que nous avons de bonnes chances….
Monsieur Tassin, comment êtes-vous devenu président du SIVaTRU, aviez-vous une expérience dans ce domaine si particulier ?
Pas du tout, je suis depuis plusieurs années maire adjoint à Maisons-Laffitte et lorsque j’étais en activité je travaillais dans le domaine financier, j’ai donné des cours de DESS banque à la Sorbonne. Mais, du fait que j’étais délégué du SIVaTRU pour ma commune, je me suis intéressé à ce domaine. Il faut dire qu’au début lorsque j’ai eu en charge « les poubelles », c’était vu d’une façon un peu péjorative, maintenant les choses ont beaucoup évolué, les préjugés sont tombés, le traitement de déchets est même considéré comme plutôt « noble ».
Mon expérience financière est quand même très utile, car la gestion d’un tel centre n’est pas une chose aisée. Lorsque le pétrole était cher, le recyclage avait du sens mais maintenant qu’il a beaucoup baissé…
Si vous le voulez bien, nous allons maintenant parler technique, comment sont triés les déchets qui arrivent à votre centre ?
JFT : Là je vais laisser répondre Mme Traband qui est plus compétente que moi dans ce domaine.
Anne Traband : Il faut déjà préciser qu’il y a deux types de collecte, le porte à porte, ce sont les bacs mis à disposition chez les particuliers, et les conteneurs que l’on trouve en ville. Dans les deux cas, les camions chargés de plastique, papier, carton, boite en métal ou de verre arrivent au centre de tri.
Pour le verre, c’est relativement simple, les camions sont vidés à proximité d’une alvéole prévue à cet effet, un contrôle visuel est effectué par un agent, si ce contrôle est satisfaisant, tout le verre est poussé dans l’alvéole, puis envoyé au recyclage. Malheureusement si le contrôle est négatif, le verre sera envoyé au centre d’incinération, Azalys, situé de l’autre côté de la route.
Et pour les autres déchets ?
AT : Pour eux c’est un peu plus complexe car il s’agit d’un mélange. Les camions déchargent leur cargaison dans un grand hall, à ce moment, comme pour le verre, un premier contrôle visuel est effectué. S’il y a plus d’un godet de chargeuse de refus, la cargaison est envoyée au centre d’incinération et ne sera pas recyclée ; c’est le cas pour environ 17 % des déchets reçus. C’est une bonne performance que nous essayons sans cesse d’améliorer. Les plus simples à trier sont les métaux ferreux, comme les déchets passent d’abord sur un tapis aimanté, ils seront retenus sur le tapis et envoyés directement dans une goulotte pour être envoyés vers un centre de recyclage..
Et pour les cartons, papiers, plastiques… ?
AT : Tous les déchets sont chargés dans une sorte de tamis appelé « trémidoseuse », d’une capacité de 30 m3 puis à l’aide d’un tapis convoyeur ils arrivent dans un trommel, un appareil que l’on peut comparer à un tambour de machine à laver équipé de trous de tailles différentes. Dans cet engin, les déchets vont être triés par taille, puis un premier tri manuel « négatif » est effectué. Dans cette opération, l’agent enlève tout ce qui n’est pas carton. Au bout de la chaine, la carton tombe dans une goulotte puis est dirigé vers l’alvéole spécifique. Après le trommel, les déchets passent dans un crible à disque, une sorte de vis sans fin, qui va séparer les « corps plats » (magazines, journaux,…) et les « corps creux » (briks de lait ou de jus de fruit, bouteilles plastique, …). Après cette séparation, des tris optiques, dans lesquels ont utilise la propriété des corps à réagir aux infrarouges, sont effectués pour les corps plats, puis finalement les déchets arrivent sur deux tapis contrôlés manuellement par six trieurs pour le papier et cinq trieurs pour les cartonnettes. Pour les corps creux, des tris sont effectués à l’aide d’une caméra qui reconnaît la taille, la couleur et la forme, et finalement un tri manuel est réalisé par deux agents. Les résultats de ces tris sont très satisfaisants pour le papier, pour les cartonnettes, des réglages pour l’affiner sont encore nécessaires.
Finalement, tous les matériaux sont compressés à l’aide d’une presse dont nous venons de faire l’acquisition, qui permet de les compacter sous forme de balles qui seront envoyées ensuite vers les centres de recyclage.
Vous n’avez pas parlé de l’aluminium ?
AT : Effectivement, c’est pourtant un matériau à très forte valeur ajoutée, mais qui reste minoritaire dans les déchets que nous recevons, trois tonnes par an pour le SIVaTRU, à comparer aux trois mille tonnes que nous traitons. Il s’agit essentiellement des aérosols et des canettes de boissons, leur tri est effectué visuellement en fin de chaîne puis comme pour les autres déchets envoyés dans une alvéole prévue à cet effet.
Nous n’avons pas évoqué votre formation, quel cursus avez-vous suivi pour travailler dans ce domaine ?
AT : Après une licence « sciences de la terre et de l’environnement » à Strasbourg, j’ai passé un master « d’ingénierie dans la gestion de l’eau et de l’environnement » à Limoges. J’ai eu par la suite une courte expérience dans le monde des déchets avant de devenir responsable technique de Cyrene.
De quelle équipe disposez-vous au centre de tri ?
AT : Pour le SIVaTRU, l’équipe est limitée à quatre personnes, un président, M. Tassin, un responsable financier, un responsable administratif et moi-même qui suis en charge de la partie technique. Les décisions sont prises par un comité syndical composé de vingt élus de la CA et de la CU : M. Tassin,le président, trois vice-présidents et seize délégués. En ce qui concerne l’exploitation par Veolia, elle est assurée par quarante-deux personnes : six pour la partie gestion et administration, un responsable qualité, un chef de chantier, trois conducteurs de presse, deux équipes de douze personnes pour le tri des conducteurs d’engin et des agents de maintenance.
Avant de terminer cet entretien, auriez-vous quelques recommandations à faire à nos lecteurs ?
AT : Comme je vous l’ai expliqué, malgré tous nos efforts, de nombreux déchets mal triés viennent perturber les chaînes de tri. Ils entraînent souvent une obligation d’arrêt du tri et une intervention manuelle couteuse en terme de temps et donc une perte financière. En conclusion, en cas de doute ou d’hésitation, je recommande de mettre les déchets dans la poubelle de déchets ménagers, ils iront directement à l’incinérateur, c’est vraiment la meilleure solution. Maintenant si vos lecteurs sont intéressés par une visite du centre, il n’y a rien de tel que de voir pour comprendre les soucis occasionnés par les erreurs de tri, nous en organisons une par mois. Pour cela il suffit de s’inscrire, toutes les informations peuvent être trouvées sur notre site Internet : sivatru.fr…
Merci beaucoup Mme Traband et M. Tassin, cet article va certainement permettre à nos lecteurs de mieux comprendre tous les enjeux du tri de nos déchets ménagers, peut-être le constaterez-vous dans vos statistiques ?
(Propos recueillis par Jannick Denouël)