Annie LECOEUR, présidente de l’association Jusqu’à La Mort Accompagner La Vie (JALMALV)
Depuis près de trente ans, quelques bénévoles ont choisi de porter un regard différent sur le droit des malades en fin de vie ; en 1987 ils se sont regroupés et ont créé la fédération JALMALV. Une antenne de cette association a son siège à Meulan et à une période où beaucoup d’entre nous se posent des questions sur ce sujet, nous avons rencontré pour vous sa présidente, écoutons la nous parler du rôle important joué par ses bénévoles à un moment si délicat…
Bonjour Madame Lecœur, merci de recevoir « Les Echos » ; pour commencer, pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a amenée à JALMALV ?
Oui bien sûr, mais pour cela il faut remonter un peu dans ma vie. J’ai d’abord fait des études d’infirmière, une profession que j’ai pratiquée quelque temps, puis je me suis tournée vers les enfants. J’ai obtenu mon diplôme d’état de puéricultrice et par la suite j’ai pris la direction d’une crèche. En fin de carrière j’ai changé un peu d’orientation et, tout en restant dans l’action au service des autres, je me suis engagée dans l’action sociale ; j’en suis devenue la responsable au niveau du Conseil général. A ce moment, et un peu par hasard il faut bien l’avouer, j’ai suivi un cursus préparant à un diplôme universitaire sur les sciences de la mort à la faculté de médecine de Bobigny, j’ai ensuite été cooptée à la société de thanatologie(1). C’est donc assez naturellement, étant passionnée par ce monde, ce moment si particulier de la vie, et consciente de ce que je pouvais apporter, que j’ai rejoint l’équipe de JALMALV, il y a maintenant un peu plus de trois ans. Certainement aussi que le fait d’avoir vécu mes propres deuils n’est pas sans incidence dans mon engagement.
Pouvez-vous nous parler un peu plus en détail de cette association, comment est-elle née, quel est son rôle ?
Née en 1983, JALMALV est une association laïque et aconfessionnelle, mais pas sans spiritualité ; elle a été créée à Grenoble par quelques personnes réunies autour du professeur Schaerer par une même idée forte « le mourant est un vivant ». En 1985, toujours à Grenoble, paraît le premier bulletin de JALMALV. Peu à peu d’autres associations apparaissent et, en septembre 1987, les neuf associations alors existantes se regroupent, la fédération est née. Elle réunit maintenant quelque quatre-vingts antennes réparties sur tout le territoire. Dans les Yvelines, il n’en existe malheureusement qu’une seule et son siège est à Meulan. Nous sommes une quinzaine de bénévoles qui participons à ses activités. En ce qui concerne notre rôle, il consiste d’abord à accompagner les personnes en fin de vie, à les écouter et les aider à passer ces derniers moments qui précèdent la mort. Mais nous nous attachons aussi à soutenir leurs familles en leur apportant une aide avant la mort et au moment du deuil. Cette action, si elle est moins connue, est aussi très importante, elle va permettre, à l’entourage de repartir dans la vie, de faire à nouveau des projets. De plus le fait que le bénévole ne soit pas un proche, fait que la parole se délie plus facilement et certaines confidences permettent de « faire son deuil » plus rapidement. Enfin, afin de faire évoluer les mentalités concernant cette période si difficile, nous avons aussi un grand rôle à jouer au niveau de l’information ; nous intervenons par exemple dans les lycées, dans ce cas exclusivement sur demande.
Mais ce rôle d’écoute est souvent délicat et demande sans doute beaucoup de qualités et de compétences ?
Effectivement, cela demande aussi de l’expérience et la plupart du temps on ne s’improvise pas « écoutant », on le devient, grâce entre autres, aux formations qui nous sont données par des professionnels spécialistes dans ce domaine. Afin d’avoir une écoute positive et bienveillante, les bénévoles qui s’engagent à nos côtés, ne sont pas « lancés » dès leur arrivée dans l’équipe auprès des malades, ils passent d’abord par un travail d’apprentissage qui peut être plus ou moins long en fonction des personnalités. Une des plus grandes qualités requises pour réussir est sans doute la compassion, mais il faut aussi beaucoup de patience et une bonne dose d’humilité. Mais vous savez, nous recevons au moins autant que ce que nous apportons, les malades en fin de vie ont beaucoup à donner. Une fois sur le terrain, nous avons régulièrement, au moins une fois par mois, des réunions entre nous. Elles nous permettent d’échanger sur tel ou tel cas et aussi de faire le point avec un psychologue, c’est essentiel autant pour notre équilibre que pour les malades que nous rencontrons.
Mais à quel moment intervenez-vous auprès de ces malades, comment recevez-vous les informations ?
Pour cela, nous sommes en relation avec l’équipe mobile de soins palliatifs de l’hôpital. Les échanges peuvent aussi se faire dans le centre de long séjour de Meulan ; dans ce cas, les visites sont plus nombreuses et souvent des liens plus forts se tissent entre les bénévoles et le patient, quelquefois aussi avec sa famille.
Vous nous parliez, au début de notre entrevue, d’interventions dans les établissements scolaires ou au cours de débats, comment cela se passe-t-il ?
Un de nos objectifs consiste à faire mieux connaître tout ce qui a trait à la fin de vie et plus globalement à tout ce qui a trait à la mort, pour cela nous intervenons sur demande dans certains lycées, mais donnons aussi des conférences sur les droits des malades et la fin de vie. Actuellement, notre fédération a demandé à chaque antenne de faire particulièrement un travail d’information sur la loi de 2005 concernant la fin de vie, plus connue sous le nom de « loi Léonetti ». Elle avait été votée à cette époque suite à l’affaire « Vincent Humbert », une histoire qui avait beaucoup ému l’opinion publique. C’est une loi qui est très au point et me semble-t-il très élaborée. Si elle interdit le fait de donner délibérément la mort à autrui, elle est faite pour préserver la dignité des patients ; elle oblige ceux qui les prennent en charge à leur dispenser des soins palliatifs ; elle prend aussi en compte le respect de la volonté de ces patients (ou d’une personne de confiance s’ils ne peuvent s’exprimer) et dénonce l’acharnement thérapeutique. Malheureusement, cette loi, qui a été votée à l’unanimité par nos députés et que l’on peut qualifier de citoyenne, est peu connue des malades et de leur famille : peut-être est-ce pour cette raison qu’elle est peu appliquée. Si elle l’était, il n’y aurait sans doute pas besoin de légiférer à nouveau. En multipliant les conférences, nous nous efforçons donc de la faire mieux connaître ; cela fait aussi partie de nos missions.
Je vois que vous mettez beaucoup d’énergie dans ce travail de transmission, nos lecteurs seront sans doute sensibles à cet appel. Pour conclure, y-a-t-il un message que vous aimeriez leur faire passer ?
Pour qu’elles restent efficaces et afin que chacun d’entre nous garde un bon équilibre, nos équipes ont un grand besoin de bénévoles. J’espère avoir donné envie à vos lecteurs de nous rejoindre ; ils trouveront un groupe accueillant et chaleureux, ils ne seront jamais seuls. J’insiste aussi sur la formation qui leur sera donnée avant de se rendre auprès des malades et tout au long du bénévolat. Toutes les compétences sont bien sûr les bienvenues, mais j’aimerais préciser que nous avons particulièrement besoin d’un trésorier. Notre association vit en grande partie grâce aux subventions accordées par les mairies et la SFAP (Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs) et les dossiers nécessaires à ces demandes sont souvent complexes et demandent des qualités que nous n’avons pas, aussi quelqu’un qui aurait une expérience, même petite, en comptabilité serait le bienvenu.
Merci beaucoup Mme Lecœur, je pense que nos lecteurs connaissent un peu mieux votre association et qu’ils pourront mieux apprécier votre action. Au moment où nous sommes amenés à réfléchir particulièrement sur la fin de vie, votre entretien leur aura sans doute apporté un peu de lumière.
(Propos recueillis par Jannick Denouël)
1)La thanatologie est le regroupement de tous les savoirs philosophiques, théologiques et scientifiques qui parlent de la mort.
JALMALV, 20 place Létang, Meulan-en-Yvelines
Tel 01 34 92 02 91
Site du JAMALV