Antoine Lefebvre, rameur au club d’Aviron de Meulan-Les Mureaux-Hardricourt (AMMH), membre de l’équipe de France
Juste avant les Jeux olympiques de Paris qui vont bientôt prendre une grande place dans notre quotidien, nous avons eu le bonheur de rencontrer un des espoirs de l’aviron français ; un garçon « bien dans ses baskets » qui va nous parler de sa passion pour ce sport exaltant mais très exigeant.
Bonjour Antoine, tout d’abord, merci de recevoir les Echos. A travers nos articles, nos lecteurs te connaissent un peu et ont déjà pu suivre certaines de tes performances, peux-tu nous en dire un peu plus sur toi ?
Bonjour à tous les lecteurs. J’ai 21 ans et habite Gaillon depuis mon enfance. J’ai actuellement une sorte de double vie : en semaine, au pôle espoir Île-de-France à Vaires-sur-Marne, le lieu où se tiendront les épreuves d’aviron, de kayak et de canoé aux Jeux olympiques de Paris et le week-end chez mes parents.
Depuis combien de temps résides-tu à Vaires-sur-Marne ?
J’ai intégré le pôle espoir lorsque j’ai quitté le collège de Gaillon, donc à mon entrée en seconde. Toutefois les deux premières années, j’étais à Fontainebleau au centre national des sports de la défense ; c’est à partir de la terminale que j’ai pu ramer dans le cadre tout à fait adapté de Vaires-sur-Marne, un endroit idéal pour s’entraîner : les bateaux, les locaux, l’encadrement, tout est au top ! En plus, nous avons la chance de pouvoir évoluer sur le bassin olympique ; peut-on demander plus ?
Pourquoi l’aviron ? Comment l’as-tu découvert ?
Ce sport est entré dans ma vie par pur hasard. En voiture avec mes parents, nous passions souvent le pont qui mène de Meulan aux Mureaux et il m’arrivait de voir les rameurs de l’AMMH qui s’entraînaient sur la Seine. C’est lors de ces passages que s’est opéré le déclic, que j’ai su que c’était « ça » que je voulais faire, un sport en plein air au milieu de la nature. Mais … j’étais encore un peu jeune et il m’a fallu attendre mon entrée en 5ème pour intégrer le club ; les dirigeants de l’époque ont d’ailleurs accepté que je participe aux entraînements avant mes 11 ans, car je suis de la fin de l’année. En ce qui concerne les compétitions, elles n’ont vraiment commencé pour moi que lorsque je suis entré en 4ème. En tous les cas, à partir du moment où je suis monté sur un bateau avec les autres rameurs, j’ai compris que l’aviron était fait pour moi : un esprit d’équipe très fort, le besoin de se dépasser et comme je le disais, l’évolution en pleine nature !
Je crois que tu as rapidement franchi les échelons ?
Oui, j’ai eu cette chance. J’ai atteint le niveau national en minimes. Il faut dire que j’étais plutôt grand pour mon âge ; j’avais pratiquement le même gabarit qu’aujourd’hui, c’était un avantage. J’ai eu le bonheur d’être médaillé de bronze aux championnats de France minimes en skiff (un seul rameur) en 2016 et champion de France cadets en 2018 (toujours en skiff).
Tu es maintenant bien ancré en équipe de France des moins de 23 ans ; peux-tu nous parler de ton emploi du temps ?
Il y a deux périodes bien différentes : la semaine et le week-end. Du lundi au vendredi, ce sont les entraînements et ma journée commence vers 6 h, heure à laquelle je me réveille. Je rejoins le lieu d’entraînement vers 8 h pour une première séance qui dure jusqu’à 10 h. A partir de 10 h 30, je suis à l’université ; j’y prépare un master sport et sciences sociales (je suis en première année) puis je retrouve le bassin et les bateaux de 16 h 30 à 19 h. Je rentre alors à mon appartement qui se trouve à dix minutes du lieu d’entraînement. Le planning du vendredi soir, du samedi et du dimanche est très différent ; j’accorde ces deux journées à mon club, l’AMMH. J’ai avec lui une sorte de contrat à la fois moral et officiel : je dois entraîner quinze heures par semaine. J’ai en charge les adultes « loisirs » et les plus de 17 ans ; ça me permet de ramer avec eux et ainsi de faire un entraînement supplémentaire.
Comment arrives-tu à concilier ces hautes études et le sport de compétition ?
Il faut avant tout une bonne organisation mais aussi une grande motivation et un grand sérieux dans la vie de tous les jours : une bonne hygiène de vie en matière de sommeil, de nutrition, de relations…
Je dois préciser que le fait d’être reconnu comme athlète de haut niveau me permet d’avoir certains aménagements dans mes cours et examens, au moment des compétitions ou des stages très longs par exemple.
Nous savons qu’il y a plusieurs spécialités en aviron ; quelle est la tienne ?
Effectivement, il y a ce que l’on appelle « la pointe », qui consiste à ramer avec une seule rame et « le couple » qui se pratique avec une rame dans chaque main. Je pratique les deux techniques mais j’ai une nette préférence pour la deuxième ; c’est d’ailleurs en couple que j’ai obtenu mes meilleures performances.
Tu as obtenu de très bons résultats en « deux de couple » ; parle-nous un peu de ton coéquipier, depuis combien de temps ramez-vous ensemble ?
Nous faisons équipe depuis 2018, ça commence à faire un bail ! Il s’agit de Cornelus Palsma ; il rame pour le club de Fontainebleau mais fait ses études et habite à Amsterdam. Nous ne nous voyons donc pas très souvent mais nous entendons très bien sur le bateau ; c’est le plus important. Comme je vous le disais, l’aviron est un sport d’équipe ; s’il y en a un qui flanche, c’est fichu !
Peux-tu nous rappeler quels sont tes meilleurs souvenirs ?
Les plus beaux sont sans contestation les podiums avec l’équipe de France aux championnats du monde des moins de 23 ans poids léger (moins de 72,5 kg et surtout moins de 70 kg en moyenne pour le bateau), une médaille de bronze en 2022 en quatre de couple et à nouveau le bronze en 2023 en deux de couple. Toutefois, si la médaille de bronze aux championnats d’Europe en aviron « indoor » en 2023 et ces deux récompenses restent un grand souvenir, c’est surtout le titre de champion de France en quatre de couple senior avec les « copains du club » : Ivan Bové, Richard Silvestre et Valentin Laborde que je retiens ; il n’y a rien de plus beau que de gagner en équipe. Je m’essaie également à l’aviron de mer, une discipline bien différente mais qui a quelques attraits.
Bon, je vois que tu es bien occupé, je pense qu’il ne reste pas beaucoup de temps pour les loisirs ?
Effectivement, comme vous avez pu le constater, mon emploi du temps est bien rempli ; si l’on ajoute les stages, il reste peu de temps pour le farniente. Je voudrais souligner que j’attache une grande importance à mon engagement avec l’AMMH. Parmi les jeunes que j’entraîne, il y en trois qui commencent à percer et à obtenir de bons résultats ; ils ont intégré le pôle espoir d’Île-de-France et c’est pour moi une grande satisfaction.
Je prends également un peu de mon temps libre pour rencontrer les collégiens. J‘y présente mon parcours aux élèves ; j’essaie de leur transmettre ma passion pour le sport et de leur montrer qu’avec de la volonté, on peut y arriver.
Tu parles des jeunes du club qui commencent à percer, peux-tu nous les citer ?
Il s’agit de Lou Philippe et Maëlis Carré chez les filles qui font maintenant partie des meilleures rameuses de France dans leur catégorie et de Swann Stephan qualifié pour les championnats de France chez les garçons ; avec ces jeunes, l’avenir du club est assuré, elles et il nous permettent d’envisager le futur avec sérénité et confiance.
Puisque nous parlons d’avenir, comment envisages-tu le tien, sportivement parlant ?
En ce qui concerne le futur proche, il va passer par Sainte-Catherine au Canada pour les championnats du monde, ce sera le 25 août ; Cornelus et moi nous y préparons sérieusement et espérons secrètement une médaille d’un autre métal…
Je suis surpris que tu ne parles pas des Jeux olympiques à Paris ?
Pour cette année, il y a peu de chances pour que j’y participe ; je resterai sans doute spectateur. La concurrence est rude ; je suis jeune par rapport aux rameurs sélectionnés et ne peux prétendre qu’à une éventuelle place de remplaçant.
Alors rendez-vous pour les JO dans quatre ans ?
C’est possible mais ce sera dur. La catégorie dans laquelle je rame, les poids légers, va être supprimée et il me faudrait prendre beaucoup de poids pour être compétitif ; il me restera peut-être l’aviron de mer ? Mais c’est une discipline très différente.
Pour pratiquer le sport de haut niveau comme tu le fais, tu as sans doute besoin d’aide, de sponsors ?
Oui bien sûr, je profite d’ailleurs de cet entretien pour les remercier de leur confiance. En plus de l’AMMH, club avec lequel j’ai un contrat, la société « Options SA » des Mureaux m’apporte un soutien financier pour mes déplacements et l’achat de mon matériel et l’entreprise « DO Expertise et Audit » a financé mon bateau ; il a coûté près de 15 000 € ! J’ai la chance aussi d’être aidé par la région Île-de-France et le département au travers de bourses ; elles sont les bienvenues car une saison d’aviron coûte très cher.
Nous arrivons maintenant à la fin de cette interview ; nous avons parlé de ton futur sportif, qu’en est-il de ton avenir plus lointain ?
D’abord, je veux rendre au club tout ce qu’il m’a apporté ; il n’est donc pas question pour moi de le quitter, à moins d’un cas de force majeure bien sûr. Je vais donc continuer à ramer pour l’AMMH et aider les jeunes en les faisant profiter de mon expérience. J’ai un grand respect et beaucoup d’admiration pour tous les bénévoles qui donnent de leur temps libre pour les autres, chapeau à eux !
Professionnellement, je viens d’obtenir mon BPJEPS (Brevet Professionnel de la Jeunesse et de l’Education Populaire et du Sport), un diplôme qui me permet d’exercer en tant qu’entraîneur. Si l’on voit plus loin, après mon master, j’espère préparer une thèse en sociologie ; c’est un beau challenge…
Merci beaucoup Antoine. Encore bravo pour ta réussite, nous te souhaitons plein de belles victoires ; nous penserons bien fort à toi, fin août, lorsque tu seras sur le bassin de Sainte-Catherine.
Propos recueillis par Jannick Denouël