Fabien Etienne, président de l’Aviron-Meulan-Les Mureaux-Hardricourt
Nous avons rendez-vous ce mois-ci avec le président d’un club sportif qui peut être considéré comme « le phare » de notre région. En effet l’AMMH a compté et compte encore parmi ses sociétaires des champions de France et d’Europe et plusieurs membres des équipes de France d’aviron ; alors pour un peu de fraîcheur, allons rejoindre le long du bras de Seine, le président de ce grand club…
Bonjour monsieur Etienne, merci de recevoir Les Echos. Comme je le disais en préambule, votre club est sans doute le club le plus titré de notre secteur, depuis quand existe-t-il ?
Il a été créé en août 1928 ; nous allons d’ailleurs fêter cet anniversaire en octobre prochain, puisqu’il a été fondé au mois d’août ! Il existait auparavant, avant la première guerre mondiale, une sorte de cercle nautique mais il n’était pas structuré en association. A sa création, le club s’appelait « Le Club nautique de Meulan » et était hébergé dans un garage situé rue Bignon. Les premiers locaux installés sur le site actuel l’ont été en 1933. Lorsque ce hangar, qui était en bois, est devenu obsolète, un nouveau bâtiment a été inauguré dans les années 60 ; c’est, depuis cette date, notre local !
A quelle époque furent associées les villes des Mureaux et d’Hardricourt ?
C’est en 1951 seulement que la ville des Mureaux a rejoint le club. Nous sommes restés pendant quarante ans AMM, aviron de Meulan-Les Mureaux. Ce n’est qu’en 1995, ce n’est donc pas très vieux, qu’Hardricourt est venue compléter notre association, mais les locaux, pourtant situés sur cette commune, sont la propriété de la ville de Meulan.
Combien comptez-vous de sociétaires ?
Nous sommes environ deux cents actuellement. Depuis plusieurs dizaines d’années, ce nombre fluctue entre cent quatre-vingts et deux cent cinquante. Nous avons la chance de bénéficier d’un partenariat avec deux établissements scolaires du secteur : les collèges Mercier-saint Paul et Henri IV à Meulan. Nous avons aussi eu le même type d’échange avec le lycée François Villon aux Mureaux, mais ce n’est malheureusement plus le cas. Les élèves qui pratiquent l’aviron en milieu scolaire sont notre principale source de recrutement ; ils représentent près de 80 % de l’effectif de nos équipes jeunes.
Comment ce partenariat se présente-t-il ?
En fait quelques classes de ces collèges ont un projet aviron, les élèves rament plusieurs fois par semaine avec l’école et aussi le mercredi après-midi dans le cadre de l’association sportive scolaire. Ce partenariat leur permet de découvrir l’aviron qui, il faut bien le reconnaître, n’est pas un sport très médiatisé et ensuite, quand ils y prennent du plaisir, ils rejoignent le club.
Justement, vous venez de souligner que l’on ne parle que très peu de l’aviron, quels arguments avanceriez-vous pour attirer des jeunes vers ce sport ?
Déjà, contrairement au football ou au handball, ce n’est pas un jeu ; cela fait une grosse différence ! Toutefois, ce sport dégage des valeurs très fortes : endurance, ténacité, humilité… mais il demande aussi beaucoup d’efforts. C’est une vraie école de la maîtrise des difficultés, il faut se remettre en question à chaque nouvelle compétition. L’aviron est un sport quasi-complet puisqu’il fait travailler pratiquement tous les muscles et dès que vous avez acquis un minimum de technique, les sensations de glisse sur notre magnifique bras de Seine sont formidables.
Pouvez-vous nous présenter les différents types de bateaux utilisés en compétition ?
Il y a deux catégories de bateaux : les embarcations de « couples », dans ce cas les rameurs ont un aviron dans chaque main, et celles de « pointes » où ils n’ont qu’une seule rame dans les mains. La couple peut se pratiquer seul (dans ce cas c’est le skiff), en double ou à quatre.
Dans les cas de la pointe, bien sûr il faut au moins être deux, mais on le pratique aussi à quatre ou à huit et avec ou sans barreur. Il s’agit dans tous les cas de matériel assez cher, certains bateaux coûtent plus de 10 000 € ! Quelques-uns de nos rameurs possèdent leur bateau mais dans la plupart des cas, ils sont la propriété du club.
J’imagine qu’il faut de très nombreuses années pour arriver dans l’élite…
Effectivement, il est rare que les champions naissent spontanément ; dans tous les cas cela demande beaucoup d’entraînement. Dans notre club, les rameurs qui sont au haut niveau s’entraînent neuf à dix fois par semaine, c’est vous dire l’exigence de cette discipline. Mais on peut aussi pratiquer en loisirs une seule fois par semaine… Dans tous les cas, l’entraînement ne se fait pas uniquement sur le bateau ; il y a aussi des séances de musculation et du foncier pour acquérir de l’endurance. Nous avons en ce moment au club huit entraîneurs bénévoles et un salarié ; quelques jeunes expérimentés participent également en « donnant un coup de main » !
Quelles sont les périodes de compétition, comment sont-elles organisées ?
En ce qui concerne l’organisation, la France est divisée en quatre zones, la sélection pour les championnats de France se fait à partir des résultats dans ces zones. Par exemple, pour les derniers championnats de France des jeunes qui se sont déroulés à Brive et où Antoine Lefebvre s’est distingué en skiff (il a apporté au club le 23ème titre de champion de France), nous nous sommes déplacés à vingt trois. Bien sûr pas question d’hôtel ; nous allons la plupart du temps dans un terrain de camping, afin de limiter les frais. Vous parliez aussi de période pour les compétitions ; elles s’étalent pratiquement sur toute l’année, elles sont toutefois moins nombreuses l’hiver, de fin novembre à mi-mars ; les rameurs en profitent pour faire de la musculation ou pour ramer en intérieur, ces équipements sont appelés ergomètres. A partir d’avril, il y a des courses pratiquement chaque week-end.
Ces déplacements exigent une réelle logistique, comment faites-vous ?
Nous disposons au club d’un minibus avec lequel nous tractons les bateaux ; nous pouvons aussi prendre quelques rameurs, les autres font les déplacements avec leurs véhicules personnels. Parfois la ville des Mureaux nous prête un minibus mais ils ont aussi beaucoup d’équipes dans de nombreux sports et il y a une très forte demande.
Comment êtes-vous devenu président de ce club, quelles sont vos motivations ?
J’ai découvert l’aviron à Creil lorsque j’étais collégien. Je passais tous les jours sur un pont au-dessus de l’Oise sur laquelle s’entraînaient des rameurs. Un peu par curiosité, je suis allé visiter le club, j’ai essayé et j’ai « chopé » le virus… J’ai par la suite pratiqué l’aviron en compétition, avec Creil d’abord jusqu’en 1984, puis avec l’AMMH jusqu’en 1996. En ce qui concerne la présidence du club, c’est un peu le hasard : en 1998, le président de l’époque, Bernard Sauer, est décédé subitement. Il fallait donc le remplacer ; j’occupais à ce moment le poste de trésorier et, un peu poussé par un ex président, Jean Rommeis, et André Cassagne, alors maire d’Hardricourt, je me suis lancé, je suis donc président depuis vingt ans !
Quant à mes motivations, c’est très simple : d’une part j’apprécie beaucoup les valeurs dégagées par cette discipline et d’autre part, j’estime que lorsque l’on a bénéficié pendant des années d’un environnement et de structure favorables, on doit comme on dit « renvoyer l’ascenseur » et donner un peu de ce que l’on a reçu.
Nous avons peu parlé des jeunes que vous allez accueillir à la rentrée, comment les intégrez-vous à l’AMMH ?
Nous accueillons les enfants, garçons ou filles, à partir de onze ans. Pour pratiquer, il n’y a aucune contrainte particulière à part bien sûr celle de savoir nager. Ils ou elles commenceront par un entraînement hebdomadaire ; ces séances évolueront ensuite en fonction de leur attirance pour l’aviron.
Comme je l’ai déjà dit, c’est un sport exigeant mais il cultive de vraies valeurs humaines et il y a peu de traumatismes. Tous les enfants seront les bienvenus, ils rejoindront notre groupe de pratiquants parmi lesquels nous comptons de réels champions : Ivan et Claire Bové, membres de l’équipe de France, sont déjà un peu connus, mais il y a dans leur sillage une douzaine de rameurs et rameuses de très bon niveau ; je citerai Richard Silvestre, Valentin Laborde, Hugo Mossino ou Quentin Etienne, etc. Il faut savoir que notre club est classé à la 25ème place au niveau national !
Quels sont les challenges à venir pour l’AMMH et son président ?
Il y en quatre. D’abord régler le problème de vétusté de nos locaux. Si nous ne trouvons pas une solution, nous allons vers de gros soucis surtout en termes d’hygiène. Ensuite, je dirais aller vers plus d’autonomie financière, ce n’est pas facile non plus. Nous pouvons peut-être y arriver en créant des activités autour de l’aviron, comme la musculation ou les rameurs « in door ». Le troisième point concerne le rajeunissement de l’encadrement ; il nous faut trouver des jeunes capables, avec la volonté de s’investir ! Enfin, nous devons maintenir le niveau de performances auquel nous sommes habitués, ce n’est pas non plus une tâche aisée car la barre est assez haute, nous devons aussi cultiver notre savoir-faire. Comme vous voyez, nous ne manquons pas de beaux projets !
Merci beaucoup monsieur Etienne pour toutes ces explications. Elles éclaireront sans doute les parents désirant faire pratiquer à leurs enfants un sport avec de belles valeurs. Toute l’équipe des Echos se joint à moi pour souhaiter à l’AMMH de très beaux résultats au cours de la saison qui commence.
Propos recueillis par Jannick Denouël