Isabelle Outrebon, présidente de l’association « Les Hardriculteurs »
Notre numéro de mai étant consacré au jardin et au jardinage, nous sommes allés à la rencontre d’une jeune association, les Hardriculteurs, qui se situe, comme son nom nous le fait pressentir, à Hardricourt. Sa présidente nous a accueillis pour nous présenter le jardin partagé.
Merci de nous accueillir pour nous parler de vos activités. Tout d’abord, avant d’évoquer l’association, pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
J’habite Hardricourt depuis vingt-cinq ans, sachant que j’ai deux lieux de vie : Issy-Les-Moulineaux et Hardricourt. Cela m’a permis, après ma formation d’ethnologue, de connaître une ville urbanisée et un village, de m’être utile dans mon métier axé sur le rapport ville-campagne : comment renaturer les villes qui ont été sauvagement urbanisées et comment relier les gens à travers un jardin. Les circonstances nous ont orientés durant quinze années, mon mari et moi, dans la presse technologique en étant rédacteur en chef de la revue mensuelle archIMAG qui existe encore. C’était l’arrivée de l’ordinateur dans tous les métiers et cela transformait les méthodes et les conditions de travail. Nous étions consultants et nous nous adressions aux archivistes, documentalistes et bibliothécaires. En 2000, je me forme au métier de concepteur, réalisateur multimédia (CRM), que j’exerce durant cinq ans. Puis pendant une dizaine d’années, installée à mon compte, j’exerce dans l’animation événementielle, interrompue par la naissance de mes deux filles jumelles, Emma et Juliette, qui ont toutes deux 24 ans. J’anime de nombreux ateliers dans les écoles, les entreprises, en particulier avec des ateliers team-building, pour mettre des gens ensemble pour se connaître.
Mais qu’est-ce qui vous amène au jardinage ?
Je rejoins un collectif de créatrices Art-Eco qui mettent l’art au service de l’environnement. Je perçois l’arrivée des murs végétaux et de création de jardins. Je fais la connaissance de Patrick Blanc, botaniste et je rencontre des paysagistes, en particulier Benoit de Choulot, de la famille du célèbre jardinier concurrent de Le Notre, qui me propose quatre cents plantes pour me lancer dans la réalisation de murs végétaux sur des grandes toiles. Ayant une formation de peinture artistique, je les peins tout d’abord avant de les végétaliser. L’exposition « Les jardins d’IZA à Issy-Les-Moulineaux » les mettra en valeur, ainsi que de nombreuses autres expositions dont celles au château de Beauregard et à l’Abbaye de Royaumont. C’est là que j’acquiers mon expérience d’artiste végétale ainsi que sur les plantes.
En 2016, le décès brutal de mon mari va me renforcer dans cette orientation. Tout d’abord l’hôpital de Percy où il a été soigné, percevant que j’avais besoin d’un projet pour me reconstruire, me propose d’aménager leur terrasse de 2 000 m². Avec la mobilisation de la famille et de nombreux dons, nous agrémentons cette terrasse de fleurs, de framboisiers, de chèvrefeuilles, etc. et depuis cet espace est devenu un lieu de détente pour le personnel et les malades. J’y anime toujours un atelier « mains dans la terre » qui depuis trois ans m’aide à me reconstruire.
Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs quand et comment a démarré le jardin partagé d’Hardricourt ?
Tout d’abord, je décide de suivre une formation à la Ferme du Bec-Hellouin pour monter une ferme permacole. Je réalise très vite que pour développer un tel projet, c’est trop petit chez moi. Ce n’est qu’en 2018 que je rencontre Yann Scotte, maire d’Hardricourt, qui me met en contact avec Michel Cronier pour mon projet. C’est le point de départ du jardin partagé car au cours d’une nouvelle rencontre avec le maire, celui-ci me propose 1 000 m² de terrain dans le parc du château pour y aménager un jardin partagé. Et là tout s’accélère, je présente mon projet au conseil municipal, c’est-à-dire créer un jardin partagé, prétexte pour recréer du lien social, réaliser un projet vert social dans une logique collaboratrice et participative. Le 5 avril 2018, une réunion publique est organisée. Je propose de créer un mandala(*) : sept buttes de permaculture sont aménagées dans les règles de l’art pour modeler ses pétales. Une vingtaine de personnes, de 4 à 80 ans, dont des enseignants de l’école primaire déjà très impliqués dans la permaculture, se relayent en avril et mai 2018, pour nettoyer, bêcher, sarcler, greliner, semer, planter les nombreux dons reçus, dont cent vingt pieds de tomates (douze variétés) fournis par Michel Cronier. Le projet prend forme. Il est complété par la création d’un jardin d’enfants avec plantation de fraisiers et de framboisiers et par la création d’un bassin de récupération d’eau de pluie et d’une pergola. Côté organisation, nous échangeons par mail pour constituer un groupe tous les quinze jours. J’envoie des photos de nos travaux pour donner envie aux autres de participer.
L’évolution est spectaculaire en quelques mois. Vous vous êtes baptisés « Les Hardriculteurs » : pouvez-vous nous en parler ainsi que de vos activités ?
Oui nous avons ressenti très vite le besoin de nous structurer et nous avons créé, en novembre 2018, une association dénommée « Les Hardriculteurs » qui regroupe actuellement une quinzaine de familles. Nous avons développé nos activités : le jardin pédagogique avec le directeur de l’école, Jean Guilbaud, et Michel Cronier, les ateliers « Bricolo » où nous organisons des animations destinées aux enfants et la réalisation d’un film avec la classe de CM2.
Au niveau événementiel, nous avons participé aux petits moments du Vexin en organisant la fête de la citrouille le 11 novembre, au jardin partagé des Mandalas, en confectionnant des soupes et des cakes au potimarron. En février, Hardricourt s’est vu décerner par le jury départemental des villes et villages fleuris, le trophée 2018 du « jardin partagé », ce qui est une grande fierté pour nous. Le dimanche 14 avril dernier, nous avons organisé le 1er petit troc de plantes entre amis jardiniers.
Une information qui peut intéresser vos lecteurs, nous organisons le 12 mai une balade de 14 h 30 à 17 h à la recherche de plantes sauvages comestibles pour confectionner des confitures, des infusions et des sirops. Cette sortie sera animée par Michèle Desgrange (professeur de sciences naturelles à Conflans). Le rendez-vous sera au jardin partagé (entrée parc du château à hauteur des 20 et 22 Rue Chantereine à Hardricourt).
Pour une jeune association, vous avez déjà une activité soutenue. Il nous faut déjà conclure, avez-vous des points à ajouter sur l’activité ou des projets ?
Sur l’activité, je voudrais revenir sur les points qui nous tiennent à cœur. Notre objectif est de créer du lien social, faire en sorte que le jardin partagé soit un support éducatif pour se nourrir mieux et enfin être un support de découverte et de bien-être. La permaculture nous permet de reprendre contact avec la nature en appliquant une écologie naturelle.
Nous avons également le projet de mettre en place un jardin des simples. On appelle « simples » les plantes utilisées depuis l’antiquité pour leurs vertus médicinales, les « simplicis herba » (voir article). On les qualifiait de simples par opposition aux potions complexes que proposait la médecine savante de l’époque. Un jardin de simples ne comprend pas seulement des plantes médicinales ; elles y sont associées à des plantes aromatiques et condimentaires, dont la plupart d’entre elles ont également des vertus thérapeutiques.
Nous contribuons à notre manière au souhait de notre maire de créer de la proximité, de participer à l’amélioration du cadre de vie et à la transition écologique.
Nous serons ravis d’accueillir de nouveaux jardiniers « en herbe » ou expérimentés. Chacun peut se rendre sur le site http://leshardriculteurs.org ou nous contacter par mail ou par tel : 06 60 17 07 70
Merci pour votre accueil et votre engagement avec tous les bénévoles qui vous entourent. Nous suivrons avec intérêt les activités des Hardriculteurs en souhaitant que beaucoup de vocations de jardiniers, jeunes ou moins jeunes, naissent à la suite de cette interview.
(*) Mandala est un mot sanscrit signifiant cercle, centre, unité, totalité. Il s’exprime dans un dessin circulaire convergeant vers un centre porteur d’infini.