Sandrina VAN GEEL NEUMANN
Une petite maison blottie dans le fond d’un jardin « extraordinaire », quelques poules, un coq très fier qui se promène tranquillement, nous voilà dans l’atelier de Sandrina van Geel, mosaïste à Vaux-sur-Seine. Poussons la porte, pénétrons dans cet endroit magique dont les étagères sont remplies de pâtes de verre colorées ou de morceaux de marbre prêts à être taillés, venez avec nous à la découverte de cet art, mélange de patience et de persévérance…
Bonjour Mme van Geel, merci de recevoir « Les Echos ». Pour beaucoup de nos lecteurs la mosaïque est un peu mystérieuse, pouvez-vous la démystifier un peu ?
Il s’agit d’un art décoratif très ancien : la plus ancienne mosaïque de galets date du VIIIe siècle av. J.C et a été trouvée en Asie Mineure. D’abord éclats de cailloux et de galets, on constate, au IIIe siècle av. J.C., l’apparition des tesselles (petits cubes de pierre, de marbre, de terre cuite). Les Romains adoptent cette technique et la mosaïque de pavement est de plus en plus utilisée dans l’architecture : églises, thermes, villas, fontaines…. La mosaïque byzantine, à partir du Ve siècle est entièrement tournée vers les représentations religieuses. L’utilisation de nouveaux matériaux comme les smalts vénitiens (émaux de verre très colorés) et les tesselles d’or donnent aux mosaïques byzantines une brillance et une vivacité des couleurs impressionnantes (rouges, bleus, verts, ors…). La mosaïque est un art pérenne ; une fois fixées au mur, les tesselles vont y rester des dizaines et des dizaines d’années, les couleurs ne s’estompent pas, restent toujours aussi vives, ni la pluie ni les intempéries n’ont de prise sur ces fresques.
Et comment êtes-vous devenue « mosaïste », qu’est-ce qui vous a amenée à cet art ?
Dès ma petite enfance, j’ai été très attirée par tout ce qui est artistique ; aussi lorsque j’ai pensé à suivre des études, je me suis assez naturellement dirigée vers une école qui préparait à ces métiers, l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Appliqués et des Métiers d’Art (ENSAAMA) Olivier de Serres à Paris. Par la suite, c’est peut-être la mosaïque qui m’a choisie car j’ai d’abord travaillé dans le tourisme ; je parle plusieurs langues, c’est un gros atout, mais n’y trouvais pas de satisfaction et j’ai suivi (est-ce le hasard ?) une formation de mosaïste. Cet apprentissage est assez long, deux années complètes, et je continue à me former en faisant chaque année des stages avec de grands maîtres mosaïstes, ils me permettent de me perfectionner, d’apprendre de nouvelles techniques, d’avoir un autre regard.
Intervenir en milieu scolaire : un grand plaisir !
Parlez-nous un peu de vos activités en tant que mosaïste ?
J’interviens chaque année en milieu scolaire pour réaliser de grandes fresques collectives. J’aime beaucoup l’intimité enfant-adulte au moment de la création. Il y a souvent chez les enfants un côté poète ; ils évoluent encore dans un monde dans lequel l’imaginaire tient une grande place. De plus, la mosaïque est un art qui demande une grande concentration et les petits restent « zen », même ceux que l’on qualifie souvent d’hyperactifs. Ils peuvent aussi voir l’avancement de leur travail, ce qui leur plaît beaucoup car ils ont besoin de concret.
Je m’inspire la plupart du temps des dessins des enfants pour composer le « carton » qui est comme le gabarit pour commencer la pose des tesselles sur un support à plat, en atelier. La fresque est réalisée ainsi sur un filet, puis scellée au mur définitivement au mortier.
Il y a plusieurs exemples de ces réalisations dans notre secteur, à Vaux-sur-Seine ou à Evecquemont par exemple, mais aussi un peu plus loin, à Poissy, Triel, Achères… Je travaille actuellement avec les élèves de l’école Ormesson II d’Enghien-les-Bains, un grand projet auquel toute l’école participe.
Le travail avec ces enfants semble vous apporter beaucoup de satisfaction.
Oui, vraiment c’est un plaisir de passer un après-midi à créer avec eux, puis de voir leur fierté quand l’œuvre réalisée est scellée au mur « pour toute la vie » ! Mais je travaille aussi avec des adultes, je donne des cours au sein d’une association vauxoise que vos lecteurs connaissent sans doute, « Mosaïque et Petits Cailloux ».
Cette année, nous avons aménagé un atelier « marbre » avec deux billots pour la taille de la pierre et du marbre avec la marteline, un travail si passionnant ! Certaines élèves, qui viennent depuis plusieurs années ont déjà réalisé de superbes créations avec un mélange de marbres, ardoises, pâtes de verre artisanales, pierres semi précieuses…et autres trésors !
Ces activités doivent être passionnantes ?
Effectivement, j’aime particulièrement transmettre mes connaissances et plus que tout je ressens beaucoup de satisfaction à voir la fierté des petits ou des grands, une fois la mosaïque terminée ou la fresque posée sur le mur ; la mosaïque est un travail de longue haleine, il faut y passer des heures et des heures, mais ça en vaut la peine !
Parallèlement à ces activités de formation, je travaille aussi comme artiste indépendante dans mon atelier : j’y réalise mes créations personnelles ou bien encore des commandes pour des particuliers, comme des mosaïques pour salle de bains par exemple…
Je participe également à diverses expositions, comme aux Journées européennes des Métiers d’Art, en tant qu’artisan d’Art du Parc Naturel Régional du Vexin auquel notre commune de Vaux est rattachée. Récemment au salon des Artistes indépendants normands à Rouen, j’ai remporté le premier prix du département de Seine Maritime avec une grande sculpture en forme de champignon, « Chanterelle », réalisée avec du marbre, des pâtes de verre artisanales et de l’or.
Des livres sur les activités manuelles pour enfants.
Je suis également auteur d’ouvrages : mon premier livre était sur la mosaïque et la technique du filet pour réaliser des fresques murales. La série de quatre livres que je suis en train de finir comprend des activités manuelles diverses : bricolage, modelage, beaux arts, collage et mosaïque. Ces livres sont destinés aux enfants ; ils s’intitulent d’ailleurs « Petits bricolages pour enfants ». Trois sont déjà parus, sur les thèmes de l’automne, de l’hiver et du printemps et les bricolages d’été paraîtront en mai. Même si c’est un très gros travail, j’ai pris beaucoup de plaisir à partager dans ces livres mes vingt ans d’expérience dans l’animation d’ateliers créatifs pour les enfants !
J’ai appris aussi que vous participiez à des œuvres collectives, sous quelle forme ?
Il m’arrive effectivement de travailler avec d’autres mosaïstes, je rentre d’ailleurs tout juste du Chili où j’ai eu l’occasion de vivre une très belle expérience. Le but était de faire une grande fresque collective en mosaïque sur la façade de la mairie de Puente Alto, un des quartiers de Santiago (1). Le thème était « le jardin magique », et nous avons réalisé environ 200 m² en quinze jours. Isidora Paz Lopez, la mosaïste chilienne qui est à l’origine du projet, a reçu près de cinq cents candidatures d’artistes mosaïstes du monde entier et elle en a sélectionné soixante au final.
Nous étions donc soixante mosaïstes, dont neuf français, de vingt-deux nationalités différentes, c’est vous dire l’éclectisme. Il s’agissait d’une première dans le monde de la mosaïque et je peux vous dire que l’ambiance était assez extraordinaire, il y avait beaucoup de plaisir et d’excitation à se retrouver entre passionnés. La fin du chantier, copieusement fêtée, a été à la hauteur du projet, bénédiction par un prêtre et un pasteur, hymne national, discours du maire…Bref, beaucoup d’émotion et au retour de Puente Alto, capitale mondiale de la mosaïque pendant ces quelques jours, j’étais comme nourrie de ces échanges, cette créativité, cette ambiance unique… Ce fut une parenthèse exceptionnelle !
L’expérience avait vraiment l’air très intéressante et vous semblez revenir enchantée de ce chantier, quels sont maintenant vos projets ?
Comme je vous l’ai dit, le futur proche va être consacré à la publication de mon dernier livre de la série des « Petits Bricolages pour enfants » ; c’est un très gros travail. Je participe également à l’élaboration de voyages sur le thème de la mosaïque, « Mosaic Art Tours » ; cette année nous avons programmé un voyage en Toscane, sur les chemins de Michelangelo, avec Florence, bien sûr, puis la visite du Jardin des Tarots de Niki de Saint Phalle, pour terminer à Carrare, où nous visiterons les carrières de marbre, des ateliers de sculpture monumentale et irons à la rencontre de mosaïstes. Le voyage se termine par un stage avec un maitre mosaïste italien à Carrare… tout un programme et encore de beaux échanges autour de la mosaïque !
Merci beaucoup Mme van Geel pour ce voyage enchanteur au pays de la mosaïque. Sûr que nos lecteurs ne regarderont plus de la même façon les murs recouverts de ces petits carrés de couleur, un art à part entière !
Propos recueillis par Jannick Denouël
Association « Mosaïque et petits cailloux », à Vaux sur Seine, tel : 01 30 99 34 45
Livres parus aux Editions l’Inédite :
-
Fresques et Mosaïques murales
-
Petits bricolages d’automne pour enfants,
-
Petits bricolages d’hiver pour enfants
-
Petits Bricolages de printemps pour enfants
A paraître : Petits Bricolages d’Eté (mai 2014) – aux éditions L’inédite
(1) Voir rubrique « Plus de photos » sur notre site : http://www.echosdemeulan.fr