GENEVIÈVE DE GAULLE-ANTHONIOZ, une combattante au Panthéon
Le 27 mai dernier, quatre personnalités de la résistance ont fait leur entrée au Panthéon. Parmi elles, deux femmes exceptionnelles dont les parcours se sont croisés dans des circonstances exceptionnelles : Germaine Tillon et Geneviève de Gaulle-Anthonioz. Avant de rejoindre les « Grands Hommes », elles ont toutes deux fait preuve d’un courage sans limite en s’engageant dès la première heure dans la résistance. Nous allons vous parler aujourd’hui de la destinée de Geneviève de Gaulle-Anthonioz.
Née en 1920 dans une famille de tradition plutôt monarchiste, son père est ingénieur des Mines, elle sera orpheline de mère à l’âge de 4 ans. Elle est aussi la nièce d’un jeune capitaine de cavalerie à la réputation déjà iconoclaste, Charles de Gaulle.
A 14 ans, elle est horrifiée par la lecture d’un essai que son père lui avait conseillé fortement de lire : Mein Kampf ; aussi lorsqu’en 1940, alors étudiante à Rennes, elle entend à la radio le maréchal Pétain annoncer la défaite, toute soumission lui apparaît intolérable surtout que son oncle va dès le lendemain appeler les Français à continuer le combat. Après avoir déchiré des affiches pro-nazies, dessiné des croix de Lorraine sur les murs de la ville et rapporté un fanion nazi en guise de trophée, elle s’engage dans la résistance à Paris en 1941 au sein du groupe du Musée de l’Homme.
Après avoir participé à la naissance d’un maquis en Haute-Savoie, elle intègre début 1943 le mouvement « Défense de la France », elle écrit alors, sous le nom de Gallia, des articles dans l’organe de propagande de ce réseau et devient membre du comité directeur de l’organisation ; c’est elle qui assure la diffusion du journal : 450 000 exemplaires publiés en janvier 1944, le plus fort tirage de la presse clandestine ! Malheureusement suite à une trahison, elle est arrêtée par la milice le 20 juillet 1943. C’est à la prison de Fresnes que son destin va croiser celui de Germaine Tillon avec laquelle elle sera déportée à Ravensbrück en février 1944 ; elle n’en sortira qu’en avril 1945, elle ne pèse alors que 40 kilos.
Revenue en France, elle habite chez cet oncle si cher ; celui-ci à l’écoute de ses récits de captivité , prend vraiment conscience de ce qu’a pu être la barbarie nazie. Elle participe aussi à la création de l’Association nationale des Anciennes Déportées et Internées de la Résistance (ADIR) puis se marie à un éditeur d’art, lui-même ancien résistant, Bernard Anthonioz, dont elle aura quatre enfants ; elle est aussi impliquée dans la naissance du premier parti gaulliste « le Rassemblement du Peuple Français ».
Après un rapide passage au ministère de la culture alors dirigé par André Malraux, c’est en visitant un bidonville à Noisy-le-Grand qu’elle prend conscience de la misère des sans abri. Cette visite fait remonter en elle le sentiment de retrouver l’enfer concentrationnaire qu’elle a connu pendant la guerre ; elle ne peut rester insensible et rejoint alors l’association Aide à Toute Détresse (ATD), fondée en 1957 par le père Joseph Wresinski. Elle en devient présidente en 1964 ; entre temps, ATD est devenue ATD-Quart monde.
A partir de ce moment, elle milite sans ménager sa peine pour aider et soutenir les exclus de tous bords. Membre du Conseil Economique et Social, elle rédige en 1995 un rapport sur la grande pauvreté et en 1997, en ouvrant le débat sur la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, elle déclare : « Je ne suis pas une héroïne, mais je revendique le terme de résistante. Au fond, entre la résistance et ATD, il y a un cheminement commun : le refus de l’inacceptable ! ». En 1998, elle va recevoir des mains de Jacques Chirac la grand-croix de la Légion d’honneur ; elle est alors la seule femme à avoir reçu cette décoration. L’année suivante, c’est elle qui va remettre ce même insigne à sa « sœur de résistance », Germaine Tillon.
Plus de cinquante ans après être revenue de Ravensbrück, elle trouve enfin le courage d’écrire « La traversée de la nuit », un récit des souvenirs de sa captivité. Ce document, écrit en deux semaines, se révèle être un témoignage poignant dans lequel elle décrit l’horreur des camps mais aussi la fenêtre grande ouverte à l’espoir, un sentiment qui ne l’a jamais abandonnée.
Elle s’éteint en 2002 et est enterrée à côté de son mari dans un petit cimetière de Haute-Savoie, dans le village où ils se sont mariés. Fidèle parmi les fidèles, son corps ne quittera pas ce lieu riche de tant de souvenirs et c’est un cercueil contenant seulement une poignée de terre enfermée dans une petite boite sculptée par un de ses enfants qui entrera au Panthéon.