Gravir la montagne
La période que nous vivons ressemble parfois à l’ascension d’un sommet qui semble ne jamais finir, réservant, à chaque fois que nous pensions le but atteint, un nouveau col à franchir là-bas, plus haut. Qu’elle nous semble longue cette ascension et fatigante, éprouvante. La colonne de marche, compacte et joyeuse au départ, commence à s’étirer sérieusement et à se disperser. Les traits sont tirés. Chacun commence à souffler et à ne regarder plus que ses pieds. Le poids du sac à dos commence à se faire ressentir et à tirer sur les épaules. Et c’est là que le danger guette car, en montagne, il ne faut jamais marcher seul.
Durant cette ascension, il nous faut continuer et sans doute aujourd’hui plus que jamais, à veiller les uns sur les autres, à nous assurer que tout le monde va bien, à réconforter ceux qui peinent, à encourager ceux qui doutent, à donner à boire à ceux qui ont soif, en partageant ses propres réserves, à panser les plaies des blessés et à soulager le poids qui pèse sur les épaules des membres éprouvés. Il faut savoir s’arrêter aussi, pour refaire le groupe, pour prendre des nouvelles des uns et des autres, pour se rappeler l’objectif, pour contempler ensemble le but.
Durant cette ascension, il faut s’arrêter pour prier aussi, comme Jésus lorsqu’il gravit la montagne pour tourner son cœur vers celui de son Père qui est aux Cieux et recevoir de lui sa force. Il faut s’asseoir pour écouter et méditer la parole de Jésus, comme ses disciples le font dans l’Evangile quand ils ne savent plus trop bien où aller ou quoi penser et qu’ils ont besoin de trouver du sens à tout ce qui est en train de se passer sous leurs yeux. Parce que la montagne, c’est aussi le lieu du silence, le lieu des grands espaces, le lieu propice à la réflexion, à la méditation, à la prière. Le lieu où on refait son cœur, où on se retrouve soi-même et ce qui est le plus essentiel, en prenant de la hauteur, en respirant le bon air pur, en contemplant ces paysages vallonnés qui s’étendent à l’infini, nous donnant l’impression que le temps s’est arrêté.
Mais alors comment faire cette expérience alors que nous sommes confinés ? Tout simplement en éteignant nos postes de radio, nos télés, nos ordinateurs et nos smartphones et en gravissant la montagne jusqu’à l’église ! Puisque dans nos villes et dans nos villages, nous avons la chance d’avoir la quasi-totalité de nos églises sur les hauteurs. Et que la plupart d’entre elles sont justement ouvertes, tout ou partie de la journée, pour nous permettre de trouver là ce lieu de repos et de paix dont nous avons tant besoin. Là, dans le silence de l’église, au tabernacle, Jésus nous attend. Et sur le trajet du retour (parce qu’il faut bien redescendre !), sans doute vous surprendrez-vous à fredonner cet air bien connu : Tu es là au cœur de nos vies, et c’est toi qui nous fais vivre ; tu es là au cœur de nos vies, bien vivant, ô Jésus-Christ !
Père Eric Duverdier, curé