Invitation chez la reine
Bientôt les journées du Patrimoine ! Si vos envies de tourisme vous poussent vers le château de Versailles, c’est l’occasion de (re)découvrir le hameau de la reine, ré-ouvert au grand public depuis le 12 mai dernier.
S’éloigner des contraintes
Le XVIIIème siècle découvre le monde paysan. En 1783, Marie-Antoinette, lasse des contraintes de l’étiquette de la Cour, fait construire un véritable havre de paix pour s’y reposer à moins de deux kilomètres du château. Elle souhaite éduquer le dauphin en faisant venir de vrais fermiers de Touraine et lui montrer ainsi le bon peuple au travail en train de traire les vaches ou de cultiver légumes et fruits dans cette fermette d’opérette. De la laiterie au « réchauffoir », le dauphin devait s’initier à la vie paysanne. Mais que l’on ne s’y trompe pas, le jardin secret est également destiné aux balades et aux réceptions somptueuses auxquelles la reine convie ses proches ; car si l’extérieur paraît rustique et simple, l’intérieur est fastueux. Les plus grands artisans et artistes de la Cour ont travaillé à ce projet, de Richard Mique, premier architecte du roi, guillotiné le 7 juillet 1794, à Hubert Robert, peintre et architecte, emprisonné à la Révolution, qui a dessiné les maisonnettes à colombages en s’inspirant de la Normandie.
La fin d’un rêve
Achevé en 1788 juste avant la Révolution, Marie Antoinette n’a guère profité de ce petit coin de campagne. Après le départ de la famille royale pour Paris le 6 octobre 1789, le hameau reste à l’abandon et l’ensemble des meubles est détruit ou dispersé. C’est Napoléon qui le remet en état en l’offrant à sa seconde épouse Marie-Louise, petite-nièce de la dernière reine de France.
De longs travaux
Les travaux de remise en état ont duré cinq ans et coûté cinq millions d’euros, le temps de restaurer chaque pièce et d’assainir la charpente. Jérémie Benoît, responsable de la restauration, explique : « Il a fallu absolument tout reprendre. L’état d’abandon était tel que les pièces étaient couvertes de mousse, même à l’intérieur car il y avait des infiltrations d’eau avec le lac voisin. Les mains expertes des restaurateurs les plus réputés : menuisiers, tapissiers, ébénistes, doreurs, soyeux… se sont relayées pour redonner la splendeur du jardin secret de cette reine haïe du peuple. Le prestige royal se retrouve aussi dans la décoration avec ses lanternes dorées à l’or fin, désormais électrifiées. Le hameau a été remeublé dans le style empire avec les meubles ayant appartenu à l’impératrice Marie-Louise».
Retrouvons le charme du passé
Le hameau de la reine n’a jamais été ouvert au public. Depuis deux siècles, seuls la Cour, les rois et les reines ont pu le voir. Pour la première fois, des visites guidées par petits groupes, car les pièces sont minuscules, permettent de découvrir le décor intérieur de ce hameau conçu pour la plus célèbre des reines de France(1).
L’odeur du sang et des cris semblent si loin sur ces riantes pelouses. Reste que cet éden bucolique, né à quelques mois de la tempête de 1789, dégage un charme à la fois puissant et désuet, paisible et vulnérable. Et l’on se surprend à imaginer la reine et ses enfants au bord du lac ou à la porte de la laiterie, loin du tumulte de la Cour. Et pourtant deux ans plus tard…
A quelques mètres de là, je vous conseille de vous rendre dans la grotte de Marie-Antoinette. Cette grotte artificielle humide et sombre ne peut guère recevoir que deux ou trois personnes. Un escalier d’une dizaine de marches donnant accès au-dessus de la butte permet de se dérober à la vue d’indiscret repéré par la baie pratiquée dans le rocher. Marie-Antoinette avait-elle des secrets et cette grotte n’était-elle pas pour elle un moyen de les cacher ? Etait-elle parfois en galante compagnie lorsqu’elle s’y reposait ? En parlant de galante compagnie, le nom d’Axel de Fersen revient spontanément à l’esprit mais le mystère reste entier ; ah ! si les murs pouvaient parler.
- Les visites du hameau ont lieu toutes les après-midi sauf le lundi. Les billets d’entrée sont à retirer à l’accueil du Petit Trianon ou sur le site Internet du château.