Jardiner, c’est philosopher
Notre numéro de ce mois de mai se veut consacré au thème du jardin. De fait, les giboulées et les vives éclaircies nous invitent à penser ou à repenser nos jardins particuliers ou collectifs. Mais réciproquement, je crois aussi que nos jardins nous invitent à penser. J’espère ne pas vous raconter de salades en affirmant qu’un jardiner est toujours un peu philosophe : on peut être un Montaigne voyant dans son potager le modèle de la retraite paisible, ou un Epicure cueillant le jour – Carpe diem – faisant du jardin le symbole du plaisir juste. On peut être plutôt jardin à la française, symbole du rationnel structurant le naturel ; ou plutôt jardin à l’anglaise, symbole de la puissance émotionnelle du naturel. Etc. Bref, il semble que le jardinage soit toujours un modèle ou un symbole de notre rapport au monde, de notre rapport à l’existence. Le jardinage est une leçon de vie.
La pensée biblique ne se sert pas moins de cette métaphore : depuis la Genèse qui place l’homme dans un jardin que Dieu lui demande de cultiver, image de la Loi, la Parole de Dieu, que l’homme doit cultiver pour en tirer les fruits et en vivre, jusqu’aux multiples paraboles du Christ qui empruntent à cet imaginaire horticole.
En ce temps pascal où de nombreux adultes ont reçu le baptême, permettez-moi de cueillir l’une de ces paraboles en l’Evangile de Marc (4, 26) : « Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. »
Non pas qu’il s’agisse de relativiser les efforts du jardinier. Bien au contraire. Il en va de la grâce, c’est-à-dire du don de Dieu qui veut nous faire aimer comme Il aime, du don tel qu’on le reçoit spécialement au baptême, comme d’une graine. Le principe de vie qui y est tout entier contenu ne dépend pas de nous. Il ne nous appartient pas. Il est là quoi qu’il en soit sans que nous ne puissions le produire nous-mêmes. Mais si on ne lui offre ni terre, ni eau, ni soleil, cette graine ne germe pas.
Le jardinage est une leçon de vie, une leçon de foi.
Pierre Bouquin (séminariste)