Jean-Baptiste, le prophète

L’art de communiquer avec les dieux pour connaître l’avenir, immédiat ou plus lointain, est sans doute aussi ancien que l’éveil de l’humanité aux réalités de l’esprit. Mais du devin au prophète, rien ne montre mieux l’évolution de la conscience spirituelle que le passage d’une divination utilitaire à la parole du prophète orientée vers une religion authentique. Jean-Baptiste, précurseur immédiat de Jésus et dernier des prophètes du Premier Testament nous permet de découvrir les particularités de cette figure biblique. 

 Dès l’antiquité le devin a joué un rôle considérable, parce qu’indispensable. Depuis le fond des âges, cultivateurs et marins recherchaient les conseils de ceux disposant de la meilleure sensibilité aux jeux complexes des forces climatiques, pour prédire l’orage, le gel ou la tempête. C’était souvent une question de survie. Après l’apparition des cités, on demanda aux devins, censés communiquer avec les dieux, quels étaient les meilleurs choix pour la guerre, pour les lois, pour la lutte contre un fléau, etc… Toutes les civilisations de l’antiquité ont fait du devin une institution, généralement dans l’orbite des grands temples où ils étaient parfois organisés en collèges. La Bible s’en fait l’écho, aussi bien pour Israël que pour les peuples voisins.

Mais chez les Israélites, cette institution a connu une évolution spécifique. Contrairement au devin qui cherche à connaître, par une sorte d’intrusion, l’intention du dieu, le prophète est au contraire saisi par lui. Il a une inspiration divine, tellement puissante qu’il n’a d’autre choix que de la proclamer. En quelque sorte il est l’instrument du dieu, en l’occurrence de Yahvé, Dieu d’Israël. Il est sa voix, sa  » parole  » comme il se plaît à le dire. Sans doute le prophète sait, comme le devin, faire des oracles immédiatement utiles à ses concitoyens, mais il est là pour révéler des vérités importantes, ontologiques. (1)

 Trois thèmes dominent la parole prophétique en Israël :

  – le monothéisme :  (Yahvé est le Dieu unique, à la fois transcendant et proche, commandant aux forces de la nature, maître absolu des hommes et de l’histoire. Il préside aux destinées d’Israël, mais aussi des autres peuples),

 – le mora­lisme : (le péché, individuel ou collectif, sépare l’homme de Dieu. Pour échapper au châtiment qui en découle, il faut  » chercher Dieu « , non dans le ritualisme du temple, mais par une religion intérieure),

– le messianisme : (le châtiment est une pédagogie divine, mais il y a une promesse de salut final, à la fois une ère de bonheur et de prospérité, mais surtout l’avènement du Royaume de Dieu qu’un Envoyé viendra instaurer).

La Bible mentionne un très grand nombre de prophètes, dont certains liés à des écrits, pour les plus anciens au huitième siècle avant Jésus-Christ. Quatre noms dominent : Isaïe, Jérémie, Ezéchiel et Daniel et douze autres sont qualifiés de petits prophètes. Jean-Baptiste n’est pas de ceux là. Aucun écrit direct ne lui est attribué et pourtant Jésus, qui était son contemporain et, d’après la Bible, son parent, l’a qualifié de  » prophète et même plus que prophète  » (Mt 11,9 ; Lc 7,26).

Ce qui est connu de sa vie illustre magnifiquement la figure prophétique. Il précède, annonce et baptise l’Envoyé de Dieu, dans la personne de Jésus et officialise la réalisation de la promesse messianique. Il invite ses contemporains, mais aussi, au-delà, tous les hommes, à un effort de conversion, reprenant les thèmes de ses prédécesseurs, en particulier Isaïe : « Rendez droits les chemins du Seigneur… ». Comme ses prédécesseurs, non seulement son enseignement, mais sa vie toute entière est prophétique : sa naissance comme enfant d’un couple jusque-là stérile, sa vie au désert, dans la frugalité et l’inconfort, son vêtement rugueux de poils de chameau, sa parole enflammée qui attire les foules, sa prédication de repentance, son baptême de conversion, la radicalité de son message qu’il adresse aussi aux puissants et en particulier à Hérode Antipas, qui l’emprisonnera et le mettra à mort.

Le prophétisme ne s’est pas éteint avec la noble figure de Jean-Baptiste. Il caractérise la dimension de l’expérience spirituelle tournée vers les autres. Le baptême fait de tout chrétien un prophète, au moins en puissance, car il l’invite à l’écoute de la parole divine, mais aussi à en porter témoignage. 

 

( 1) L‘ontologie étudie l’être, ses modalités et ses propriétés. C’est une branche de la métaphysique.

 

 

 

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