Jeanne d’Arc, toujours d’actualité
Quand tout va mal en France, il semble que le ciel s’en mêle et suscite un être au destin exceptionnel qui redonne espoir aux Français ; tels furent Bertrand Du Guesclin…Henri IV… Charles de Gaulle… et plus étonnant encore Jeanne d’Arc dont nous fêtons cette année le six centième anniversaire. Ils ont incarné « la France » aux heures les plus sombres de son histoire. Pour Jeanne ce sera de façon tout à fait exceptionnelle où le surnaturel tient une place qui rebute les rationalistes. De plus c’est une femme, plus exactement une jeune fille, « j’ai nom Jeanne la Pucelle », qui vient au secours d’un pays divisé. Il y a, d’un côté les Armagnacs, partisans du dauphin de France, futur Charles VII, et les Bourguignons, « les français reniés » autrement dit les collaborateurs qui reconnaissent comme monarque Henri VI, le tout jeune roi d’Angleterre, dont la régence est assurée par son oncle Jean de Lancastre, duc de Bedford.
Or, « il est grande pitié au royaume de France », pillages, incendies, viols sont monnaie courante en Lorraine où est née Jeanne, comme dans une grande partie de la France. Le roi Charles VII dépossédé de sa couronne par sa propre mère Isabeau de Bavière, au traité de Troyes (1420), s’est réfugié à Bourges. Il est démoralisé, sans ressort.
Le 6 janvier 1412 est née, à Domremy-Greux, aujourd’hui Domremy-la-Pucelle, aux confins de la Champagne et de la Lorraine, Jeannette, fille de Jacques Darc et d’Isabelle Romée « laboureurs » d’une relative aisance. Elle n’a appris ni à lire ni à écrire mais à coudre et à filer et surtout à prier. Vers l’âge de treize ans, elle dit entendre des « voix » celles de saint Michel et des saintes Catherine et Marguerite lui demandant, tout d’abord d’être bonne et pieuse, puis la pressant d’aller au secours du « gentil dauphin ». C’est ce qu’elle fera trois ans plus tard, à l’insu de ses parents dont elle redoute le refus.
Soutenue par son oncle Laxart, elle se rend à Vaucouleurs, à une vingtaine de kilomètres, village fidèle à Charles VII où se tient une petite garnison commandée par Robert de Beaudricourt. Il se fera longtemps prier avant d’accéder à la demande de Jeannette : troquer sa vieille robe rouge contre un équipement militaire sans oublier un cheval et une petite escorte. Et l’aventure commence, elle durera deux ans et quatre mois : du départ de Vaucouleurs en février 1429 au supplice de la place du Marché à Rouen le 30 mai 1431. Nous en connaissons les grandes étapes : Chinon où elle reconnaît le dauphin au milieu d’une grande assemblée, Orléans délivré le 8 mai après la prise successive des trois bastilles mais où elle est blessée, Reims au bout d’une longue route jalonnée de villes qui se rendent sans coup férir : Auxerre, Troyes où Charles VII avait été déchu par le honteux traité de sa propre mère, Chalons avant le sacre dans la cathédrale, le 17 juillet. Elle y est aux côtés du roi tenant son étendard : « il a été à la peine, c’est bien juste qu’il soit à l’honneur », l’armée remplit la nef ; sont là aussi ses frères Pierre et Jean qui l’avaient rejointe pour combattre à ses côtés et son père. Heure de gloire, la dernière ; elle sait qu’elle ne vivra plus longtemps et voit s’effondrer son espoir de soumettre Paris où une fois encore, elle est blessée.
C’est finalement en portant secours à « ses bons amis de Compiègne » qu’elle est faite prisonnière par les Bourguignons, vendue aux « Godons » (1) (Anglais) par l’intermédiaire de l’évêque de Beauvais, Pierre Cauchon. Puis c’est le honteux procès à Rouen au cours duquel elle a un moment de faiblesse désavouant ses précédentes déclarations mais bientôt ressaisie, elle retrouve son courage, sa hardiesse marqués bien souvent d’humour. Condamnée comme « relapse et hérétique », elle est brûlée vive le 30 mai 1431 sur la place du Vieux-Marché.
En 1435 au traité d’Arras, la Bourgogne abandonne finalement son alliance avec l’Angleterre et le 12 novembre 1437 Charles VII entre dans Paris. On peut dire que la mission de Jeanne est enfin achevée. Sa vie est d’abord connue dans la littérature avant que les historiens puissent faire leur travail, au XIXe siècle, grâce à la traduction des minutes de ses trois procès : celui de Poitiers en mars 1429 à la demande du roi qui voulait qu’elle fut sérieusement interrogée et même que sa virginité soit reconnue ; le second, à Rouen, qui dura trois mois, en 1431, enfin celui de sa réhabilitation en 1456. A ces précieux textes s’ajoutent cinq lettres qu’elle a dictées et signées de sa main, du moins les trois dernières.
Elle a été canonisée en 1920 et est honorée dans toute la France dont elle est la patronne. Comme le dit l’historienne Régine Pernoud « son nom fait l’unanimité. Elle est même l’unique nom sur lequel se réconcilient aujourd’hui en France, l’Eglise et l’Etat … »
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Godon : surnom donné aux Anglais ; c’était une déformation d’un de leurs jurons : « God dam », Dieu me damne.