Judith, Esther, Ruth : trois femmes majeures d’Israël
Judith
Son histoire va vous surprendre : c’est l’histoire d’une éclatante victoire remportée par Israël, grâce à une femme et malgré le découragement des hommes. Nabuchodonosor, roi des Assyriens, décide de détruire tout royaume refusant son autorité, dont Israël. Il charge son général en chef, Holopherne, d’incendier les villes, piller les récoltes, tailler en pièces toute résistance, passer au fil de l’épée tout homme en âge de combattre afin de forcer tous les peuples à adorer l’unique dieu : Nabuchodonosor, roi divinisé.
Malgré leur frayeur terrible, les Israélites organisèrent la résistance, suppliant Dieu de leur épargner ce massacre, d’empêcher le pillage du Temple. Holopherne, avec son armée réputée invincible, assiège les villes d’Israël, les affamant et les assoiffant, les privant de toute ressource. Bientôt, les chefs des Israélites, constatant l’épuisement du peuple, devenu incapable de se battre, invoquèrent le secours de Dieu. S’il n’arrivait pas dans les cinq jours, on déciderait de se rendre à Holopherne.
Judith, une jeune veuve riche, très belle, intelligente, apprend le découragement du peuple et la décision des Anciens de se rendre à Holopherne et surtout entend l’ultimatum donné à Dieu de venir à leur secours dans les jours qui suivent. L’issue de cette reddition ne faisait aucun doute ; aussi s’éleva-t-elle vigoureusement contre les Anciens d’Israël : « vraiment vous avez eu tort de parler comme vous l’avez fait […] et de vous engager contre Dieu, en faisant serment de livrer la ville […] si le Seigneur ne vous portait secours dans un délai fixé. Allons ! Qui donc êtes-vous pour tenter Dieu en ce jour et vous dresser au-dessus de Lui ? » (Judith 8, 12). Son interpellation est solidement construite : « Si vous êtes incapables de scruter les profondeurs du cœur des hommes, et de démêler les raisonnements de son esprit, comment pourrez-vous pénétrer le Dieu qui fait toute chose ? » Elle les conjure d’essayer de deviner ce qui anime l’ennemi, de discerner ses intentions, ce qui donnera les armes pour lui résister. La place manque pour exposer le stratagème complet de Judith. Sa prière méditative est magnifique : « Seigneur, Dieu de mon père, […] brise leur arrogance par une main de femme » (Judith 9, 10) mais notons qu’elle approcha avec malice Holopherne, le piégea en le faisant boire plus que raisonnablement au cours d’un banquet et profita que l’excès de vin l’avait rendu incapable de réagir, pour le décapiter. Retournant chez les siens, elle enflamma l’ardeur des combattants et les guerriers d’Holopherne, découvrant la décapitation de leur général en chef, furent effrayés et prirent la fuite ; Israël en élimina le plus grand nombre. C’est ainsi que Judith, par son courage, son intelligence et son charme, réussit à piéger ses ennemis : le penchant exagéré d’Holopherne pour le luxe, la fascination des Assyriens pour leur général qu’ils croyaient irrésistible ; c’était leur idole. La réussite de Judith, ce sont les Assyriens qui se sont détruits eux-mêmes et les Israélites n’ont eu qu’à exterminer les fuyards, se libérant pour longtemps de toute menace : Yahvé, par l’action décisive d’une femme, les a pris au piège de l’illusion de la puissance militaire fétichisée.
Esther
Nous sommes chez les Perses, après la déportation des Juifs à Babylone par Nabuchodonosor, vingt ans auparavant ; le roi Assuerus, ayant subi un affront de la part de la reine son épouse, la dépose et choisit, pour lui succéder, Esther, une jeune fille de la communauté juive de Babylone élevée par son oncle Mardochée, haut fonctionnaire du roi. Celui-ci, ainsi qu’Esther, cachait ses origines juives au roi et à la cour. Un jour, Mardochée se présentant à Aman, le chef des hauts fonctionnaires du royaume, fut obligé de l’honorer en se prosternant devant lui. Considérant que cela contrevenait à la loi juive, il s’y refusa, malgré les injonctions répétées. Aman en prit fureur et, plein de colère, décréta l’extermination de tous les Juifs du Royaume, avec destruction de leurs biens.
Tout le peuple juif se lamenta dans une grande prière à Yahvé ; il prit le deuil et Mardochée et Esther, informés, montèrent un astucieux stratagème qui trompa à la fois Aman et le roi : Aman termina pendu à la potence qu’il avait préparée pour Mardochée et le roi prit un décret qui réhabilita les Juifs et institua Mardochée gérant à la place d’Aman.
Cette histoire, racontée de manière extraordinaire en une dizaine de pages, n’est pas authentifiée par les historiens ; elle montre avec quelle habileté les hommes peuvent retourner la pire des situations, dès qu’ils s’en remettent à Yahvé : aussi les Juifs instituèrent la fête de Pourim en l’honneur d’Esther.
Ruth
C’est la famine en Israël ; deux fils, leur mère Noémi et leur père Élimélek choisissent l’exil. Élimélek meurt peu après leur installation. Les deux fils se marient : l’une des belles-filles de Noémi est Ruth, du pays de Moab. La mort frappe les deux fils, portant au désespoir Noémi : « le Seigneur m’a comblée d’amertume ; comblée j’étais partie, vide Yahvé me ramène » (Rt 1, 21). « Yahvé a témoigné contre moi ».
Noémi veut revenir à Bethléem ; elle rend leur liberté à ses deux belles-filles, puisque ses deux fils étant morts, elle n’avait pas d’autres fils à leur donner comme mari. Mais Ruth reste fidèle à Noémi sa belle-mère et plutôt que revenir à sa famille, reste avec celle qui est la mère de son mari défunt et l’accompagne dans ce retour d’exil.
Ruth, partie travailler aux champs, rencontre Booz, un parent de son beau-père, le mari décédé de Noémi. Celle-ci dicte la conduite à tenir par Ruth pour attirer l’attention de Booz : en effet, épouser Booz permettra de donner une descendance à la famille de Noémi (rappelons que ses deux enfants, dont le mari de Ruth, sont décédés).
Ainsi l’histoire de Ruth est un exemple de la confiance en Yahvé miséricordieux, qui s’exerce même au profit d’une étrangère, dès lors qu’elle respecte la loi d’Israël.
Ruth sera la grand’mère du roi David, lui-même ancêtre de Joseph, père terrestre de notre Sauveur.
Antoine Clave