Juste ce qu’il nous faut
Ce n’est pas par nostalgie ou désir de retour en arrière, mais pour ouvrir des perspectives enthousiasmantes sur ce qui habite le cœur des chrétiens, que je souhaite apporter une petite précision sur l’un des mots du « Notre Père ». C’est Jésus qui nous apprend cette prière. Lui, qui est dans l’intimité du Père et qui lui est « consubstantiel » sans lui être inférieur, il s’adresse à Lui en toute humilité et confiance. De même, le Père est tout humble devant le Fils et devant ce qu’il a consenti : l’humiliation par la Croix.
Cette humilité du Fils, Jésus nous l’apprend en nous faisant demander au Père « donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour », phrase que nous connaissons bien et qui dit ceci : nous dépendons de Toi, nous recevons tout de Toi.
Pourtant, dans la traduction française, il manque ce je-ne-sais-quoi qui, pourtant, est présent en latin dans la phrase : « panem nostrum quotidianum da nobis hodie ». Le mot « quotidianum » a donné directement « quotidien ». Facile. Sauf que, à l’origine, « quotidianum » comporte deux mots : « quoti » et « dies ». Dies, le jour : facile aussi, comme « hoc-die », « hodie », aujourd’hui. Mais « quoti » veut-il seulement dire « chaque » ? On retrouve « quoti » dans « quotité », « quota », « quotation » (anglais), « cote, cotation » (français) et c’est un mot qui signifie « mesure juste ».
Ainsi, on pourrait traduire « donne-nous aujourd’hui la juste quantité de ce qu’il nous faut pour aujourd’hui », et on se rappelle alors que les Hébreux ne pouvaient pas faire des réserves de manne dans le désert, parce qu’elle devenait immangeable. Trop ne servait à rien ; pire : trop rendait malade.
D’une certaine manière, on est en plein dans le développement durable, l’anti-gaspi, qui suppose une certaine frugalité dont saint Augustin, dans son traité sur « la vie heureuse », nous rappelle que, à l’origine de « frugalité », il y a « frugus », le fruit, le bonheur.