La formule de Dieu
La science, au cours du dernier siècle, a fait des progrès impressionnants dans la compréhension de la réalité matérielle et sa modélisation mathématique. Ces percées scientifiques modifient la compréhension du réel et la vision de la place de l’homme dans l’univers. Révolution dans les idées et problème culturel majeur posé à notre époque ! Car il faut savoir dépasser le sens commun pour accéder à ces idées plus justes ; comme au XVème siècle, lorsque le chanoine Nicolas Copernic établit que la terre tourne autour du soleil et non l’inverse.
« La formule de Dieu » est le titre d’un roman à succès où l’auteur, José Rodrigues dos Santos(1), cherche à mettre à la portée du plus grand nombre quelques-unes des percées scientifiques récentes, à la fois si remarquables et si troublantes, car éloignées des idées communes. Un vrai roman, mais sans concession sur la rigueur scientifique ! Un roman vif où l’action tient le lecteur en haleine, tout en laissant place aux réflexions que les principaux personnages, universitaires de haut vol (on n’en attendait pas moins), échangent entre eux.
Mais on comprend, entre les lignes, que l’auteur nous confie les résultats de sa propre réflexion sur la vie, l’univers, Dieu, les religions, la destinée. Einstein aurait-il découvert, dans ses équations, une preuve irréfutable de l’existence de Dieu ? Peut-être. Sur ce point et bien d’autres, la lecture du roman en vaut la peine. Pour sûr, il y a de remarquables convergences entre les écritures sacrées des grandes traditions spirituelles et les théories scientifiques récentes, dans le domaine de la physique et de l’astrophysique. Ainsi, l’auteur donne une interprétation des six jours de la création de la Bible, au moyen de la théorie de la Relativité(2). Surprenant, mais crédible !
La science pourrait-elle confirmer la foi ? La science de Newton et de Laplace(3), c’est-à-dire celle qui marque encore nos mentalités, peut ignorer Dieu, parce qu’elle ne s’intéresse qu’aux phénomènes les plus simples. La science actuelle a largement dépassé ce stade et l’auteur de « La formule de Dieu » s’en fait l’écho. Mais, malgré la grande pertinence de l’analyse, il n’échappe pas à un certain conformisme intellectuel et à une conclusion (non scientifique) teintée de matérialisme. Le lecteur chrétien adhère au principe anthropique(4), clairement présenté dans ce livre et formulé ainsi par la science : l’univers a été créé pour que l’homme puisse y vivre. Mais le chrétien ne peut accepter la conclusion de l’auteur, présentant un principe anthropique final, en vertu duquel l’homme serait, à très long terme, remplacé par des super ordinateurs, capables de survivre à la destruction de la terre, du système solaire, de la galaxie et même de l’univers…
Il manque à ce livre, et c’est bien regrettable, la dimension de l’esprit. L’homme n’est pas fait que de chair ; la conscience n’est pas un pur produit des neurones. Situer la destinée de l’espèce humaine uniquement dans le cadre de l’évolution de la réalité matérielle est un non-sens logique et une entreprise sans aboutissement. La science ne dispose que de très peu d’outils pour aborder l’infini et c’est ce qui l’empêche de maîtriser les nombreux domaines de la vie pratique (comme les prévisions météo) qui relèvent de phénomènes chaotiques. Comment pourrait-elle ignorer l’esprit qui se révèle dans l’homme et dont la caractéristique la plus évidente est d’évoluer dans l’infini et l’intemporel ? Quelle machine pourra, jamais, le supplanter sur ce point ?
Le christianisme fait, d’ailleurs, de l’évolution vers la parfaite expression de la vie de l’esprit, la véritable destinée de l’homme. Avec ses ajustements parfois douloureux ! Mais surtout, ses enthousiasmantes perspectives et, tout particulièrement, pour répondre à l’auteur, celle de transcender un possible « Big Crunch(5) » ou « Big Freeze » de l’univers.
1- José Rodrigues dos Santos est un journaliste, romancier à succès et présentateur TV portugais.
2- La Relativité, théorie d’Einstein, parue en deux étapes, explique que la vitesse de la lumière est invariable et absolue, mais que le temps et l’espace sont variables, relatifs à la vitesse et la gravité.
3- Isaac Newton (1643-1727), savant anglais, et Pierre-Simon de Laplace (1749-1827), savant français, ont particulièrement contribué aux conceptions déterministes de la science.
4- Principe anthropique : après avoir affirmé que l’apparition de l’homme n’était qu’un « accident » du Cosmos, la science admet aujourd’hui que la vie et l’homme n’ont pu apparaître que grâce au réglage, incroyablement précis, des constantes physiques de l’univers. On peut y voir une intentionnalité.
5- Deux hypothèses pour la fin de l’univers : « Big Crunch » si l’expansion actuelle s’arrête et que l’univers se contracte, ou « Big Freeze », la plus probable, si l’expansion continue. Energie consommée, l’univers devient froid. Mais dans un temps extrêmement lointain …