La Grande-Bretagne n’est plus une île depuis vingt-cinq ans
Le 1er décembre 1990, un ouvrier français tenue kaki et casque blanc et un britannique combinaison orange et casque jaune, échangent un « bonjour » et un « welcome » sous les vivats
Déjà au XVIIIème siècle …
En 1750, selon une légende, le géographe Nicolas Desmaret émet l’idée de relier l’Angleterre et le continent européen par un pont, un tunnel ou une digue, les deux pays étant selon lui séparés par une langue de terre. Or, cette théorie présentée à Louis XV tomba dans l’oubli. En 1801, Napoléon dont le souhait le plus cher était d’envahir l’Angleterre, fut très intéressé par le projet d’Albert Mathieu-Favier consistant en un tunnel composé de deux galeries superposées. Mais les guerres napoléoniennes provoquèrent l’abandon du projet. En 1833, l’ingénieur français Aimé Thomé de Gamond étudie les possibilités de lien fixe et finit par opter pour un tunnel ferroviaire foré. Récupérant de nombreux éléments, il alla jusqu’à faire des plongées en apnée pour étudier le fond marin. Après plusieurs présentations, Napoléon III et la reine Victoria acceptèrent la proposition. Toutefois la guerre franco-prussienne de 1870 fit suspendre le projet.
Jusqu’à la fin du XIXème siècle, d’autres concepts virent le jour comme la construction d’une digue par enrochement entre les rivages et les bancs marins, tout en laissant subsister un chenal d’un kilomètre de large réservé à la navigation.
Relance du projet
Les années qui suivirent ont été marquées par l’influence des militaires opposés à cette réalisation, la mer ayant toujours été un rempart pour l’Angleterre ainsi qu’une alliée contre les invasions. Les deux guerres mondiales renforcèrent cette raison. Cependant la Manche était désormais facilement franchissable avec le développement de l’aviation. Mais un autre élément permit la relance du projet : la création de la CEE en 1957.
L’idée du tunnel fut relancée en 1984. Deux ans plus tard, avec le traité de Canterbury, l’aboutissement d’un rêve vieux de deux siècles put enfin se concrétiser et le percement du tunnel ferroviaire sous-marin commença le 15 décembre 1987.
Présentation
La traversée s’effectue en trente-cinq minutes. Composé de deux tubes latéraux (7,6 m de diamètre) parcourus par des trains et d’un tube central de service plus petit (4,80 m), sa longueur est de cinquante kilomètres dont trente-huit percés sous la mer ; c’est actuellement le tunnel ayant la section sous-marine la plus longue du monde. Tous les trois cent soixante-quinze mètres, ses trois galeries sont reliées entre elles par des rameaux de communication permettant de joindre les tunnels ferroviaires au passage destiné à l’entretien et au secours ainsi qu’à la ventilation. Les galeries ont été conçues de telle manière qu’en cas de déraillement, les navettes ne peuvent se renverser et restent en ligne droite. Eclairé par vingt mille luminaires et bordé par un trottoir continu pour assurer l’évacuation éventuelle des voyageurs, le tunnel est surveillé par des sapeurs-pompiers français et britanniques équipés de véhicules spéciaux circulant dans une galerie technique longeant les souterrains.
Vingt-cinq ans plus tard…
C’est le 6 mai 1994, à cent mètres sous le niveau de la mer, que la reine Elisabeth II et le président François Mitterrand inaugurent le tunnel.
Le chantier du siècle a coûté 100 milliards de francs (15,2 milliards d’euros) soit le double des prévisions. Plus de dix mille personnes (ouvriers, ingénieurs, géologues, informaticiens) ont œuvré à la réalisation du projet. Après les difficultés rencontrées au début de la mise en service le 1er juin 1994, le tunnel a retrouvé la santé. Par rapport à 2017, l’année 2018 a enregistré un record de trafic avec 1,69 million de camions (+ 3,8%), 2,7 millions de véhicules de tourisme (+ 2%) et 2 077 trains (+ 3%) pour le fret ferroviaire. Sur les trois cents millions de voyageurs enregistrés depuis vingt-cinq ans, près de onze millions ont traversé la Manche l’an dernier, rejoignant ainsi Londres à trois heures de Paris.