La pomme
« La pomme est reine … » chantait Pierre Dorian, que ceux qui ne possèdent pas de 78 tours ne peuvent pas connaître. En effet, le nom de ce fruit revient dans nos expressions, dans la musique, la peinture, la littérature, la physique, la médecine et aussi l’informatique …
La peinture, sous forme de nature morte, nous montre de belles pommes aux couleurs vives, voyez Chardin et ses « 3 pommes d’api, 2 châtaignes … » mais parlons plutôt pommes d’or. Nous les trouvons par l’intermédiaire de Raphaël, Rubens, ou encore Cézanne …, dans de belles scènes influencées par la mythologie. Regardez cette belle pomme d’or sur laquelle est gravée : « Pour la plus belle » dans « Le jugement de Pâris », jetée par la main vengeresse d’Eris (déesse de la discorde) devant Aphrodite, Athéna et Héra ! …
« La course d’Hippomène et d’Atalante » (musée du Louvre) un autre tableau avec des pommes d’or ! Celles jetées par Hippomène et ramassées par Atalante que son père souhaitait marier, mais qui s’y refusait. Elle n’épouserait que celui qui pourrait la battre à la course ; ceux qui échoueraient seraient mis à mort (les prétendants partaient avant elle et si elle les rattrapait elle les tuait avec son javelot). Pendant la course, Hippomène laissa tomber trois pommes d’or. Curieuse, la jeune fille s’arrêta pour les ramasser, ce qui ralentira sa course et la verra épouser le vainqueur.
N’oublions pas le onzième des travaux d’Hercule « cueillir les pommes d’or du jardin des Hespérides ».
Et quel joli nom pour une nymphe, « Pomone », représentée tenant des pommes dans la main et courtisée par tous les dieux (Vertumne et Pomone). Que sont ces deux pommes : pommes d’or, pommes brillantes et colorées, symbole ambivalent, attirant le regard, l’amour.
J’ai fait, plus haut, allusion au jugement de Pâris, jugement qui nous amènera jusqu’à la guerre de Troie et qui, dans nos expressions, nous laissera la pomme de discorde ; en effet, elle fut jetée par la déesse de la discorde, Eris. D’autres expressions émaillent souvent nos propos, nous parlons de sucer la pomme pour s’embrasser, de mangeurs de pommes pour désigner les Normands, de la pomme d’Adam (pourquoi pas la pomme d’Eve ?), du pommeau de la selle ou d’une arme blanche, de nos pommettes joues rebondies et colorées. Quant à la pommade, elle peut faire référence aux bienfaits médicaux de la pomme. Nos amis canadiens parlent eux de chanter la pomme ce qui serait faire la cour à une dulcinée, de manière romantique et attentionnée. Attention : croquer la pomme est synonyme de se laisser tenter et profiter de quelque-chose de défendu. Et l’on dit quelquefois que certaines personnes sont de vraies pommes même si elles ne sont pas plus hautes que trois pommes !
Voltaire dans « Ce qui plait aux dames » décrit ainsi la fringante Marthon :
Sa taille est leste, et son petit jupon / Laisse entrevoir sa jambe blanche et fine.
Robert avance, et lui trouve une mine / Qui tenterait les saints du paradis.
Un beau bouquet de roses et de lis / Est au milieu de deux pommes d’albâtre, …
Pour dire tout, cette jeune merveille / À son giron portait une corbeille, …
Que sont ces deux pommes-là ? Je vous le laisse deviner et je garde la réponse pour ma pomme.
« Ma pomme, c’est moi…
J’suis plus heureux qu’un roi
Je n’me fais jamais d’mousse.
Sans s’cousse, Je m’pousse.
Les hommes, je l’crois,
S’font du souci, pourquoi ?
Car pour être heureux comme, ma pomme, ma pomme,
Il suffit d’être en somme
Aussi peinard que moi. »
Et voilà encore la pomme dans la chanson, cette fois avec Maurice Chevalier en 1936, mais tout enfant aura aussi chanté :
« Pomme de reinette et pomme d’api / Tapis tapis rouge
Pomme de reinette et pomme d’api / Tapis tapis gris ».
Revenons encore une fois à Pâris, avec Offenbach et La belle Hélène où cette dernière chante : « O ! ciel ! l’homme à la pomme », superbe parodie du grand opéra romantique.
« Ô ciel ! L’homme à la pomme », La belle Hélène de Jacques OFFENBACH
Si l’on associe pomme et musique classique, vous allez peut-être penser à : si, si, si, mi, que nous avons tendance à chanter pom, pom, pom, pom ! Bien sûr, la cinquième de Beethoven dont nous avons fêté les deux cent cinquante ans de la naissance, il y a deux ans.
Il y a quelques années, nous entendions Dick Rivers et Les Chats Sauvages chanter : « Croque, croque, croque la pomme ! »
Pour finir, n’oublions pas les légendes :
- Merlin enseignant sous un pommier (arbre de la connaissance),
- Guillaume Tell et son adresse au tir,
- et celle qui voudrait que Newton fît la découverte de la gravitation lorsque la pomme lui est tombée sur la tête (Il est vrai que la découverte de Newton est intimement liée à ce pommier qui laissa son fruit tomber sur le sol mais non pas sur sa tête). Il n’empêche que le premier logo d’Apple fît référence à cette légende avant de se servir de la pomme croquée !
Enfin si vous êtes un peu américanophile, vous savez que les Américains aiment bien donner un surnom à leur ville. C’est pour Las Vegas « Sin City » (la ville des péchés), pour Chicago « Windy City » (la ville des vents), pour San Francisco « Frisco », pour Detroit « The Motor City », la ville du constructeur automobile General Motors. New York a, quant à elle, hérité du surnom de « Fun City » (la ville où l’on s’amuse bien), avant qu’une campagne de publicité, afin de donner une nouvelle image à la ville, ne lui attribue celui de « Big Apple » (la grosse pomme). Mais alors, pourquoi la pomme ? Voici plusieurs pistes :
- un journaliste, John J. Fitz Gerald, affirme avoir entendu ce surnom dans des écuries à la Nouvelle-Orléans : un employé parla de « Big Apple » pour désigner New York qui possédait alors les plus grands champs de course des États-Unis et les prix, les plus importants, les Apples ;
- les musiciens de jazz commencèrent à appeler New York, en particulier Harlem, la « Grande Pomme », désignant la ville comme la capitale mondiale du jazz ; dans leur argot, les engagements occasionnels de ces joueurs de jazz étaient parfois appelés des « pommes » ;
- il y aurait aussi la possibilité d’une mauvaise traduction de l’espagnol Gran Manzana ;
en effet, Manzana a deux sens : soit pomme, soit pâté de maisons, … et il y a beaucoup d’immeubles à New York !
Une petite recette :
Pour deux pommes, 70g de sucre, 10 cl d’eau. Peler les pommes, faire un caramel roux. Enfoncer un grand pic en bois dans le centre de chaque pomme. Quand le caramel est roux, en faisant très vite, rouler chaque pomme dans celui-ci. Vous pouvez mettre un colorant alimentaire rouge.
Ensuite, n’hésitez pas à croquer dans la pomme d’amour !