Histoire vraie (témoignage)
J’ai connu, voici une trentaine d’années, un agriculteur de Bouafle, lequel, rappelé sous les drapeaux en 1939 et fait prisonnier en 1940, se retrouva mis au service d’un couple de fermiers au sud de l’Allemagne au Wurtemberg. Ces personnes, bien qu’ayant connu la première guerre mondiale et les affres de la défaite, n’avaient pas gardé de haine envers la France et l’accueillirent comme un employé : il déjeunait à leur table.
Au mur de la salle à manger trônait, majestueux, un portrait d’Adolf Hitler jusqu’à ce beau jour de 1944 où, alors que l’aviation alliée avait la maîtrise du ciel, que le débarquement allié de Normandie coordonné à la libération du sol russe sonnait le glas de la folie nazie, le portrait subitement a disparu.
1945 : capitulation de l’Allemagne, libération et retour au pays de tous les prisonniers.
Notre prisonnier, s’il avait été pendant cinq ans privé de sa famille, n’avait rien à reprocher personnellement à ces fermiers allemands ; aussi, rentré dans son village et dans sa ferme dont il avait repris la direction, continua-t-il de correspondre avec ses « collègues » d’outre Rhin, auxquels il décida même à deux reprises de rendre visite.
Imaginez, comme il nous en fit part lors d’un banquet d’Anciens Combattants, la joie et la fierté de ces gens : « l’ancien prisonnier vient en ami nous rendre visite ! ». Alors que l’Allemagne, du fait de la folie hitlérienne, était méprisée et maudite, l’ancien prisonnier qui revient en ami, c’était pour eux bien plus qu’une Légion d’Honneur !