Ballade du dragon vauxois
Ballade du dragon vauxois
Sur le dragon que saint Nicaise, Quirin et Scubicule soumirent de l’étole du premier, lui qui infectait les eaux d’une fontaine.
I : Saint Quirin
Effroi ! Vaux se pâme :
Ces trames de lin ;
Quel dragon infâme,
Traînent ! Saint Quirin :
« Que Dieu vous réjouisse !
Ès flots des fontaines,
Ses torrents fangeux,
Roulèrent ; tant pleine,
Sa gueule est de feux !
Cent fois m’en assène,
Mille ! Mais lui Dieu,
Les flots des fontaines,
Seuls donna. Hideux,
D’ire, infecte haleine,
Roulait. Mais ce nœud,
Cette étole belle,
Le retient. Soyeux,
Et le rassérène.
Que Dieu vous réjouisse ! »
II : Saint Nicaise
La foule s’arrête.
Ces trames de lin,
Au grand Saint Nicaise,
Rendues sont ; le saint :
« Que Dieu vous réjouisse !
Ô Dieu qui, en croix,
Lïé dominâtes,
La grand’ houle noire,
D’onde ; matinal,
Torrent, riches voies.
Pierre m’y dit : « va »
Saint Pierre reçoive,
L’étole, liens suaves,
Ô Dieu, noble Roi ! »
Soudain, un miracle :
La dépouille, os roides,
Muent en temple. Là,
Sortent pleins de joie,
Qu’y furent cadavres,
Qu’à Dieu soient cent gloires !
« Saint Pierre ès-liens » a
Nom, pour cette histoire.
III : Scubicule
« Que Dieu vous réjouisse ! »
La barque en la Seine,
Vaux la suit, ému,
Libre désormais ;
Et lors Scubicule :
« Que Dieu vous réjouisse !
La fontaine est basse
Rempli, son bassin.
Que sommes-nous, las !
Mais si sommes pleins,
Du flot de la grâce,
Suprême bïen,
Nos cours lors, s’enlacent,
Aux fleuves divins :
Torrent matinal,
Fort, riche et serein ;
La mer aux flots vastes,
Fraîche, fait leur bien,
Sur ses mille vagues,
Et ses chants marins. »
Il leur sourit, le diacre,
Fraîche, de sa main,
Jeta mille larmes,
Aux nouveaux chrétiens,
Et rïant, plongea.
« Que Dieu vous réjouisse ! »
Envoi :
Ô Dieu, pure source,
Sourdez parmi nous,
Fécond, fort et doux ;
Nous, qui d’eux naquîmes,
Conservant la vie,
Qu’en Vous est transmise ;
Béni soyez-vous !
Thibault Legois