Le millénaire du Mont Saint-Michel
Avec son profil majestueux où trône son abbaye, ses étroites ruelles bordées de maisons creusées dans la roche et ses innombrables marches, le Mont Saint-Michel est l’un des sites touristiques les plus fréquentés de notre pays avec plus de deux millions de visiteurs chaque année. Autre originalité : la statue de « l’archange saint Michel terrassant le dragon ». Ce chef-d’œuvre du sculpteur Emmanuel Frémiet (1824-1910), de 4,50 mètres et 520 kilos, fut posé en 1897 au sommet de la flèche de l’abbaye, à 157 mètres de hauteur.
Ses origines
Le rocher granitique du Mont Saint-Michel s’appelait à l’origine le Mont Tombe. En l’an 708, l’archange Michel apparaît en songe à saint Aubert, évêque d’Avranches, et lui demande de construire un sanctuaire en son nom. En 966, une communauté de Bénédictins s’y établit et fait construire une première église. En contrebas, un bourg commence à se développer et accueille les premiers pèlerins. Ceux-ci étant de plus en plus nombreux, l’église d’origine devient trop petite pour les accueillir. C’est alors que les bâtisseurs du XIème siècle accomplissent une véritable prouesse architecturale en édifiant quatre cryptes tout autour de la pointe du rocher avant d’ériger une grande église abbatiale. Après la conquête de la Normandie par Philippe Auguste, le roi fait construire deux bâtiments de trois étages, couronnés par le cloître et le réfectoire des moines.
La « Bastille des mers »
La guerre de Cent ans (1337-1453) rend nécessaire la protection du Mont par un ensemble de construction militaire qui lui permet de résister à un siège de presque trente ans. Suite à la Révolution, les moines doivent abandonner l’abbaye qui devient une prison d’Etat. Jusqu’en 1863, quatorze mille personnes ont été emprisonnées dans la « Bastille des mers » où marées et sables mouvants rendent impossible toute évasion.
L’ouverture au tourisme
La prison ferme en 1863. L’année suivante, le Service des Monuments Historiques restaure l’édifice et l’ouvre au public. Pour acheminer les touristes de plus en plus nombreux, une digue-route est ouverte en 1879.
Occupé par les allemands jusqu’en 1944, le site est miraculeusement épargné pendant la Seconde Guerre mondiale. Avec le millénaire de la fondation de l’abbaye, 1966 voit le retour d’une communauté religieuse. Depuis 2001, les frères et sœurs des « Fraternités monastiques de Jérusalem » ont remplacé les moines bénédictins, assurant une présence spirituelle permanente tout en accueillant pèlerins et visiteurs du monde entier. Le site est reconnu étape des Chemins de Saint Jacques de Compostelle en France, les pèlerins du nord de l’Europe passant par le Mont en se rendant en Galice.
Entre 2006 et 2015, la nature reprend ses droits. Un chantier hors-norme a permis de réinventer l’accès au site dans le but de faire face à l’ensablement progressif de la baie et préserver son caractère maritime. Les parkings ont été réaménagés sur le continent, l’ancienne digue-route a été détruite au profit d’une passerelle sur pilotis laissant passer l’eau. Un barrage a également été construit sur le Couesnon pour repousser les sédiments.
Le Mont aujourd’hui
L’inconfort des maisons du Rocher, exiguës, humides car construites à même la roche qui suinte en permanence et non accessibles en voiture, incite les habitants à s’installer dans les maisons plus agréables de la baie. En 2020, on dénombrait vingt-sept habitants intra-muros dont l’administrateur du monument, un agent de sécurité et deux pompiers.
Côté gastronomie locale, le site est réputé pour l’élevage d’ovins qualifiés de moutons de pré-salé et l’incontournable omelette de la Mère Poulard.
Comme d’autres lieux pouvant nécessiter une régulation des flux touristiques, le Mont est victime de son succès et de sur-tourisme comme pendant l’été 2019 où chaque jour les policiers ont dû désengorger environ vingt-cinq mille promeneurs des ruelles étroites.
Normand ou breton ?
Delphine Davy, enseignante missionnée à l’abbaye du Mont-Saint-Michel, répond : « Depuis toujours, il y a eu une frontière à cet endroit, une séparation entre deux territoires qui sont culturellement frères mais qui ont souvent été éloignés par les pouvoirs politiques en place. Avant d’intégrer définitivement le Royaume de France en 1204, le Mont était situé successivement sur le territoire franc en l’an 708 puis dans le duché de Bretagne en 867 avant de retrouver la Normandie en 931. En résumé, le Mont a été breton pendant seulement soixante-quatre ans de son histoire ».
Un dicton breton dit aussi : « Le Couesnon, petit fleuve côtier entre l’Ile-et-Vilaine, la Manche et la Mayenne qui se jette dans la baie du Mont, a dans sa folie, mis le Mont en Normandie ».
Même si le sujet reste tabou pour certains, d’autres affirment que le Mont Saint-Michel étant inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO appartient à tous les humains de notre planète.