Le Noël de Pierre
L’hiver est précoce, cette année. Décembre accroche ses petits cristaux immaculés. A l’orée du bois, une maisonnette, faite de troncs de sapins assemblés, est en partie cachée derrière un mur de neige. Quelques pas tracent un chemin jusqu’à sa porte. Ce soir, c’est la veille de Noël. Pierre a dix ans. Il habite là avec sa petite sœur Lucie et ses parents. Le petit garçon est bien triste depuis que son chien Bob a disparu. Toute la famille s’est mise à le chercher, à l’appeler dans les bois environnants, en vain. Qu’est-il devenu ? Il doit être mort, voilà huit jours qu’il n’est pas revenu. « Il y a un loup qui rôde dans les environs » a dit le père au dîner. « Le froid et la neige le rendent hardi. On l’a aperçu près de la cabane du vieux trappeur ».
Pierre est de plus en plus inquiet pour Bob. Peut-être a-t-il été dévoré par le loup ? Ce soir, la veillée traditionnelle sera triste. Même les gâteaux que sa mère a préparés ne taquinent pas son odorat, ni le fumet s’échappant des marmites. Dans l’âtre, des langues de feu dansent gaiement, lèchent les bûches odorantes et colorent de reflets chatoyants les guirlandes du sapin. Pierre ne les voit pas. Tout est triste en lui et autour de lui. Il pense à Bob. Le repas est prêt et on se met à table. Le vent hurle au dehors. Bob doit avoir bien froid. Mais où peut-il bien être ?
Les pensées de Pierre sont loin de la douceur présente de cette soirée de réveillon. Soudain, un bruit se mêle au bruit du vent. C’est le loup qui rôde, pense-t-on. L’anxiété de Pierre grandit. Mais qui donc cogne à la porte ? Le père va ouvrir, armé de son fusil. « Mais, c’est ce bon vieux Thomas le trappeur ! Vous êtes le bienvenu mon ami, une place vous attend à table ». Une luge qu’il traîne entre avec lui et… oh, stupeur ! Bob est là, emmitouflé dans une couverture.
« Oui », dit le vieux trappeur, « je l’ai trouvé, gisant dans le fond du ravin de Sainte Agnès. Je passais alors qu’une tempête de neige commençait. Il a dû glisser et s’est brisé les pattes arrières. Je l’ai soigné et gardé au chaud toute la semaine. Il va beaucoup mieux maintenant. Dans quelque temps, il n’y paraîtra plus ». Bob se dégage de la couverture, agite ses pattes avant et lèche, sans fin en jappant de joie, les mains et le visage de son jeune maître, accouru vers lui. Pierre rit et pleure, serre contre son cœur la grosse tête de Bob. « Ah ! mon Bob, mon Bob, tu es là ! » articule Pierre avec tour à tour sur son visage une expression d’étonnement, de peine et de joie immense. Son visage maintenant rayonne de bonheur. Il ne pouvait espérer un plus beau cadeau de Noël. Toute la maisonnée se réjouit avec lui. Jamais Pierre n’oubliera cette veillée. Ce fut le plus fabuleux Noël de sa vie !
D’après le « Conte de Jeanne » – la rédaction de lintern@ute