Le viaduc de Millau a fêté ses dix ans
Le projet à l’époque avait pourtant été critiqué : « une idée pharaonique…cet édifice va défigurer la vallée…il va nécessiter un coût prohibitif…en plus contribuer à la désertification du territoire…ça va faire perdre à Millau son activité touristique… », mais le résultat dépasse maintenant tout ce que les plus optimistes pouvaient imaginer à l’époque. Ce long trait d’acier et de béton qui barre les cieux, franchissant le Tarn pour joindre le Causse Rouge aux monts du Larzac, est l’ouvrag
e de tous les records : le plus long tablier d’abord, 2 460 m sur 32 m de large, sa hauteur ensuite, suspendu grâce à onze piles auxquelles sont accrochés 154 haubans, il culmine à 270 m et surtout la flèche la plus haute du monde, 343 m au-dessus du Tarn, enfin la rapidité de sa construction : trente-huit mois, il a même été terminé un mois avant la date prévue !
Conçu par l’ingénieur français Michel Virlogeux et dessiné par l’architecte Lord Norman Foster, il a été réalisé par le groupe Eiffage, troisième groupe français, et, c’est encore une originalité, a inauguré un montage financier et juridique original : le financement, la construction, l’exploitation et l’entretien ont été confiés à ce groupe privé de travaux publics pour soixante dix-huit ans. L’entreprise est donc rémunérée par un péage et l’état récupérera la jouissance de ce viaduc en 2079 ; toutefois, l’entretien restera à la charge d’Eiffage quarante-deux ans de plus !
Après les premières études menées quatorze ans plus tôt, la première pierre a été posée par J.C. Gayssot, ministre des transports le 14 décembre 2001, le terrassement et les fondations ont été réalisés en 2002, puis en 2003, c’est la première travée métallique qui a été lancée ; en décembre de la même année, les sept piles de béton étaient construites et le 28 mai 2004, les deux parties du tablier étaient jointes ; c’était sans doute une des phases de construction les plus impressionnantes, il ne fallait pas se tromper. Enfin, le 14 décembre, le viaduc pouvait être inauguré par Jacques Chirac, alors président de la République ; il était mis à la disposition des véhicules deux jours plus tard, le 16 décembre !
Son succès fut immédiat, et le trafic, en moyenne douze mille véhicules par jour, a rapidement dépassé toutes les prévisions ; il faut dire qu’il était le chaînon manquant sur l’autoroute A75 qui mène à Montpellier et qu’en évitant la traversée de la ville de Millau, mauvais souvenir pour les touristes, il fait gagner un temps considérable, surtout au moment des vacances…
En dix années, le viaduc, surnommé par certains, « le Pont du Gard du XXème siècle », a vu passer près de quarante-six millions de véhicules et en plus, son attrait touristique ne faiblit pas. Un belvédère qui permet d’avoir une vue panoramique sur le viaduc a été réalisé ; les gourmets peuvent y déguster les spécialités de l’Aveyron, grande terre de la gastronomie. Chaque année, ce sont près d’un million de curieux qui viennent visiter ce haut lieu de la technologie, devenu maintenant le deuxième site le plus visité de la région Midi-Pyrénées, après celui de Lourdes.
Il y a quelques années, ce sont les touristes néerlandais et allemands qui venaient dans la région attirés surtout par les gorges du Tarn, maintenant les Chinois, Japonais et Américains se sont joints à eux et toute la région, qui ne manque pas de sites exceptionnels, Roquefort, Albi, musée Soulages à Rodez, Conques, profite de ces visites, une sorte de revanche sur les pessimistes de la première heure…
Jannick Denouël