L’éclat brillant de Venise
Une fois de plus le musée Jacquemart André aura offert une rencontre féconde entre deux peintres. L’exposition « Les deux maîtres de Venise » a permis de plonger dans la ville aux canaux accompagné par l’œil attentif et le coup de pinceau efficace de Canaletto (+1768) et Guardi (+1793). L’un et l’autre ont déployé leurs talents picturaux pour rendre visible l’éclat de Venise. L’un comme l’autre ont détaillé à l’extrême leurs dessins. Jusqu’au fond de la toile, chaque personnage a un habit unique, une posture unique. Ce style inimitable des « védutistes » du XVIIIe, selon l’expression que leur a attribuée l’histoire de l’art, cherche à reproduire des vues de paysages urbains. Venise a donné à cette peinture un terrain d’expression presque infini. Chaque cérémonie est l’occasion de déployer les fastes des tenues et des gondoles. La réception des ambassadeurs par le doge comme la régate sur le Grand Canal offrent un feu d’artifices de couleurs et de lumières. Le pinceau de Canaletto comme de Guardi ne décrit pas seulement le cadre urbain mais saisit dans l’instant ces couleurs et ces lumières pour les faire éclater dans les plus minutieux détails.
Le procédé d’exposition de deux artistes en regard est une chance pour l’amateur. Outre que l’avènement historique du style védutiste est bien montré, il y a surtout dans les différences de quoi regarder davantage chaque peinture. Lorsque l’un et l’autre représentent l’entrée du Grand Canal, nous pouvons jouer au jeu des sept erreurs facilement. Cela nous donne l’évolution architecturale de la ville et des coutumes en quelques années. Mais surtout nous voyons les tempéraments de l’un et l’autre artiste ressortir. Canaletto plus lumineux, plus festif, tranche sur un Guardi plus profond et plus contrasté en couleur avec des traits parfois ténébreux.
Pour les yeux de celui qui aime Venise, il y a de quoi nourrir pour longtemps son imaginaire avec le panel ouvert qui va de la place Saint-Marc à la petite aquarelle de la chartreuse de l’île Sainte-Hélène.
L’exposition est finie mais le catalogue demeure et le musée continuera sûrement à enrichir son patrimoine par de si belles expositions temporaires. Elle ne nous lira pas, mais nous pouvons remercier Mme Jacquemart d’avoir dédié son hôtel particulier et sa fortune à rassembler ces collections d’œuvres pour la plus grande joie du curieux émerveillé.