Les chevalier de Malte, neuf siècles en 2013
Le pape Benoît XVI a reçu, le samedi 9 février 2013 à Saint-Pierre de Rome, une délégation des membres de l’Ordre Souverain de Malte, à l’occasion des neuf cents ans de la reconnaissance officielle de l’Ordre par le pape Pascal II, en 1113, en vue de « témoigner de la foi et servir les pauvres et les malades ». Dès le Moyen Age, malgré les dangers du voyage, des pèlerins venus de toute l’Europe prenaient la direction de Jérusalem. Ils furent de plus en plus nombreux, surtout à partir de la fin du Xème siècle, moment où Jérusalem prit, dans la spiritualité de l’Occident, une place de plus en plus grande. Par tous les temps, dans le froid, la pluie, la neige, la chaleur, à pieds, en carriole, à cheval pour certains, ils avançaient. Pour un vœu, pour expier ou plus simplement par dévotion, ils prenaient la route vers la Terre Sainte ; cinq mille kilomètres par voie terrestre ou en partie par la mer pour un voyage de plusieurs mois sans garantie d’en voir l’issue. Ils essayaient de se regrouper pour dissuader les brigands et parfois faisaient route avec des chevaliers qui assuraient alors leur protection.
Les Hospitaliers et les Templiers jouaient ce rôle construisant des hospices et refuges tout au long de la route. Vers 1080, le Frère Gérard fonde l’hôtellerie de Jérusalem, en face du Saint Sépulcre. Le rôle de cet hospice est d’accueillir et de soigner les pèlerins chrétiens venus accomplir le voyage en Terre Sainte. Jérusalem est alors sous domination musulmane mais les pèlerins sont libres de circuler. En 1078, les Turcs Seldjoukides prirent Jérusalem aux Arabes Abbassides et, contrairement à eux, interdirent totalement aux pèlerins chrétiens l’accès à la ville sainte. La première Croisade en 1099 fait passer la cité sous la domination chrétienne, mais renforce l’insécurité dans la région. Les frères hospitaliers sont reconnus comme ordre monastique et chevaleresque le 15 février 1113 par le pape Pascal II et suivront la règle de Saint Augustin. Moines, médecins et soldats, ils acquièrent le droit de porter des armes et de combattre.
Huit croisades se succèdent de 1099 à 1270, et cette dernière vit mourir saint Louis devant Tunis. En 1291, Saint Jean d’Acre est prise par les Mamelouks, plus de deux cent mille combattants écrasent les huit cents chevaliers et quatorze mille combattants chrétiens scellant la fin de la présence franque en Terre Sainte. Seuls parmi les chevaliers, sept hospitaliers et dix templiers survécurent et purent avec une poignée de rescapés organiser leur départ pour Chypre. Les Hospitaliers vont alors accueillir de nombreux chevaliers venus de tous les pays d’Europe et se transformer en véritables marins qui deviendront redoutés dans toute la méditerranée.
En 1310, ils conquièrent l’île de Rhodes, d’où ils repousseront pendant plus de deux siècles toutes les attaques des Musulmans. Ils purent développer la médecine qui restait leur vocation première. Héritiers de la pratique des Grecs anciens et des Arabes, très en avance sur les conceptions figées de l’époque en Occident, les Hospitaliers y ajoutèrent leur sens pratique avec l’hygiène, la propreté des locaux, les chambres d’isolement, les lits individuels entourés de rideaux, les draps changés régulièrement, la nourriture soignée avec pain blanc, la vaisselle en argent pour l’asepsie. Ils avaient compris que beaucoup de maladies se transmettaient entre humains et ont inventé l’isolement et la quarantaine. Les médecins devaient visiter les malades matin et soir et tous les chevaliers sans aucune exception participaient aux soins. Même le Grand Maître de l’Ordre visitait les malades toutes les semaines.
Par ailleurs, cette période vit l’ordre augmenter considérablement ses richesses par la prise de possession des biens des Templiers et par un afflux de dons qui permirent la construction d’hôpitaux plus nombreux sur les chemins de pèlerinages. Les Hospitaliers furent chassés de cette île en 1522 par Soliman le Magnifique, après un terrible siège et une défense mémorable. Ils se réfugièrent en Crète, en Italie, à Nice et s’établirent enfin, après une longue errance, en 1530 dans l’île de Malte, que Charles-Quint leur avait cédée, sur injonction du Pape, en échange d’un faucon qui devait lui être offert tous les ans. Ils seront depuis connus sous le nom de Chevaliers de Malte. Dans ce nouvel asile, ce minuscule rocher perdu au milieu de la Méditerranée, ils reconstruiront cités, fortifications, hospices et la Sacrée Infirmerie pourra accueillir trois cents patients dans les meilleures conditions de confort. La première école de médecine fut créée en 1595 suivie d’une école de pharmacie, de chirurgie, d’anatomie. Les autopsies étaient couramment pratiquées pour rechercher et comprendre les causes des décès.
Les chevaliers révélèrent l’importance stratégique de l’île de Malte par leur activité de corsaires qui paralysait la flotte des Ottomans et par leurs qualités de combattants qui leur permirent de repousser les nombreuses attaques. En 1565 eut lieu le Grand Siège de Malte. Soliman envoya une armada de quarante mille combattants, dont trente mille périrent, qui ne purent vaincre les sept cents chevaliers et les huit mille cinq cents soldats étrangers et maltais qui repoussèrent tous les assauts. L’empire ottoman vit ainsi à Malte la fin de son expansion et Jean Parisot de La Valette, le Grand Maître, acquit une extraordinaire célébrité dans tout l’Occident comme sauveur de la Chrétienté. Une nouvelle capitale prit son nom, La Valette, et fut la première ville d’Europe construite intégralement sur plans.
Devenu riche et puissant l’Ordre continua ses œuvres de soins et de protection. Ses nombreux navires, les galères de « La Religion », firent régner leur loi sur la mer. Ils conserveront Malte jusqu’en 1798, quand Bonaparte, allant en Égypte, leur enleva l’île, obtint l’abdication du dernier grand maître Ferdinand Von Hompesch et mit ainsi fin à l’existence politique des Hospitaliers. L’ordre n’exista plus dès lors que de nom. Son siège fut transféré à Catane, puis à Ferrare, enfin à Rome en 1834. On a tenté en 1850 de le reconstituer sous la protection du pape : il devait résider en Terre-Sainte et se vouer, comme à l’origine, à l’hospitalité et les soins, mais ces projets sont restés sans exécution. En 1878, il a retrouvé sa vocation humanitaire initiale. En 1998, le gouvernement maltais a signé un accord restituant le Fort St Ange, symbole de la résistance du grand siège, à l’Ordre de Malte pour une durée de quatre vingt dix-neuf ans.
La croix blanche à huit pointes était à l’origine l’emblème des chevaliers de l’Hôpital qui la portaient sur leur manteau noir. La croix de Malte symbolise les huit Béatitudes chrétiennes évoquées par le Christ dans son sermon sur la montagne mais aussi les » langues » ou provinces de l’Ordre, à savoir Italie, Provence, Auvergne, France, Aragon, Castille-Léon-Portugal, Allemagne et Angleterre. L’Ordre de Malte, ou pour respecter sa dénomination officielle « L‘Ordre Souverain Militaire et Hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem de Rhodes et de Malte », est reconnu par les nations comme un sujet de droit international public. Installé à Rome depuis 1834 sur la colline de l’Aventin, c’est le plus petit Etat du monde mais qui entretient des relations diplomatiques avec plus de cent Etats ainsi qu’avec le Saint-Siège. Il est également présent auprès de l’ONU, de l’Union européenne et d’autres organisations internationales. Il s’agit de l’Organisation Humanitaire la plus ancienne.
Actuellement, l’Ordre de Malte compte près de treize mille cinq cents membres, quatre vingt mille bénévoles permanents et vingt cinq mille médecins et infirmières. La mission de l’Ordre se résume dans sa devise « Tuitio Fidei et Obsequium Pauperum » : nourrir, témoigner et protéger la foi ainsi que servir le pauvre et le malade. Les hospitaliers disaient et disent toujours : « Nos Seigneurs les Malades ». Aujourd’hui les chevaliers s’investissent dans toutes les missions où les hommes sont en détresse, victimes de calamités, de conflits pour apporter des soins, de la nourriture, des abris, des vêtements, animent des centres de santé, des dispensaires, des hôpitaux. Ils sont guidés dans ces missions humanitaires suivant la règle de Saint Augustin par une seule vertu, mais la plus grande, la Charité, qui à l’humanitaire ajoute l’amour du prochain.