Les déchets du spatial
Peut-être avez-vous entendu parler, le 15 septembre dernier, du « suicide assisté » de Cassini ? Cassini, c’est cette sonde spatiale qui a quitté la terre il y a vingt ans pour aller à la découverte de Saturne, à plus de 1 600 millions de kilomètres de la terre, larguant au passage le petit module Huygens vers Titan, une de ses lunes, en janvier 2005.
Les données transmises par Cassini et Huygens sont loin d’avoir toutes été exploitées mais ont d’ores et déjà permis de comprendre la richesse des interactions dans le système saturnien : la planète, son atmosphère, ses ¬anneaux, ses satellites, ses poussières, son champ magnétique, …
Mais voilà, faute de carburant, la sonde était en fin de vie. Alors, pourquoi l’avoir fait plonger sur Saturne, précipitant cette fin ? C’est là que ce fait d’actualité spatiale rejoint le thème de notre journal : Cassini était en passe de rejoindre la longue liste des déchets spatiaux et, qui plus est, risquait de provoquer une pollution en dispersant ses débris sur les lunes voisines en les contaminant, compromettant les futures études scientifiques sur d’éventuelles traces de vie, actuelles ou éteintes !
Il est vrai que les débris spatiaux (restes de fusées, morceaux de satellites, pièces diverses et variées…) sont une problématique très sérieuse pour les études scientifiques aujourd’hui. Avec l’augmentation des missions spatiales, des millions d’objets entourent notre planète (plus de 700 000 de plus d’1cm), causant parfois des collisions désastreuses avec les satellites en orbite. Quelques exemples :
– la collision, en 2014, entre les satellites Kosmos-251 et Iridium-33 a entraîné une multiplication de débris,
– tout près de nous, à seulement 370 km d’altitude, la Station Spatiale Internationale (ISS) doit régulièrement faire des manœuvres pour les éviter.
Tous ces déchets font évidemment penser au film « Gravity », où la collision d’un vaisseau spatial habité avec un satellite entraîne une réaction en chaîne dévastatrice pour les astronautes en orbite !
Les politiques spatiales étudient désormais la désorbitation systématique des satellites en fin de vie ou leur placement sur des orbites cimetières. Mais il faut également développer des technologies ambitieuses et novatrices pour nettoyer l’espace. Aujourd’hui, il existe deux solutions : soit ralentir les déchets, accélérant ainsi leur chute dans l’atmosphère terrestre afin qu’ils se désintègrent plus rapidement, soit les placer sur une orbite cimetière, beaucoup plus haute. Voici un aperçu de quelques unes des technologies à l’étude :
– par laser (cf. notre article sur le laser dans l’espace, dans notre numéro de mars 2015) : on utiliserait la télémétrie laser pour localiser les débris et leur donner une impulsion laser qui les ferait changer d’orbite,
– à l’aide d’une « longe électrodynamique » de 700 mètres : cette « corde », composée d’acier et d’aluminium et chargée en électricité, attire par électromagnétisme les débris qui passent à proximité : l’expérience a été tentée par l’agence spatiale japonaise fin 2016 mais un incident a empêché la longe de se déployer,
– avec des remorqueurs spatiaux, véhicules capables de rattraper des gros objets (des satellites en panne ou en fin de vie) : projet européen TeSeR, porté par AIRBUS Defence & Space, en cours de développement,
– grâce à un engin spatial équipé d’un bras robotique permettant de capturer également de gros objets ; les chinois ont d’ailleurs testé en 2016 avec succès ce bras robotique,
– grâce à un engin spatial équipé d’un filet de capture, ressemblant à un filet de pêche, procédé testé en miniature par l’Agence spatiale européenne (ESA) à bord de vols paraboliques simulant l’impesanteur(1) et les résultats semblent très concluants. L’ESA envisage de l’utiliser en corrélation avec un bras robotique, un harpon et un canon à ions afin de nettoyer les orbites les plus touchées.
(1) Impesanteur : état d’un corps tel que l’ensemble des forces gravitationnelles et inertielles auxquelles il est soumis possède une résultante et un moment résultant nuls. Le terme « apesanteur » est désormais déconseillé pour éviter, dans le langage parlé, une confusion entre l’apesanteur et la pesanteur.