Les terrils des gueules noires à l’honneur
Le 2 juillet dernier, l’UNESCO inscrivait au patrimoine mondial de l’humanité les « terrils » du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Il aura fallu huit années pour convaincre les vingt et un membres de la commission du bien-fondé de ce projet, soutenu par Frédéric Mitterrand et mené par Jean-François Caron, maire de Loos, conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais et président de l’« Association Bassin minier uni ». Au point de départ, la population n’y croyait pas mais aujourd’hui quelle fierté et que d’émotion pour les enfants des corons des quatre- vingt sept communes concernées et pour toute la grande famille de la mine, en France et au delà de nos frontières ; les sites de la Wallonie (Belgique) ont été, eux aussi, inscrits par l’UNESCO ! Le bassin minier du nord a compté jusqu’à trois cent quarante exploitations !
A l’origine, on les amassait à plat car ils étaient transportés en brouette ou tombereau tiré par un cheval, mais l’arrivée de la machine, essentiellement des petits trains, va permettre de les entasser pour gagner du terrain. Ainsi sont nées les fameuses « montagnes noires » donnant un relief particulier au « plat pays ». Les plus élevées, celles de Loos-en-Gohelle atteignent cent quatre-vingt six mètres, dépassant de dix mètres le mont Cassel, point culminant de la chaîne des monts de Flandre !
Avec l’entrée des terrils au patrimoine mondial de l’UNESCO, c’est toute une région qui est honorée, ce sont tous ces mineurs qui durant deux cent soixante-dix ans ont assuré, dans des conditions extrêmement pénibles, l’extraction de « l’or noir », richesse de notre pays pendant deux siècles et demi. La récession progressive, engagée par les Charbonnages de France, a abouti à la fermeture définitive du dernier puits d’extraction le 21 décembre 1990 et en 2007, à la liquidation de la Société des Charbonnages. Mais, conscients de la valeur d’un tel patrimoine, matériel et humain, nombreux sont ceux qui s’attachent à le mettre en valeur. Ainsi peut-on, en touriste, faire l’ascension d’un terril, mais aussi descendre dans une mine, parcourir ses galeries et imaginer un peu ce que fut la vie des mineurs, hommes femmes mais aussi enfants, ces petits « calibots » qui jadis y travaillaient. Tout un monde qui, sous la responsabilité du « porion », assurait l’extraction et le tri du charbon. Il y avait : les « boutefeux » spécialisés dans les explosifs, les « haveurs » qui, avec la haveuse abattaient la roche ; les « hercheurs ou rouleurs » poussaient les berlines, tandis que les « cafus », les femmes, souvent aidées d’enfants, étaient employées au triage.
Tous quittaient leurs « corons », (classés eux aussi par l’UNESCO), pour descendre dans les puits « foncés » à des profondeurs pouvant atteindre mille mètres. Ils empruntaient un ascenseur établi sous le « chevalement », cette grande charpente qui signale l’entrée de la mine. Ils emportaient leur « briquet », nom donné aux casse-croûtes dont les résidus, trognons de pommes ou de poires sont à l’origine d’arbres fruitiers, d’anciennes espèces, qui poussent sur certains terrils !
« Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme », telle pourrait être la devise des Montagnes noires, aujourd’hui réhabilitées.
Si maintenant tout semble sourire au Bassin minier du Nord Pas-de-Calais grâce à la reconnaissance de l’UNESCO, n’oublions pas son passé de sueur, de larmes et… de sang quand surgissaient les terribles « coups de grisou », comme à Courrières en 1906 qui fit mille cent soixante seize victimes.
Pour mieux comprendre la mine et les mineurs, vous pouvez passer une journée chez les « gueules noires », tout un circuit autour de Lens, ou lire « Germinal » de Zola, enfin prier sainte Barbe leur patronne dont la fête le 4 décembre est, elle aussi, remise à l’honneur : messe et traditionnelle ducasse si chère aux Ch’tis.
Pour conclure, donnons la parole au président du Bassin minier uni : « Chez nous les paysages ne sont pas faits de granit rose, de mer limpide ou de sommets aux neiges éternelles. Chez nous l’homme a creusé, extrait, construit des montagnes…c’est une histoire humaine construite sur des valeurs telles que le courage, la simplicité, la solidarité… ». Alors vivent les Ch’tis !
Une Ch’timi