L’Imam, le Pasteur et l’Archevêque
Au cœur de la république déchirée de la Centrafrique, deux hommes luttent avec beaucoup d’acharnement pour la paix. Le premier, mince et très digne, couvert de son éternel petit chapeau blanc, Oumar Koubine Layama, est le président de la communauté islamique centrafricaine, le second, plus corpulent et en tenue de clergyman, Mgr Dieudonné Nzapalainga, est l’archevêque de Bangui. Ensemble, ils vont au devant des « déplacés » dans les camps où tout manque, et dans les quartiers des villes de ce « beau pays » comme l’appelle l’archevêque, afin d’exhorter la population à la réconciliation. On le sait, les journaux, les radios, la télévision en ont beaucoup parlé, la République Centrafricaine est devenue une terre sur laquelle mercenaires et rebelles ont instauré un climat de haine entre chrétiens et musulmans. Dans cet état peuplé de protestants, de catholiques, d’animistes et de musulmans, qui, jusqu’ici, vivaient en bonne harmonie, règne depuis quelques mois un climat de terreur et on ne compte plus les morts.
Rappelons sommairement les faits. En décembre 2012, une coalition armée à majorité musulmane, la « Seneka », s’empare de plusieurs villes du pays et y commettent de nombreuses atrocités. Le 25 mars 2013, ils occupent Bangui, la capitale, et là encore se rendent coupables de multiples exactions, vols, viols, meurtres contre les chrétiens. Les jeunes de la ville qui ont tout perdu, rejoignent les « anti-balaka » (machette) une milice paysanne qui, originellement, n’a rien de chrétien, mais avec laquelle ils ont un point commun : ils veulent se venger de ceux qu’ils appellent « les arabes ». Il s’en est suivi une escalade qui depuis met le pays à feu et à sang.
Voilà le climat dans lequel évoluent les deux courageux dignitaires, accompagnés maintenant par le pasteur Nicolas Gbangou, président des associations des Eglises évangéliques centrafricaines. En février, sans le pasteur retenu par un décès, ils sont venus en Europe à Rome, Bruxelles, Londres, Francfort et Paris ; c’est là qu’ils ont rencontré le président de la République afin d’obtenir une aide plus importante que celle déjà envoyée par la France. Infatigables, en mars dernier, ils sont encore allés, cette fois tous les trois, plaider pour la paix aux Etats-Unis où ils ont rencontré Ban Ki-Moon, le secrétaire général de l’ONU. Inutile de préciser que sur place, leur sécurité est en danger et l’on ne compte plus les alertes et les attentats qui succèdent aux embuscades.
L’élection démocratique de Catherine Samba Panza, une présidente de transition, a amené un semblant de calme dans la région, mais il y a encore des morts chaque jour à Bangui. C’est vrai que le pays, en particulier le nord, est riche (diamants, pétrole) et suscite bien des convoitises… Souhaitons que notre trio pour la paix réussisse à désarmer les mains et à rendre au « beau pays » justice et paix !