LUIS MARIANO, un amour de rossignol
Il y a eu cent ans le 13 août dernier, naissait, dans une famille modeste d’Irun, une ville du Pays Basque espagnol très proche de la frontière française, Luis Mariano Eusebio Gonzalez y Garcia. Très tôt, ses parents et ses amis remarquent que le gamin est doté d’un joli brin de voix, aussi c’est tout naturellement qu’il intègre l’orphéon Dionostiarra de San Sebastian, un chœur mixte dont il devient rapidement le ténor solo. En 1937, il est accueilli dans le célèbre ensemble Eresoinka, un groupe musical formé au moment de la guerre d’Espagne, qui a pour but la promotion de la culture basque à travers le monde. Cette chorale, composée de plus de cent membres et dans laquelle il est le deuxième ténor lui permettra de se produire sur les plus grandes scènes d’Europe, l’Opéra et la salle Pleyel à Paris en particulier. Malheureusement, la guerre va contraindre sa famille à quitter l’Espagne et c’est à Bordeaux que son père sera embauché comme mécanicien.
Attiré par le dessin, il entre alors à l’école des Beaux Arts de la capitale de l’Aquitaine ; parallèlement, il est aussi admis au conservatoire de la ville. C’est là qu’il fait la connaissance de Jeanine Micheau, une des plus célèbres sopranos de l’époque ; cette relation lui sera très utile par la suite. Il chante également dans les cabarets et c’est Fred Adison, auteur (« avec les pompiers ») et interprète de chansons à succès, qui va le guider dans ses premiers pas au Caveau des Chartrons à Bordeaux. En 1942 il quitte le conservatoire et muni d’un mot de recommandation de Jeanine Micheau, va profiter des conseils du grand ténor, basque comme lui, Miguel Fonsecha qui va lui enseigner la technique du « Bel canto », le fameux chant lyrique italien.
La rencontre avec Francis Lopez, un tournant dans sa carrière…
Il remonte sur scène en décembre 1943 au Palais de Chaillot où il interprète Ernesto dans l’opéra bouffe de Gaëtano Donizetti, « Don Pasquale » ; il commence également à chanter à la radio, le grand média de l’époque. La même année, il obtient un petit rôle aux côtés de Madeleine Renaud et Pierre Fresnay dans « L’escalier sans fin », un film de Georges Lacombe qui n’a d’ailleurs pas laissé un souvenir impérissable aux cinéphiles. Il enregistre aussi ses premiers disques, « Amor, amor » et « Besame mucho » et se produit, toujours à Chaillot, avec la vedette sud-américaine Carmen Torres, puis en novembre 1944 avec Edith Piaf et Yves Montand, mais c’est surtout l’année 1945 qui va être marquante dans sa carrière. En décembre de cette année là, il fait la connaissance de Francis Lopez qui, avec Raymond Vinci, monte une opérette. C’est « La belle de Cadix », ce spectacle prévu durer quelques dizaines de représentations, va rester à l’affiche pendant plus de deux ans et sera même repris au théâtre de l’Empire en 1949 ; c’est le grand succès pour Luis Mariano, triomphe complété par le disque tiré de l’opérette qui sera vendu à plus d’un million d’exemplaires, un record ! Pendant les dix années qui suivent, le grand chanteur va être la star incontestable de la chanson et les opérettes dans lesquelles il chante vont se succéder : « Fandango », « Le chanteur de Mexico », « Chevalier du ciel » ; il participe également à de nombreux films souvent tirés de l’opérette, « Rendez-vous à Grenade », « Violettes impériales », « Le chanteur de Mexico ». Il est impossible de tous les citer, il y en a plus de vingt ; il sera même l’attraction vedette du cirque Pinder entre 1957 et 1959. Dans les années 60, il saura résister au « tsunami » yéyé et continuera à se produire dans des opérettes, « Le secret de Marco Polo », « Visa pour l’amour », « Le Prince de Madrid » qui connaîtront toujours un très grand succès ; à cette époque, c’est vraiment le spectacle qu’il faut avoir vu !
Malheureusement, il ne rencontrera pas le même bonheur dans sa vie sentimentale ; il ne s’est d’ailleurs jamais marié. Il lui reste pourtant un fils, Mariano Luis Lacan Gonzalez y Garcia, un fils adoptif qui lui a été « donné » par son fidèle chauffeur Patxi Lacan en 1967 ; il a aujourd’hui 49 ans. Principal héritier du patrimoine de la grande vedette de la chanson, il rencontre actuellement de gros problèmes avec son père biologique au sujet de la restauration de la villa que possédait Luis Mariano à Arcangues au pays Basque.
Après plus de cinq cents représentations du « Prince de Madrid » au Chatelet, une tournée triomphale en France, puis quelques reprises du « Chanteur de Mexico » au Canada, Luis Mariano et son fidèle compositeur décident de monter « La Caravelle d’or », une opérette grandiose qui dure… trois heures et demie ! La première aura lieu le 19 décembre 1969, mais malheureusement le grand ténor, qui démarre le spectacle très fatigué, ne pourra en assurer le premier rôle que quelques mois. D’abord remplacé en semaine par sa doublure, il abandonne définitivement, trop fatigué, le 18 mai 1970. Il a contracté une maladie, sans doute une hépatite, qui, mal diagnostiquée et mal soignée, va entraîner sa mort le 14 juillet 1970.
L’opérette est orpheline, elle a perdu sa voix d’or et rien ne sera plus pareil après la disparition du grand ténor pour les amateurs de ce genre de spectacle, précurseur de la comédie musicale ; c’est la fin d’une époque…