Mais qu’est-ce qui arrive à la pomme de terre ?
Contrairement à la croyance populaire, ce n’est pas Antoine Augustin Parmentier, dont le bicentenaire de la disparition a été célébré l’an dernier, qui a rapporté la pomme de terre d’Amérique du Sud ; par contre, ce qui est vrai, c’est que c’est bien lui qui l’a popularisée en France dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. En fait, le célèbre tubercule a été importé par les Espagnols qui l’ont cultivé dès la fin du XVIe siècle
Tout au long du XVIIe siècle, la pomme de terre était bien connue en France, mais elle était considérée comme tout juste bonne à donner aux cochons, il faut bien dire qu’on la ramassait alors verte et qu’on la mangeait crue ! A partir du moment où elle a été appréciée, elle est devenue un élément essentiel de notre alimentation, à un tel point que l’on en consommait en moyenne 95 kg par habitant et par an au milieu des années 60 (sa consommation avait atteint le chiffre incroyable de 350 kg par habitant en 1840 en Belgique). Alors pourquoi n’en mange-t-on plus guère que 30 kg actuellement ?
Peut-être est-ce parce que certains la classent parmi les aliments très caloriques, un critère qui ne pardonne pas à cette époque où « notre ligne » revêt maintenant une grande importance. Pourtant quand on y regarde d’un peu plus près, notre bonne vieille pomme de terre est pauvre en lipides et beaucoup moins calorique que les autres féculents (84 kcal pour 100 g contre 115 kcal pour les pates ou 120 kcal pour le riz…) et est surtout riche en vitamines et minéraux à tel point qu’une portion de 180 g couvre 1/8 des apports nutritionnels en vitamine C et 1/6 des besoins en vitamines très importantes comme les vitamines B1, B6 et B9. De ce point de vue, elle se rapproche donc davantage des légumes mais avec toutefois une particularité, un taux de glucides proche de 80 % (suivant la variété) bien supérieur à celui des autres légumes.
UN ATOUT, SA TENEUR EN ANTIOXYDANTS
Un autre atout de la pomme de terre, surtout celles à chair très jaune (Belle de Fontenay ou Annabelle) ou violette (Vitellote ou Bleue d’Auvergne), est sa teneur en antioxydants. On connaît maintenant les bienfaits de ces composés dont les propriétés antibactériennes, antivirales et surtout anti carcinogènes ont été mises en évidence.
Une des particularités de la pomme de terre est aussi d’être composée d’amidon (66 à 80 % suivant la variété), une excellente source de glucides complexes, très importants pour notre organisme. L’amidon des pommes de terre crues, très résistant à la digestion, devient très facilement assimilable par l’organisme après cuisson à 70 °C. Il est alors dégradable par les enzymes digestives et entraîne une élévation de la glycémie post-digestive et de ce fait n’apporte qu’un sentiment de satiété bref, ce qui peut entraîner un grignotage, mais cette augmentation (indice glycémique) dépend beaucoup du mode de préparation. Ainsi cuite à l’eau avec la peau (ce qui lui permet de conserver un maximum de vitamines et de minéraux), sa propension à augmenter la glycémie reste moyenne, les cuissons prolongées au four ou à la poêle entraînent en revanche une forte augmentation de cet indice glycémique. Contrairement à certaines idées reçues, lorsque la pomme de terre est préparée à la friteuse, cet indice reste encore moyen mais dans ce cas c’est l’huile absorbée qui augmente considérablement sa valeur calorique (multipliée par trois !). Il faut aussi savoir que la pomme de terre se conserve plus ou moins bien une fois déterrée, son évolution continue, surtout à la lumière et peut réveiller sa « machinerie cellulaire » jusqu’à la rendre inconsommable. Le tubercule présente alors des tâches vertes, amères qui peuvent devenir neurotoxiques, il est donc prudent de les conserver dans un endroit froid, sec et surtout à l’abri de la lumière.
Voilà quelques précisions sur ce précieux aliment qui a longtemps permis de sauver de la famine(1) des millions d’individus et dont les avantages nutritionnels dépendent largement de son mode de cuisson. Il reste quand même un réel synonyme de bonne forme (dans le langage populaire, on dit bien de quelqu’un qui a la forme « qu’il a la patate » ou encore « qu’il a la frite ») ; souhaitons que notre « bonne vieille patate » continue à trouver la place qu’elle mérite dans nos assiettes, peut-être aussi les nouvelles variétés actuellement à l’étude (encore plus riches en vitamines) l’y aideront-elles ?
(1) On estime que le mildiou de la pomme de terre qui a détruit la majeure partie des récoltes en Irlande a causé un million de décès entre 1846 et 1851 et est à l’origine de la migration d’un autre million d’Irlandais vers le Canada ou les Etats-Unis.