Notre journal est en deuil …
Avec le départ de notre ami poète Georges Rabaroux, ce n’est pas un morceau de l’histoire des « Echos » qui disparaît mais c’est un livre que l’on ferme. Pour beaucoup de Meulanais et d’habitants de notre secteur, il en était « le » représentant ! Pensez donc, il est entré au comité de rédaction en 1964 et depuis cette date, chaque mois, il nous proposait, avec le tact et la délicatesse qu’on lui connaît, une de ses œuvres poétiques ou bien encore, comble de modestie, celle d’un ou d’une de ses collègues rimeurs.
Mais parlons un peu de ce qu’a été sa vie…
Il est né en 1937 dans un petit village de l’Eure-et-Loir, à 7 km de Dreux. Ses parents étaient de modestes cultivateurs et comme tout un chacun à l’époque, il a intégré l’école du village. Il obtient brillamment son certificat d’études primaires et de plus, premier du canton s’il vous plaît ! Il a ensuite aidé ses parents aux travaux de la ferme mais à la mort de son papa, il avait alors 18 ans, il décide d’entrer à ce qui s’appelait à l’époque les PTT. Il faut bien dire qu’il n’avait guère de goût pour les métiers de la terre. A 20 ans, appelé sous les drapeaux, il doit ensuite traverser la dure épreuve de la guerre d’Algérie, une période difficile partagée par beaucoup de jeunes gens à cette époque. C’est quand il en est revenu, en 1960, qu’il a été nommé « préposé aux postes » dans notre secteur. Jusqu’à sa retraite, il arpentera les rues d’Hardricourt, de Mézy et de Meulan, distribuant plis, lettres et colis dans le centre ville où il était bien connu de tous… Quand on lui demandait s’il avait de bons rapports avec ses clients, il répondait malicieusement « attendu que personne ne vient déposer de réclamations au bureau de poste, je pense que oui… ».
Quand on discutait avec lui, il nous confiait « j’ai toujours eu une grande attirance pour la poésie. J’ai commencé sur les bancs de l’école à 11 ou 12 ans… le premier poème figurant sur mes cahiers date d’avril 1950, j’avais 13 ans… ». En échangeant avec ses proches, nous avons même appris qu’il avait écrit ses premières rimes bien plus tôt et il est amusant de retrouver un petit carnet rempli alors qu’il n’avait pas 11 ans. Par la suite, il n’a cessé d’écrire des poésies, au milieu des champs, au service militaire et bien sûr, à Meulan où il a rempli quelques cahiers que nous gardons précieusement.
Revenons à notre journal ; comme je vous le disais il y est entré en 1964, voilà donc près de soixante ans, peut-on imaginer plus grande fidélité ? Il a eu l’honneur du premier « En parlant avec… », une des rubriques phares des Echos, en février 1965. C’est lui qui a eu très tôt l’idée de ce « coin du poète » que vous retrouvez chaque mois.
Mais, il ne faisait pas qu’écrire ses poèmes ; au comité de rédaction, il était notre « Internet » vivant. Avec lui, pas besoin d’aller consulter le dictionnaire pour vérifier l’orthographe d’un nom, la date d’une période de l’histoire ou la capitale de tel pays : il suffisait de se tourner vers Georges ; il avait la réponse, chapeau la culture !
Je me souviens encore de notre première rencontre vers la fin des années 70 ; « Paradis Loisirs », association à laquelle j’appartenais, proposait une ou deux fois l’an, des soirées poésies, soirées au cours desquelles Georges et quelques-uns de ses complices venaient déclamer à la lueur d’une bougie ; de bien belles rencontres ! Bien sûr, ses poèmes étaient également édités dans d’autres revues et magazines, en particulier dans la revue littéraire trimestrielle l’Albatros, de l’académie de la poésie française, académie dont il était membre. Il était également membre de l’association « Terpsichore », créée en 1990 à Meulan et a reçu de nombreuses récompenses dont le diplôme d’honneur pour la défense de la langue française qui lui fut remis en 2018 et dont il était particulièrement fier.
Parallèlement à ses écrits, il a été jusqu’au bout un membre actif de l’Union Nationale des Combattants, association dont il a été secrétaire et trésorier pendant vingt ans et porte-drapeau durant quarante-cinq ans ! Georges n’était pas non plus qu’un doux rêveur amateur de belles rimes ; il a aussi participé activement à la vie municipale et s’y est largement investi en faisant partie de plusieurs conseils municipaux.
Vers la fin de sa vie, Georges a souffert de graves crises d’asthme qui lui coupaient le souffle et lui qui aimait tant marcher, il n’a jamais possédé de voiture, s’est trouvé contraint de limiter ses sorties. C’était pour lui une grande souffrance ; heureusement, il lui restait ses chers bouquins qu’il n’a jamais quittés ; il est parti doucement en nous laissant ses poèmes et beaucoup de beaux souvenirs. Au revoir Georges…