PHILIPPE BERTRAND, Grand Chef, meilleur ouvrier chocolatier de France, chocolatier confiseur

Ayant choisi pour notre numéro de décembre le thème : Autour du chocolat, nous sommes allés à la rencontre de Philippe Bertrand, Grand chef, meilleur ouvrier de France chocolatier confiseur, directeur technique de la Chocolate Academy au sein de la Société Barry Callebaut (1), bien connue dans notre secteur, cette société étant implantée à Hardricourt depuis 1842.

 

Bonjour Philippe Bertrand, merci de recevoir Les Echos pour la deuxième fois ; vous nous aviez en effet déjà accordé une interview en janvier 2002, vous étiez alors responsable technique de l’école de chocolaterie de Cacao Barry. Pourriez-vous nous rappeler votre parcours ?

Après des études de pâtisserie, dès l’âge de 16 ans j’ai souhaité faire mon compagnonnage tout seul à Paris, à Cambridge en Angleterre, à Sarlat dans le Périgord, puis de retour à Paris j’ai été mis en contact avec Cacao Barry par l’intermédiaire de l’organisme Saint Michel qui aide au placement des chocolatiers. Grâce à mes expériences diverses, je suis embauché comme pâtissier et cela fait maintenant vingt-quatre ans que je mets mes compétences au service de cette entreprise.

Comment cette vocation vous est-elle venue ?

Contrairement à beaucoup de mes collègues, je ne suis pas issu d’une famille de pâtissier chocolatier. Ma mère ne travaillait pas et, tout jeune, j’avais plaisir à faire de la pâtisserie avec elle. J’ai compris très vite que c’était ma voie.

Depuis 1996 vous faites partie des meilleurs ouvriers de France chocolatiers. Aujourd’hui vous portez une veste de grand chef, brodée et personnalisée. Comment êtes-vous devenu 12ème sur les dix-neuf grands chefs chocolatiers titrés à ce jour ?

J’ai travaillé avec les meilleurs ouvriers de France pendant six ans et me suis présenté aux concours qui n’ont lieu que trois fois sur une période de dix ans (3- 3 – 4). Il faut être passionné et motivé mais j’ai ressenti une grande fierté lorsqu’à l’Elysée, en 1996, j’ai reçu ce titre des mains du Président Jacques Chirac.

Votre activité a dû évoluer durant ces dernières années ; pouvez-vous nous en parler ?

En 2002, j’ai pu expliquer à vos lecteurs que Cacao Barry devenu Barry Callebaut (1) ne commercialise pas de « produits consommateurs » mais fournit les artisans en matières premières chocolat. Mais avec nos écoles de formations, nous avons toujours eu un rôle important d’accompagnement et de soutien des artisans pâtissiers chocolatiers. Nous avons formé près de trois cents artisans à raison de dix par formation. Je suis assisté parfois par des grands chefs comme Arnaud Larher (Meilleur ouvrier de France pâtissier à Paris Montmartre) et Régis Marcon restaurateur à St Bonnet de Froid (trois macarons au guide Michelin et Bocus d’or).

Nous travaillons également avec quarante-cinq ambassadeurs Cacao Barry, en France et cent soixante-dix dans le monde. Ces chefs dispensent des formations en pâtisserie, chocolaterie et glacerie. Nos valeurs sont reconnues et transmises dans seize écoles dans le monde et nous effectuons également des démonstrations chez nos distributeurs qui vendent ensuite aux artisans. Nous allons au-delà de la formation ; à titre d’exemple pour les prochaines fêtes de Noël, nous fournissons aux artisans des kits complets comprenant les moules, les emballages adaptés à personnaliser et les affichettes permettant de réaliser et de promouvoir des sapins en chocolat en forme de pyramide qu’ils proposeront à leurs clients.

Ainsi le groupe Barry Callebaut se met au service des industriels de l’agroalimentaire et des artisans chocolatiers, pâtissiers, boulangers, restaurateurs et propose une gamme complète de produits et de services au travers de nos trois marques (Cacao Barry®, Callebaut® et Carma®) dans le monde entier.

Sur le chocolat par lui-même, y a-t-il eu une évolution ces dernières années ?

Oui, et de façon très significative, car après neuf années de recherche et de développement sous la responsabilité de Valentine Detalle, ici dans nos laboratoires pour la marque Cacao Barry, nous sommes les premiers au monde à mettre en place une dynamique de développement avec le concept de la Q fermentation. Q comme Qualité, Quality en anglais.

Pour obtenir du chocolat, comme chacun le sait, il faut produire des fèves de cacao. Ce que l’on sait moins, c’est que le producteur après sa récolte et avoir sorti les fèves de la cabosse, procède sur place à la fermentation de ses fèves. Pour cela, il les enveloppe dans des feuilles de bananiers. La Q fermentation consiste à optimiser et à contrôler cette fermentation. Dans ce but, nous fournissons aux producteurs des ferments naturels et un protocole leur permettant d’améliorer la qualité de leurs fèves fermentées et de diminuer l’acidité, l’amertume ainsi que l’astringence du cacao.

Nous les conseillons également sur la fertilisation de leur terre et l’implantation de leurs cacaoyers. Ils plantent actuellement un arbre sur 2 m² et nous leur conseillons un arbre sur 3 m² car la qualité des fèves et le rendement de l’arbre sont meilleurs. Je me suis personnellement investi dans cette tâche en allant en Côte d’Ivoire, le premier pays producteur avant le Ghana et l’Indonésie. C’est important de mettre en place cette évolution car l’amélioration de la production est également nécessaire pour satisfaire la demande mondiale en fèves dans les années à venir.

On peut dire que vous intervenez maintenant de la production à la réalisation du produit fini ?

Oui et ce qui est d’autant plus passionnant, c’est qu’en agissant sur la plantation, la fermentation, la production et la formation des artisans, j’ai le sentiment de faire le lien entre le producteur et l’utilisateur du produit pour finalement répondre toujours davantage aux attentes de chacun. Les goûts évoluent, les pâtisseries et les chocolats sont moins sucrés mais plus élaborés. En ce qui me concerne, en rencontrant les grands chefs et les artisans, en échangeant nos points de vue, je peux également faire le lien avec les producteurs, la fabrication des produits cacao et eux. Nous passons progressivement du chocolat généraliste au chocolat spécialisé, adapté aux besoins de chaque artisan. Ainsi avec notre label Q fermentation, nous mettons en vente depuis septembre 2013 trois produits spécialisés : OCOA™, chocolat noir 70 %, INAYA™ chocolat noir 65 % et ALUNGA™ chocolat lait 41 %.

Vous auriez probablement encore beaucoup de choses à nous dire mais votre temps est compté et nos colonnes ne sont pas extensibles. Nous sommes sûrs que nos lecteurs, grâce à vous, apprécieront encore davantage le bon chocolat, et mesureront le professionnalisme, le talent, l’implication et la passion d’un grand chef pâtissier chocolatier de France et des artisans pâtissiers chocolatiers en particulier ceux de notre secteur.

Je serais vraiment ravi si ces quelques lignes permettent à vos lecteurs d’apprécier encore davantage le travail des artisans boulangers, pâtissiers et chocolatiers du secteur et de la France entière.

Je voudrais pour conclure souligner combien le métier de pâtissier chocolatier est en perpétuel mouvement. Les artisans français sont créatifs et réputés internationalement. Une grande fierté pour notre entreprise, c’est que la marque Cacao Barry® est utilisée dans de nombreuses écoles françaises et le concours du meilleur chocolatier du monde a lieu en France tous les deux ans. Ainsi, vingt pays vont participer à la finale fin 2015.

 

Au nom de toute l’équipe des Echos de Meulan, je voudrais vous remercier pour votre disponibilité ainsi que Julie Cherar, responsable de la communication qui a participé à cet entretien. Nous souhaitons à tous nos lecteurs de bonnes fêtes de fin d’année avec de belles dégustations… avec du chocolat bien sûr !

 

                                                                            Propos recueillis par Yves Maretheu

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