Prendre de la hauteur !
Cette fois-ci les évêques de France ont pris les devants. Avant le démarrage des campagnes en vue des élections présidentielles, la conférence des évêques de France propose un texte de réflexion sur les enjeux de société actuellement. Dans le respect de la laïcité et le respect des libertés de chaque chrétien, ce texte ne cherche pas à donner des consignes de vote. Il ne réagit même pas face à des propositions de campagne car il arrive avant. C’est là une vraie richesse de ce texte. Il invite à prendre de la hauteur à partir de deux principes fondamentaux pour la foi chrétienne : la dignité de chaque être humain et le bien commun.
Ces deux principes sont vraiment intéressants pour notre réflexion. Ils sont profondément cohérents pour la conférence des évêques avec la foi chrétienne mais leur fondement peut être partagé par tous, chrétiens ou non.
Ainsi la dignité humaine s’enracine pour les chrétiens dans l’amour de Dieu pour chacun, cet amour présent dès la création de tout homme. Cet amour fonde la dignité de chacun car alors sa valeur n’est liée ni à ce qu’il peut produire, ni même à sa reconnaissance sociale, mais à l’amour d’un Dieu personnel qui lui donne la vie. Mais cette dignité fondamentale qui déborde l’utilité technique et le sens que l’on peut donner de l’extérieur à une vie, trouve une racine solide dans la déclaration des droits de l’homme. Chaque être humain n’a pas besoin de prouver qu’il est humain pour être respecté comme tel. « Petit d’homme », tout être humain est humain, voilà ce qui suffit à faire de quelqu’un un être à la dignité inaliénable.
De même, le bien commun est une notion humaine que les chrétiens reconnaissent à partir de leur foi aussi. En bref, nous sommes faits pour vivre ensemble non par défaut mais parce que dans la foi nous vivrons ensemble dans la vie éternelle et que nous formons un corps dont le bien demande parfois de diminuer notre bien particulier pour que le corps vive. C’est l’image du corps dans la lettre de saint Paul aux Romains. Si effectivement nous sommes frères parce que fils du même Père, alors le soin du groupe peut demander de notre part un effort sur notre confort personnel. Le bien commun est ainsi la reconnaissance que la vie de la société demande parfois des efforts pour limiter le confort de chacun des membres pour que tous participent à ce bien. Un rugby-man le sait bien quelle que soit sa foi ; il est moins glorieux de donner le ballon que de tenter d’aller mettre l’essai seul pourtant si cela permet que l’équipe gagne alors le bien de tous sera enrichi.
C’est à partir de ces deux principes que le texte nous invite à prendre de la hauteur par rapport à notre vie en société pour choisir aux élections à partir du bien de tous et de la dignité de chacun. « Un vote ne peut être dicté par l’habitude, par l’appartenance à une classe sociale ou par la poursuite d’intérêts particuliers. Il doit prendre en compte les défis qui se présentent ». C’est une prise de hauteur par rapport à la situation. C’est aussi une prise de hauteur par rapport à l’enjeu. Dans la ligne du concile Vatican II, le texte rappelle que « nous ne pouvons pas attendre du pouvoir politique plus qu’il ne peut donner ». Le texte relève alors treize défis qui s’offrent à nous et à notre société dans les temps qui viennent. S’ils ne sont pas exhaustifs, ils pointent des vrais enjeux : la vie naissante, la famille, l’éducation, la jeunesse, les banlieues et cités, l’environnement, l’économie et la justice, la coopération internationale et l’immigration, le handicap, la fin de vie, le patrimoine et la culture, l’Europe, la laïcité et la vie en société. Rien que la mention des thèmes montrent bien que l’objectif n’est pas de canoniser un parti ni d’en stigmatiser un autre. La scène politique offre, nous le savons tous, une diversité réelle quant aux choix d’options concrètes pour relever ces défis.
Alors comme chrétiens, nous sommes sûrement appelés à une conversion à cette occasion, non pas pour forcément changer nos choix mais pour les revoir de plus haut, à partir des principes essentiels auxquels notre conscience éclairée par notre foi adhère et cherche à vivre. L’urgence de cette conversion est double. « Dans un temps d’hypermédiatisation, il convient d’être prudent devant la surenchère des informations qui seront diffusées (…) et de rechercher ce qui est vrai et ce qui est juste ». Au seuil d’une campagne électorale cela est un bon rappel. L’autre urgence est ce constat que « beaucoup de comportements cyniques ou simplement irréfléchis ont conduit à la perte du sens d’une destinée commune, à commencer par l’affirmation selon laquelle chacun n’a de comptes à rendre qu’à lui-même (…) ».
Voilà donc un texte de six pages seulement pour prendre le temps de s’arrêter avant d’agir pour examiner les chemins que nous voulons prendre. Si vous êtes arrivés au terme de cet article un peu long, lire six pages, cela ne vous coûtera guère ! N’en restons pas à nos convictions premières et laissons-nous prendre au jeu de faire dialoguer notre conscience et notre foi pour engager chacun selon sa vision l’avenir de notre société. C’est là le projet de ce texte que l’on trouve bien évidemment sur internet : Elections : un vote pour quelle société ?