Quand le fils de l’homme reviendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?
Quand on sait que Jésus-Christ était loin de tout dogmatisme, on peut comprendre le mot « foi » de façon beaucoup plus large qu’un simple recueil de dogmes.
En latin comme dans les langues sémitiques, foi (fides) est le même mot que « confiance » et « fidélité ». Or, peut-on avoir confiance lorsque l’intelligence artificielle crée des images, des visages, des discours artificiels sur des timbres de voix réels ? L’image cinématographique numérique peut-elle encore être une preuve ?
Lorsque les publications scientifiques, censées décrire la vérité scientifique, sont soumises aux intérêts du commerce, n’est-on pas dans la situation des marchands du temple qui font de la « maison Dieu » (la Vérité) « un lieu de commerce » (Ev. selon St Luc). Avec nos procédés technologiques et avec l’attitude morale des fabricants de fake news, plus aucun témoignage ne témoigne. Le risque d’une dislocation de la société par l’abus de confiance et la perte de la valeur de la parole n’est pas nouveau et a été très tôt considéré comme un risque fondamental : « tu ne porteras pas de faux témoignage » (10 commandements de Moïse).
« Quand le fils de l’homme reviendra, trouvera-t-il la confiance sur la terre ? » Trouvera-t-il une société dans laquelle les gens auront confiance entre eux et dans leurs dirigeants ? Sauront-il encore CROIRE ou ne sauront-il que se méfier, dénigrer, contester, se moquer ? Il en va de notre « contrat social », mais plus encore, de notre capacité à nous donner les uns aux autres. Car, en travail comme en amour, le don de soi n’est possible que dans la confiance, dans la certitude que nous ne serons pas abusés. Anouk Grévin, à la suite de Benoit XVI, a démontré magistralement que « le don est le moteur du travail humain » : si le don n’est plus possible, c’est toute la société qui est en panne. Cela est vrai en économie comme dans la vie professionnelle quotidienne, ainsi que dans la vie conjugale. L’absence de confiance, de don, l’infidélité et l’abus qui instrumentalise les personnes sont, à tous les niveaux, des ferments de graves conflits à venir.
La question posée par le Christ est ancienne comme l’Homme et d’une brûlante actualité à l’heure où les « vérités » qu’on nous sert sont fondées sur la technologie qui mélange le réel et le virtuel sous forme de réalité « augmentée » (avant de passer à l’Homme augmenté).
Comment discerner ?
L’outil de discernement du VRAI a deux niveaux : celui du sacré (qui s’appuie sur la sagesse éternelle et l’action de l’Esprit Saint tout au long de l’histoire, à commencer par les Pères de l’Eglise) et celui de notre raison critique.
Comment mettre en œuvre notre raison critique, à la manière des Lumières, à commencer par Descartes ?
1) il s’agit de bien se connaître soi-même (Gnôthi Séauton disent les grecs) pour éviter au maximum les pièges tendus par nos biais cognitifs,
2) de confronter sa réflexion critique à celle d’autres personnes intellectuellement exigeantes afin de sortir de la pure subjectivité individuelle, toujours trop pauvre. Un chrétien dirait : « Sous le regard de l’Esprit Saint, si deux ou trois sont réunis en mon nom (chemin, vérité, vie), je suis là au milieu d‘eux. »
Ce problème philosophique est d’ailleurs bien antérieur à l’invention de la photographie. Il se pose dès nos origines : il y a des millénaires, on colportait des légendes auxquelles on conférait le statut de vérité absolue. Les grecs anciens, découvreurs (en Occident) de la puissance de la raison, doutèrent de la véracité de ces légendes. Le siècle de Périclès mit le raisonnement au-dessus de tout autre moyen d’atteindre la vérité. (Il faut attendre Galilée pour que l’expérience vienne entamer l’absolutisme de la pensée « pure »). Depuis Galilée, c’est le duo expérience-raisonnement qui fait « preuve » sur les questions matérielles. Pas l’image. Les trucages sont apparus presque immédiatement avec la photographie (ah, Méliès !). Celle-ci n’a donc jamais tellement profité du trône « réaliste » qu’elle avait pris à la peinture. La photo et le cinéma sont presque immédiatement devenus des arts. Finalement, une photo ou un film n’a que le crédit qu’on accorde au photographe ou au cinéaste… tout comme pour le récit d’un voyageur. Les choses n’ont pas tant changé que ça depuis Galilée. Il s’agit toujours d’un dialogue entre l’expérience et le raisonnement, et ce dialogue est d’autant plus riche qu’il implique de personnes qui y concourent avec exigence.