Rendez-vous avec Mirabelle
« Bonjour, je m’appelle Mirabelle, comme la délicieuse prune de Lorraine ; j’ai cinq ans et je suis née dans une grande ferme de la Meuse, au milieu d’un troupeau de cent vingt vaches laitières.
A ma naissance, je fus séparée de ma mère et nourrie au lait de vache dans une cuve à lait préparée par l’éleveur, pendant quatre mois. Restant dans les prés avec une cinquante d’autres jeunes, je fus ensuite progressivement alimentée avec des aliments d’élevage jusqu’à un an et demi, à l’écart des vaches laitières.
Vers vingt mois, ayant atteint l’âge adulte, je fus inséminée pour donner naissance à un veau (parfois deux) et c’est après le vêlage (la gestation est de neuf mois) que je pus intégrer le troupeau des laitières pour la production de mon lait.
Je fis alors mon entrée dans le bâtiment spécialisé dans la traite. C’est un immense hangar composé de plusieurs salles pour la traite, le repas et le repos. Fini le temps où nous attendions la venue de nos maîtres pour la traite du matin et du soir. La salle de traite est équipée de deux robots : le principe étant de traire chacune d’entre nous quand nous le souhaitons, à toute heure de la journée et de la nuit. En cas de panne du réseau électrique, un groupe électrogène reprend automatiquement le relais. Lorsque nous nous présentons devant le portique accédant au couloir de la traite, le robot détecte notre « pédigrée » par le biais de la puce insérée dans notre collier. Le portillon s’ouvre sur une ration de foin : ration distribuée automatiquement suivant la production de lait de chacune, et c’est pendant que nous dégustons notre repas que le robot continue son travail.
Un premier bras nettoie et désinfecte nos mamelles avant et après la traite. Un autre bras est muni de trayons qui s’adaptent et se fixent aux pis. Lorsqu’il n’y a plus de lait à tirer, les manchons se détachent et reprennent leur place jusqu’à la présentation d’un autre animal. Nous sortons alors du couloir à l’ouverture du deuxième portillon. Si, par gourmandise, il nous reprenait l’envie de nous nourrir une nouvelle fois, nous ne pourrions accéder à la mangeoire : le robot (programmé pour la traite de chaque animal toutes les dix heures environ), par le biais de notre puce, détectera notre récent passage et ouvrira aussitôt le second portillon sans nous octroyer une nouvelle ration de foin. Chacune d’entre nous produisons entre vingt-huit et trente litres de lait par jour. Poussé et récupéré dans un tank d’une contenance de neuf mille litres environ, il est refroidi à quatre degrés et ramassé tous les deux jours par un camion de la coopérative laitière.
Le reste du temps est réparti au repos dans des logettes, petits compartiments recouverts de paille, permettant de se coucher dans une ambiance de sérénité, au son d’une musique douce.
Une autre partie du bâtiment est consacrée à l’alimentation (environ cinquante-six kilos par animal et par jour), composée d’un mélange de maïs, d’herbe, de granulés et de paille. Cinq à six fois dans la journée, un repousse fourrage rapproche le mélange dans nos mangeoires pour faciliter l’accès de notre repas.
L’été, nous avons aussi la chance de pouvoir sortir dans les prés pour s’aérer et déguster l’herbe verte alors qu’avec le froid hivernal, nous restons à l’abri, les prés étant trop boueux pour nos pattes ».
Avec la robotisation, l’éleveur a moins d’astreinte mais plus de surveillance. Il contrôle et surveille chaque bête en consultant toutes les informations transmises à l’ordinateur par la puce de leur collier. Cette carte d’identité informatique permet également de contrôler la santé, les chaleurs, les dates de gestation et la production de lait de chaque animal.
Geneviève Forget