Résurrection
La « pause SPI » réunit les paroissiens autour d’un sujet de méditation un samedi soir par mois. Après la messe (18 h) et le pique-nique pris en commun, un animateur expose son sujet et sollicite la réflexion de l’assemblée. Ce samedi 11 mars, c’est le père Eric qui nous a réunis autour du film « Résurrection » (RISEN) tourné en 2016 par Kevin Reynolds. Connaissant parfaitement le film et son contexte de tournage, le père parsème la projection de plusieurs informations (technique de la mise en scène, jeu des acteurs, souffrances du condamné à la croix) nous permettant de saisir plus facilement le propos de l’auteur, un cinéaste hollywoodien athée mais interpellé par Jésus crucifié et ressuscité.
Jésus est condamné à la crucifixion par les Romains pour menaces à l’ordre public et par les Juifs pour imposture et blasphème. En faisant de lui un exemple, les autorités espéraient décourager ses partisans et éviter la sédition. Le gouverneur romain, Pilate, est convaincu par les autorités juives que ce Jésus pourrait lui coûter son poste de gouverneur de Palestine. Rouerie de l’occupé face à l’occupant …
Déposé dans un tombeau, le corps de Jésus disparaît peu de temps après. Pourtant ce tombeau avait été solidement scellé et gardé. On soupçonne donc ses partisans d’avoir volé ce corps lors d’un coup de force pour faire croire à sa résurrection que Jésus avait annoncée plusieurs fois. Pilate charge le général romain Clavius, interprété par Joseph Fiennes, responsable du maintien de l’ordre en Palestine de retrouver, ramener et exposer, quoiqu’il en coûte, le corps de ce condamné. Cette recherche est menée avec rigueur : les traces autour du tombeau sont minutieusement examinées. Les gardes du tombeau et ceux qui ont connu ce Jésus, de dangereux malfaiteurs sûrement, subissent des interrogatoires serrés, le chantage à leur liberté ou même à leur vie et sont contraints de se dénoncer les uns les autres. Tout le monde est soumis à une pression terrible. Il faut dire que l’empereur Tibère vient sous peu en inspection à Jérusalem et il n’est pas question que l’ordre romain (la pax romana) soit défié par ce peuple rebelle que l’occupant romain méprise et dont il raille la religion monothéiste.
Ce film nous montre un Clavius au professionnalisme efficace : le courage, l’organisation, la discipline, la cohésion des Romains sont bien supérieurs à ce que ce pauvre peuple juif, peu évolué, fanatique parfois, est capable de mettre en œuvre. Au cours d’une poursuite dans la ville, Marie-Madeleine, celle que Jésus délivra de sept démons, conduit Clavius au Cénacle, où se tiennent les onze Apôtres en compagnie de … Jésus lui-même, vivant, donc ressuscité. Immédiatement, Clavius reconnaît celui qu’il a crucifié quelques jours auparavant, et qui, sans aucun doute possible, en est mort. Il en est bouleversé, sa vie en est renversée, si bien qu’il abandonne sa brillante carrière d’officier général romain. Il choisit de suivre les Apôtres jusqu’en Galilée, mettant à profit son professionnalisme militaire pour permettre au groupe d’échapper aux légionnaires romains qui le poursuivaient, et assiste à l’Ascension de Jésus.
La question que tout spectateur peut se poser est : est-il devenu lui-même disciple du Ressuscité ? Sa rencontre avec Jésus mort, puis vivant à nouveau, va-t-elle provoquer sa conversion ? Les Apôtres vont-ils le garder parmi eux ?
Le film ne répond pas à cette question. Clavius s’isole du groupe des Apôtres, abandonne ses derniers attributs de gradé romain et entame, seul, bouleversé par ce qu’il a vécu, avec ses souvenirs, une marche dans le désert.
Ce fim est d’une force extraordinaire. Beaucoup d’ingrédients des succès hollywoodiens sont mobilisés. Pilate, les légionnaires romains et surtout Clavius sont convaincants ; soin des reconstitutions, suspense et angoisse, images, répliques et regards très étudiés. Mais curieusement aussi bien Jésus que les Apôtres ne sont à leur avantage. Jésus est sympa, gentil, les Apôtres guère futés et Pierre peu nuancé. Seule, Marie-Madeleine a de la personnalité et montre une force calme, sûre, ne se laissant pas impressionner par la brutalité de l’occupant romain.
On se prend à douter que le Jésus de ce film ait pu porter la parole du Père, ait pu provoquer la colère des Pharisiens, la jalousie des scribes, ait guéri tant de malades, ressuscité des morts, suscité l’enthousiasme du peuple et l’engagement des Apôtres et inquiété Pilate. Ce Jésus reste un doux Nazaréen qui a fait des prodiges, qui ne ferait pas de mal à une mouche, qui a réuni quelques insignifiants. De quel amour révolutionnaire et dangereux a-t-il fait preuve ? On peut comprendre que Clavius ne soit pas allé jusqu’au bout de son étonnement et on se demande où sa traversée du désert va le conduire, à moins qu’il ne reçoive lui aussi l’Esprit, à la Pentecôte ?