Si l’ordre de Malte m’était conté
A l’occasion du neuvième centenaire de la Bulle du pape Pascal II qui, le 15 février 1113, reconnaissait l’Ordre souverain de Malte, Rome a rassemblé quatre milles de ses membres venus du monde entier ainsi que des représentants de nombreux gouvernements. A l’issue de la messe, célébrée en la basilique Saint Pierre, Benoît XVI a affirmé : « votre œuvre précieuse est le témoignage vivant de l’amour évangélique ».
Mais qu’en est-il de notre connaissance de cette institution, hormis leur signe distinctif : la croix aux huit pointes, blanche sur fond noir ou rouge et leurs collectes d’argent ou de denrées à la sortie des grandes surfaces ? L’histoire de cet ordre n’est pas un long fleuve tranquille. Un nom, tout d’abord, : « Ordre Souverain Militaire et Hospitalier de Saint Jean de Jérusalem, Rhodes et Malte » résume son histoire mouvementée s’il en fut. Fondé en 1048 pour la protection des pèlerins, il fut reconnu par l’Eglise en 1113. Héritier d’un ordre de chevalerie, sa vocation était à la fois religieuse, militaire et hospitalière. Aujourd’hui encore certains membres font les vœux monastiques de pauvreté, chasteté, et obéissance. L’Ordre a conservé un statut international, reconnu par quarante-trois états dont la France et bien entendu le Saint-Siège qui y est représenté par un « cardinal patron ». C’est un ordre « souverain », complètement indépendant, dont le siège est à Rome depuis 1834 et dont la vocation est toujours de défendre et protéger les malades et les pauvres et de vivre selon les principes chrétiens. L’insigne est toujours la croix potencée de Jérusalem.
Mais revenons à son histoire : l’ordre a été créé pour assurer la défense militaire des lieux saints, la protection des pèlerins et des malades en Terre Sainte. Après la prise de saint Jean d’Acre en 1291, les hospitaliers se replient sur Chypre où ils étaient déjà implantés depuis 1210 ; ils reçoivent des terres et constituent une flotte destinée à la protection les pèlerins. Mais l’instabilité de l’île va les obliger, en 1310, à transférer le siège de l’Ordre à Rhodes.
Il faut, sans arrêt, faire face à la pression dominatrice de l’Islam. Ainsi, après six mois de siège et de combats sanglants avec la flotte de Soliman le Magnifique, ils sont contraints d’abandonner Rhodes en 1523. Charles Quint leur cède alors une de ses possessions, l’île de Malte. Si l’ordre a vocation de rester neutre dans tous les conflits entre pays chrétiens, il n’en est pas de même face aux infidèles et les Hospitaliers participent activement à la fameuse bataille de Lépante qui met fin à l’expansion musulmane en Europe en 1571.
En 1798, Bonaparte pour préparer sa campagne d’Egypte, occupe Malte, point stratégique par excellence. Pas question de combattre, ce sont des chrétiens ; alors les chevaliers abandonnent leur île bien que le traité d’Amiens, en 1802, ait réaffirmé leurs droits souverains sur Malte… mais il ne fut jamais appliqué. Après plusieurs résidences en Italie, l’ordre s’établit définitivement à Rome au « palais Magistral » et sa villa, sur l’Aventin, avec garantie d’extraterritorialité ; ils n’auront plus de territoire à défendre !
Les XXe et XXIe siècles voient le retour de leur mission première : assistance dans le domaine médical et humanitaire. Durant les deux grandes guerres, l’Ordre de Malte déploie son aide sur une grande échelle, puis se tourne vers les régions les plus reculées de la planète.
Aujourd’hui il est présent dans cent vingt pays, bien souvent grâce à la création d’associations nationales comme celle de France en 1927, reconnue d’utilité publique.
Les activités de « l’Ordre Souverain Militaire et Hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte » sont innombrables mais toujours orientées dans le sens de sa vocation de secours aux pauvres, aux malades et aux handicapés. On connaît bien son engagement dans la lutte contre la lèpre, présente encore dans soixante pays, moins bien celui en faveur des handicapés, des femmes victimes de violences, mais aussi des SDF qui par exemple sont accueillis avec leur chien dans une péniche sur la Seine à Paris, de la formation des secouristes et ambulanciers etc.
L’Ordre de Malte se veut présent auprès des victimes des conflits, sans distinction de race ou de religion, en restant toujours neutre face aux belligérants. En raison de sa vocation première : assistance aux pèlerins et aux croisés de Terre Sainte, on ne s’étonne pas de sa présence active au Liban, de sa maternité réputée de Bethléem et de tant d’autres fruits de sa vocation d’assistance aux plus défavorisés du Moyen Orient.
Neuf cents ans au service des malheureux, à travers les aléas de l’histoire, ont été honorés par Benoît XVI en février, alors que ses forces physiques diminuaient visiblement sans atteindre ses capacités intellectuelles et spirituelles. Ses paroles de reconnaissance envers l’Ordre de Malte ont dû avoir une grande portée pour la nombreuse assistance. Merci aux Hospitaliers et à tous les bénévoles qui œuvrent avec eux en faveur des souffrants d’aujourd’hui.